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«Aidez-moi!»: le combat intérieur de Sylvain Marcel

«J’ai envie que celui qui souffre m’entende lui parler...»
Éditions La Semaine

On connaît Sylvain Marcel l'acteur faisant partie de la distribution de diverses séries télé. On connaissait moins son passé et son long combat contre une dépendance destructrice aux drogues et à l'alcool. Un combat intérieur qu'il a bien su garder pour lui pendant une trentaine d'années, jusqu'au jour où la vie n'allait plus et où il a trouvé le courage de dire : «Aidez-moi». Il s'agit à présent du titre de ce livre dans lequel il raconte son histoire, en espérant pouvoir aider ne serait-ce qu'une personne perdue dans le brouillard.

Le bonheur à travers l'abstinence

Totalement abstinent depuis 10 ans, c'est un message d'espoir qu'avait envie de livrer Sylvain Marcel. L'espoir de savoir qu'arrêter de consommer et vivre une vie saine est possible, l'espoir de la lumière au bout du tunnel, l'espoir venant avec le témoignage qu'il y a moyen de vivre heureux tout en étant abstinent.

«J'ai commencé à consommer vers l'âge de 13 ou 14 ans et j'ai arrêté à 44 ans, confie l'acteur. Dès le début, c'était déjà problématique pour moi. Il n'y avait rien de tranquille dans mes brosses. Ce n'était jamais sain, ma façon de consommer, je n'arrêtais plus. Pour moi, aller chercher une pinte de lait voulait dire que je revenais trois jours plus tard.»

«Cela fait presque 10 ans que je suis abstinent de drogues et d'alcool, ajoute-t-il. Au début, on n'en parle pas trop, on garde cela plutôt anonyme, pour le travail et ces choses-là. À un moment donné, un ami m'a invité au théâtre, puis à boire un café. Il m'a dit : ''Écoute, j'ai besoin d'aide Sylvain, je ne suis pas capable d'arrêter''. J'ai été complètement abasourdi et je me suis dit que je pouvais peut-être faire une différence.»

Il semble que ce soit déjà le cas alors que tout frais de son récent passage à l'émission Tout le monde en parle, le comédien raconte recevoir énormément de messages d'espoir. «Les gens me remercient d'en parler, je ne reçois que des messages positifs. Ça fait du bien et je me dis que, visiblement, ça valait la peine.»

Le Québec au complet peut connaître mon secret, cela va juste me faire du bien. Cela fait toujours du bien.Sylvain Marcel

En s'adressant au lecteur et en l'interpellant directement, il avait envie de lui donner l'impression d'assister à un meeting en sa compagnie, d'être assis à ses côtés et de discuter personnellement avec lui.

«Ce n'est pas simplement d'aider une ou plusieurs personnes, poursuit-il, mais cela me sort de mon ego et cela me permet d'être en mode aide au lieu d'être en mode chialage. Car l'ego souffre tout le temps; tu es toujours en train de chialer, toujours en train de souffrir. C'est bien le fun de sortir de là.»

Alcool, crack, cocaïne, blessures psychologiques, blessures d'enfance, violence; s'il n'entre pas dans les menus détails, le comédien ne cache toutefois rien à ce lecteur devenu confident et ami. Un exercice hautement bénéfique qui s'apparente au principe de la confession lui permettant de se libérer de son lourd secret.

«Je sais qu'un dépendant avec un secret, c'est un dépendant en danger. Dans mon cas, maintenant, le Québec au complet peut connaître mon secret, cela va juste me faire du bien. Cela fait toujours du bien.»

«Je pense que je devais passer par là, par cette souffrance-là, pour devenir ce que je suis devenu aujourd'hui, et pour atteindre une certaine sérénité, confie-t-il. C'est sûr que je suis un être humain, je ne suis pas parfait. C'est pour cela que je raconte ce qui m'est arrivé.»

Se sortir de son passé

Dans les premières pages d'Aidez-moi!, Sylvain Marcel écrit : «Ce livre est un ascenseur : on part des bas-fonds noirs pour se rendre vers la lumière». On débute donc par la fin de l'histoire pour se rendre au renouveau, à cette nouvelle vie où l'acteur se rend sur les plateaux de télévision 30 minutes en avance, frais, dispo et cent fois plus léger que par le passé.

«Lorsque je consommais, souvent je ne savais pas mon texte, j'arrivais en retard et complètement «lendemain de veille» sur des plateaux, je faisais beaucoup de bloopers; les producteurs trouvaient cela moins drôle de m'engager, ça leur coûtait plus cher. Moi, j'étais en survie.»

C'est à sa conjointe de l'époque qu'il a lancé les deux mots les plus importants de sa vie. «On arrivait encore une fois d'une brosse monumentale, il était très tôt le matin et je devais aller faire de la postsynchronisation sur un film de Bernard Émond, se souvient-il. Je n'ai pas pu y aller. Je me suis mis à genoux, mais pas pour prier : parce que je ne pouvais plus me tenir debout. J'étais physiquement épuisé, je n'en pouvais plus, je n'avais pas dormi depuis des jours et je faisais cela depuis des années. J'ai dit : ''Aidez-moi quelqu'un!'' Et c'est mon agente qui m'a fait entrer en thérapie ce jour-là.»

C'est là qu'il s'est ouvert sur ses blessures du passé l'ayant mené à consommer pour oublier et, momentanément, se sentir mieux.

«Il y avait beaucoup de violence à l'époque dans ma ville natale, Charlemagne, raconte-t-il. J'ai vu un homme se faire casser les jambes dans la rue alors que j'étais un petit garçon. J'ai vu une grosse Cadillac arriver et des hommes avec des bâtons de baseball et des chaînes. Cela a fait partie de ma réalité. Ce sont des choses qui marquent. Je vivais dans une famille dysfonctionnelle avec des parents qui étaient débordés. Ce sont toutes ces petites affaires, des blessures d'enfance qui font que l'alcool te donne l'impression que cela te fait du bien, mais cela ne te fait pas de bien. Ça m'a peut-être empêché de me suicider, mais un moment donné, ça ne marchait plus.»

Un alcoolique ou un toxicomane n'est pas un paresseux ni une personne qui manque de volonté. C'est une personne malade.Sylvain Marcel

L'acteur insiste sur l'importance d'être au fait que dans les années 1950, l'OMS (l'Organisation mondiale de la santé) a déclaré que la dépendance était une maladie.

«Un alcoolique ou un toxicomane n'est pas un paresseux ni une personne qui manque de volonté. C'est une personne malade. C'est une maladie progressive qui augmente avec la vie et la douleur. C'est aussi une maladie incurable et mortelle. Moi, je suis allé six fois à l'hôpital. C'est une maladie reconnue qui est malheureusement très peu connue de la médecine.»

L'acteur explique en riant que lorsqu'il consommait, il a été nominé aux Gémeaux ainsi que pour d'autres prix sans jamais remporter de trophée. Et que maintenant qu'il est abstinent, il a deux Gémeaux et un trophée Artis en poche. «Je me dis qu'il y a un lien et même s'il n'y en a pas, je veux en faire un.»

À cet ami artiste qui croit encore que l'alcool l'aide à être un meilleur acteur, il explique qu'il a tout faux. «Ceux qui pensent que se geler aide à être de meilleurs acteurs, de meilleurs peintres, de meilleurs artistes ou même de meilleurs plombiers se trompent. Ce n'est pas vrai. La preuve : on est bâti pour ne pas consommer.»

Malgré tout, Sylvain Marcel affirme avoir en lui une peur de se faire juger. «Les gens qui pourraient avoir des commentaires négatifs, je leur dirais de venir faire un meeting, car probablement qu'ils ont le même problème que moi, c'est souvent ce qui arrive.»

Il appréhende aussi que les gens comparent leurs dépendances aux siennes et qu'ils imaginent qu'ils n'ont pas de problème parce qu'ils ne sont pas aussi près du gouffre que le comédien a pu l'être.

«Si ton verre ou ta bouteille de vin t'empêche de payer tes comptes, nuit à ta situation familiale ou te rend agressif, tu as un problème d'alcool et de consommation. C'est ce que je veux dire au public : le problème n'est pas tant ce que tu as consommé, mais si cela te nuit ou pas.»

Aidez-moi! de Sylvain Marcel est disponible dès maintenant dans toutes les bonnes librairies.

Le comédien présente aussi les conférences Aidez-moi! sur demande dans les écoles, les centres et les entreprises du Québec. Cliquez ici pour plus d'informations.

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