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Le mythe des 8 heures de sommeil

«Non, les heures de sommeil avant minuit ne sont pas plus réparatrices que les suivantes.»
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Nous dormons de moins en moins. La faute aux multiples sollicitations, aux écrans, à nos nouvelles habitudes de vie nocturne et diurne. Ce "déclin" se fait au détriment de notre santé, alertent des médecins dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'agence sanitaire Santé publique France publié mardi 12 mars.

Pour préserver notre santé, l'idée n'est pas de se forcer à dormir telle ou telle durée mais de réussir à respecter notre propre horloge interne. En matière de sommeil, les moyennes horaires ont souvent été érigées en règles de conduite. Or, contrairement à une croyance tenace, une bonne nuit ne doit pas forcément durer 8h. "C'est un raccourci popularisé par les médias. Il s'agit en fait d'une moyenne générale mais qui n'est pas adapté à tout le monde", rappelle Cécile Martinot, médecin au centre interdisciplinaire du sommeil à Paris, interrogée par Le HuffPost.

Dans les premiers mois de notre vie, notre horloge interne se met en place. Elle régule l'alternance éveil/sommeil et définit notre profil de court ou long dormeur. C'est notre patrimoine génétique qui le détermine bien avant notre rythme de vie et nos habitudes. En grandissant la durée de notre sommeil dépendra aussi de notre âge.

A l'âge adulte, les longs dormeurs peuvent largement dépasser les 9h de sommeil sur 24h. Les courts dormeurs sont un groupe qui vit bien en dormant peu, à raison de 5h - 6h de sommeil. L'étude publiée ce mardi 12 mars montre que le nombre de Français en dette de sommeil augmente, ce qui ne veut pas dire que la part des courts dormeurs est devenue plus importante. "On estime à moins de 5% de la population les courts dormeurs", explique Cécile Martinot interrogée par Le HuffPost.

Dormir moins de 6 heures par nuit a des conséquences

Ainsi donc, si les chercheurs s'inquiètent de voir la moyenne générale du nombre d'heures de sommeil baisser ce n'est pas tant parce que 7h de sommeil est une durée idéale mais parce que la part de Français en dette de sommeil augmente. Or, il n'a pas été prouvé qu'il fallait dormir 7h ou 8h pour être en bonne santé. Dormir moins de 6h en revanche, a de réelles conséquences sur votre santé, sauf si vous êtes un court dormeur.

"Plus d'un tiers des Français (35,9%) dorment moins de 6 heures. Or on sait par de très nombreuses études épidémiologiques que dormir moins de 6 heures est associé à un risque plus élevé d'obésité, de diabète de type 2, d'hypertension, de pathologies cardiaques et d'accidents", soulignent le spécialiste du sommeil Damien Léger et le directeur général de Santé publique France, François Bourdillon dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire.

"Dormir moins de 6 heures réduit aussi la vigilance dans la journée, augmente l'irritabilité et perturbe les relations familiales ainsi que la qualité de vie et de travail" ajoutent-ils. Pour savoir si vous dormez assez, demandez-vous si vous êtes "somnolent, irritable, ou encore, si vous souffrez de troubles anxieux", détaille Cécile Martinot.

Pour renouer avec votre horloge interne, il faut être à l'écoute et ne pas forcément regarder l'heure. "Cela commence par aller se coucher quand on est vraiment fatigué, conseille Cécile Martinot, et se lever rapidement après la nuit. Un bon dormeur s'endort et se réveille vite. Rester au lit, forcer l'endormissement, cela modifie et dérègle notre rythme de sommeil, notre horloge interne."

Autre mythe tenace, l'heure du coucher qui présuppose la qualité du sommeil. "Non, les heures de sommeil avant minuit ne sont pas plus réparatrices que les suivantes. C'est faux, ce sont les premières heures de sommeil, avant comme après minuit, qui sont les plus réparatrices".

Une nuit de sommeil en plusieurs fois

Pour ceux dont les nuits sont hachées, les recherches en histoire sur le sommeil montrent que nos ancêtres avaient un rythme proche du vôtre. Des scientifiques et des historiens avancent que nous ne sommes pas faits pour dormir d'une seule traite. Selon les travaux de Roger Ekirch, historien influent à l'université Virginia Tech et auteur de At Day's Close: Night In Times Past, nos ancêtres avaient un sommeil très différent. Avant la révolution industrielle, on dormait en deux fois, avec une phase de veille entre les deux. Cette période d'éveil nocturne "faisait partie des rythmes de l'existence", expliquait ce spécialiste en 2001, dans un article qui s'appuyait sur 16 ans de travaux.

Largement adoptés par les spécialistes du sommeil, les travaux de Roger Ekirch éclairent notre compréhension de l'insomnie. L'une des retombées importantes de ces recherches historiques est l'idée que l'insomnie du type réveil nocturne – par opposition à l'insomnie caractérisée par les troubles de l'endormissement – serait un vestige de ce rythme de sommeil autrefois dominant, plutôt qu'un trouble.

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