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8 comportements sexistes à bannir de votre quotidien (que vous adoptez parfois sans vous en rendre compte)

Hommes et femmes, nous reproduisons (chaque jour?) des comportements qui tendent à perpétuer les inégalités entre les deux sexes.
MangoStar_Studio via Getty Images

On a beau être en 2019, on vit dans une société très genrée. On s'entend, les choses ont beaucoup changé dans les dernières décennies au Québec, au fur et à mesure que les femmes se battaient pour faire valoir leurs droits. Mais il reste qu'encore aujourd'hui, de nombreuses inégalités demeurent entre les hommes et les femmes. On n'a qu'à penser à la question de l'équité salariale, qui n'est toujours pas réglée (!), ou à la proportion de femmes dans des postes de direction, pour ne parler que du monde du travail.

Et chaque jour, hommes et femmes, nous reproduisons des comportements (souvent sans nous en rendre compte) qui tendent à perpétuer ces inégalités. En cette Journée internationale des femmes (que plusieurs activistes souhaitent voir rebaptisée «Journée internationale des droits des femmes»), le HuffPost Québec a demandé à quatre spécialistes des enjeux féministes de nommer des exemples de sexisme ordinaire.

1- «Le langage de la domination»

Ce comportement adopté par certains hommes en milieu de travail est un peu le cousin du «mansplaining» (ce concept plus connu selon lequel un homme explique à une femme une situation qu'elle connaît mieux que lui). Il s'agit de répéter ce qu'une femme vient de dire, mais en variant un peu les mots, pour augmenter la crédibilité de son propos.

«Ça peut se produire dans une réunion de travail, par exemple, mais aussi au cours d'un souper entre amis», précise Mélissa Blais, professeure associée à l'Institut de recherches et d'études féministes (IREF) de l'UQAM, et auteure du livre J'haïs les féministes.

Une variante de ce comportement paternaliste consiste aussi à «accorder des points» à une femme pour ses explications.

«La femme a beau être plus âgée, avoir un plus grand nombre d'années d'expérience ou un niveau de scolarité plus élevé, l'homme va s'autoriser à la féliciter et à lui dire qu'elle a bien compris un auteur ou un concept, par exemple», illustre Mélissa Blais.

2- Le «manspreading»

Ce comportement masculin s'observe dans les transports en commun: un homme qui prend beaucoup de place dans un siège de métro, par exemple, et va même empiéter sur le siège voisin.

«C'est une question d'appropriation de l'espace public, un exemple typique de sexisme ordinaire, résume Mélissa Blais. En prenant autant d'espace, le message sous-jacent est: ''l'espace m'appartient'', sans égard au bien-être de la personne à côté.»

Cette pratique est banalisée, ajoute Rania Aoun, chargée de cours au Département de communication sociale et publique, parce que les garçons y sont conditionnés depuis leur enfance.

«Les garçons sont éduqués de manière à s'approprier l'espace public, beaucoup plus que les femmes, explique-t-elle. Ils prennent beaucoup plus de place, sont à l'aise.»

3- Dire aux petites filles qu'elles sont «belles»

Évidemment, qu'elle est belle, votre fillette! Et c'est très difficile de ne pas le lui dire 14 fois par jour... Mais ce serait important de lui faire comprendre que ce n'est pas la beauté qui est importante, dans la vie, explique Hélène Charron, sociologue du genre et chercheure associée à la chaire Claire-Bonenfant de l'Université Laval.

«C'est sûr qu'on ne veut pas mal faire, quand on dit à nos filles qu'elles sont belles, dit-elle. Mais l'addition de toutes nos remarques, toujours portées sur l'esthétique, font qu'elles sont très préoccupées par leur apparence, et accordent beaucoup d'importance au regard qu'on porte sur elles, en vieillissant.»

Ce n'est qu'un exemple des comportements qu'on reproduit auprès des enfants et qui contribuent à perpétuer les inégalités, plus tard. Et qui font qu'encore aujourd'hui, les femmes se sentent moins légitimes de prendre la parole en public, par exemple, tandis que les hommes posent des questions et n'hésitent pas à remettre en question les interventions précédentes, ajoute Hélène Charron. On encourage les garçons à bouger, et on considère normal qu'ils soient agressifs, alors que chez les filles, c'est tout le contraire.

Plusieurs parents ont aussi tendance à enseigner davantage aux filles comment prendre soin des autres, le «care»... alors que chez les garçons, on valorise plus la force que le dialogue. Alors, quand ces petits garçons et ces petites filles auront des enfants, qui s'en occupera, vous pensez?

«Chez de nombreux hommes, cela va créer une difficulté à communiquer dans leurs relations, et ils auront plus de difficultés à prendre en charge le travail non rémunéré», explique Hélène Charron.

Et cela se poursuit à l'âge adulte.

«Les femmes sont généralement complimentées sur leur apparence physique, ce qui est plus rare pour les hommes, avance Mélissa Blais. Dans un milieu de travail, ça les renvoie non pas à leur intellect, mais à leur corps. Encore une fois, elles sont réduites à être un objet d'apparence.»

4- Faire du «slut shaming»

Même entre filles, on peut avoir des comportements qui favorisent le sexisme et les inégalités. Par exemple, si un homme trompe sa conjointe avec une autre femme, on aura tendance à blâmer cette dernière, qui aura «brisé un couple» en charmant un homme marié, remarque Marie-Hélène Racine, gestionnaire des réseaux sociaux pour le blogue Je suis féministe.

Un autre exemple: «Quand une femme a recours à la chirurgie esthétique, on va dire qu'elle fait cela pour attirer l'attention, pour plaire aux hommes... Mais probablement qu'elle le fait juste pour elle! On a beaucoup d'idées préconçues sur l'hypersexualisation, et on juge beaucoup les femmes, mais elles ont le droit de faire des choix pour elles. Et en même temps, c'est très hypocrite, parce qu'on demande aux femmes de respecter certains critères de beauté...»

5- La jalousie hétéronormative

Vous êtes dans un party avec votre chum. Puis, vous vous rendez compte qu'il a l'air d'avoir un peu trop de fun avec la belle brune à l'autre bout de la pièce... et vous vous mettez à bouillir. Rassurez-vous, on fait toutes ça (ou à peu près)!

«On va développer une jalousie, comme si le seul intérêt d'une fille, d'emblée, c'est sexuel, explique Marie-Hélène Racine. Comme si la fille ne pouvait pas être intéressante, que ça peut juste être agréable de parler avec elle. Ça reflète ce qu'on prône dans la société: on voit la femme comme un objet sexuel au lieu de la voir comme une personne.»

6- «Ma blonde, elle est bonne pour faire la vaisselle!»

La division des tâches au sein des couples hétérosexuels comporte encore beaucoup d'inégalités, constate la plupart des chercheures et expertes en études féministes.

«Avant, on disait que changer le rouleau de papier de toilette était une tâche de femme et que sortir les poubelles était une tâche d'homme, illustre Mélissa Blais. Maintenant, on va dire ''ma blonde est meilleure que moi pour changer le rouleau''. On ne va pas nommer les femmes, mais on va dire: ''Mélanie est bonne pour faire du café, elle le fait mieux que moi''. Mais c'est encore le même argumentaire: on catégorise le travail invisible pour les femmes et le travail visible pour les hommes.»

7- Présumer qu'une femme n'est pas disponible à cause de ses obligations familiales

Il faut changer radicalement la culture dans les milieux de travail, croit Hélène Charron.

«Il faut cesser de de privilégier et d'encourager les gens qui s'investissent à un tel point qu'ils n'ont pas le temps pour d'autres domaines... La proportion de pères qui prennent le congé parental est encore très faible. On considère encore dans les milieux de travail que les hommes sont plus disponibles, alors qu'une femme, on pense aussitôt à ses enfants.»

Ce sera d'ailleurs le prochain grand défi du féminisme, selon la sociologue: transformer en profondeur le marché du travail.

8- Ridiculiser une femme en colère

Vous vous rappelez de la scène de colère qu'a faite Serena Williams, à la fin de l'été, quand elle n'était pas d'accord avec les décisions de l'arbitre? On lui a reproché d'être allée trop loin. Or, plusieurs joueurs de tennis masculins ont affirmé qu'ils avaient déjà réagi de façon plus intense sans être punis.

«Une femme en colère est généralement vue comme un monstre, tranche Mélissa Blais. La colère d'un homme, c'est vu comme de la force, mais celle d'une femme, c'est de la faiblesse. Et c'est nécessairement suspect.»

Le terme «hystérique» n'est d'ailleurs jamais bien loin...

«La population a tendance à pardonner les écarts masculins, moins ceux des femmes, de même qu'à croire qu'un politicien ou un PDG fait preuve de leadership alors qu'une femme qui adopte le même ton, les mêmes propos et le même comportement, est autoritaire ou pire, une véritable harpie», ajoute Marilyse Hamelin, animatrice à MAtv, chroniqueuse et auteure du blogue La semaine rose.

*Vous voulez mieux comprendre ce qu'est le sexisme ordinaire? Allez lire cette hilarante explication illustrée de Sarah Cooper.

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