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«Passe-Partout»: Widemir Normil s'exprime sur la réalité du nouveau Fardoche

«Des gens m’ont écrit pour me dire : ''Ce racisme-là n’est pas correct, les Québécois forment un peuple ouvert et sensible''. Je trouve ça extraordinaire!»
Télé-Québec

À 56 ans, et en 36 ans de carrière, Widemir Normil a vécu bien des choses. De nombreux rôles, des critiques, de beaux cadeaux et des surprises, comme celle d'avoir maintenant l'occasion d'interpréter le personnage mythique de Fardoche dans la nouvelle mouture de Passe-Partout. À l'instar de son personnage, l'acteur dit récolter tout ce qui lui arrive de beau, spécialement depuis les dernières années. Nous avons discuté longuement avec lui - de la «controverse» suscitée par le fait qu'un acteur d'origine haïtienne personnifie Fardoche, entre autres - avec le plus grand bonheur. Parcelles, par thèmes, d'une conversation qu'on a eu du mal à laisser aller...

Tellement plus d'amour que de haine

Widemir Normil n'est sur aucun réseau social et vit très bien ainsi. Et comme il se trouvait au Mexique lors de la diffusion de la grande première de Passe-Partout, ce sont des Québécois rencontrés sur la plage – venus lui déclarer leur appréciation et leur amour – qui l'ont informé de la «polémique» soulevée par certains détracteurs sur les réseaux sociaux.

«J'ai 36 ans de métier; je suis téflon par rapport à cela, mais totalement, dit-il d'emblée. Ce que je trouve extraordinaire par contre, c'est le fait que les gens m'ont écrit et sont venus me voir pour me dire : ''On vous aime'', alors que je n'étais pas au courant de cette controverse. Ce sont les gens sur place, au Mexique, qui m'en ont parlé et qui venaient me dire que ce qui avait été écrit n'était pas correct.»

L'acteur, qui était un peu trop vieux à l'époque du Passe-Partout original pour avoir été un véritable fan, se dit touché que tous ces gens aient pris du temps pour lui écrire ces beaux mots.

«En l'espace de 10 jours, il y a des acteurs connus qui m'ont écrit et téléphoné pour me dire que je faisais du bon travail. J'ignore même comment ils ont fait pour trouver mon adresse courriel. De purs inconnus, des hommes et des femmes qui m'ont écrit pour me dire : Ce racisme-là n'est pas correct, les Québécois forment un peuple ouvert et sensible... Je trouve cela extraordinaire.»

«Je n'ai même pas besoin de me défendre, poursuit-il, car il n'y a rien à défendre. Les gens le font à ma place. La représentativité ethnique a toujours été mon drapeau; je suis d'origine haïtienne, je ne peux pas faire semblant. Ma mère a beau me dire qu'il y a plus de sirop d'érable qui coule dans mes veines que de canne à sucre, je reste Noir et je suis quand même natif de Port-au-Prince. Je trouve extraordinaire que les gens me défendent de la sorte.»

«Après 36 ans à faire ce métier, je suis habitué à la critique. Que les gens n'aiment pas ce que je fais, c'est bien correct. C'est la vie. Ma mère m'a toujours fait comprendre qu'il y a 50% des gens qui t'aiment et 50% qui ne t'aimeront pas, donc, vas-y, rêve et réalise tes rêves à toi! Ce que je fais maintenant, c'est simplement dire merci et prendre tout cela.»

Au sujet de la lettre ouverte publiée récemment dans les pages du journal Le Devoir prétendant paradoxalement que le nouveau Passe-Partout serait plus blanc que blanc, Widemir Normil explique ceci:

«Télé-Québec, les producteurs et toute l'équipe de Passe-Partout veulent l'inclusion, car s'ils ne le voulaient pas, ce n'est pas moi qui serais là à interpréter Fardoche. Je pense qu'ils ont une grande sensibilité qui n'est pas juste montréalaise, soit dit en passant, mais québécoise et canadienne. D'ailleurs, il y a minorité visuelle, mais il y a aussi minorité audible. Celle-ci est aussi importante que la minorité visible. Si un personnage blanc se met à parler tel un Français ou une Magrébine, il y a aussi un souci de représentativité. Des fois, la subtilité n'est pas juste dans la couleur. Une personne handicapée ou une personne obèse fait aussi partie de la diversité. Je crois que le souci de toute cette belle gang-là est de faire quelque chose qui est le plus crédible possible. Il faut lui donner le temps pour que ça pousse, mais il y a des intentions qui sont d'une noblesse extraordinaire et moi, je vais toujours défendre cela, parce que je suis là.»

«Je ne suis pas unicellulaire, juste Noir, je suis plein d'autres choses aussi. L'ouverture doit venir des auteurs, des producteurs, des diffuseurs... C'est la responsabilité de tout un chacun. Il faut encourager nos jeunes à écrire, car ils arrivent avec des visions, des façons d'écrire, de parler et de faire qui sont magnifiques. C'est beau à voir.»

«Le combat n'est pas à faire au niveau du public, ajoute-t-il. Le public ne choisit pas : il doit simplement choisir dans ce qui lui est proposé, mais il ne décide de rien, ce qui est une grande nuance. Les auteurs, les producteurs, les diffuseurs; ce sont eux qui décident. Vous syntonisez sur quelque chose qui ne vous plaît pas, vous n'avez qu'à changer de poste.»

«Mon travail a toujours été d'offrir une attitude accueillante, englobante, généreuse et un professionnalisme qui fait que ces gens vont avoir envie de retravailler avec moi, ajoute-t-il. Comme je n'écris pas, je suis dépendant du téléphone. Je suis Noir, mais je ne suis pas que cela, mais je suis aussi cela. D'ailleurs, je suis sûr que le peuple québécois est prêt à bien des affaires et à bien plus d'ouverture que cela, de toutes formes», dit-il en pensant, notamment, à la visibilité accordée aux femmes, aux acteurs plus âgés, aux corps différents...

«On a une éthique et une esthétique qui doit changer, ce n'est pas juste une affaire de représentativité ethnique, mais de représentativité de la réalité», affirme celui qui, depuis 13 ans, livre avec bonheur des conférences portant sur la confiance en soi, l'importance de croire en ses rêves et de se relever des échecs dans les écoles secondaires et les centres de formation pour adultes

«L'isolement est le pire ennemi de l'évolution. J'invite les jeunes à en parler et à avancer. À se relever et à continuer, comme j'ai su le faire après toutes ces années où j'ai été victime d'intimidation.»

Dans l'univers de Fardoche et de Passe-Partout

Le père de famille dit s'être beaucoup inspiré de ce rôle pour donner vie à ce Fardoche 2.0.

«Il est clair que l'acteur initial et moi sommes diamétralement opposés, lance-t-il. Je n'ai pas essayé de faire quelque chose de différent ou de semblable à ce que lui faisait, et je savais pourquoi on m'avait demandé - à moi - d'auditionner pour ce rôle. Ma personnalité m'amène souvent à jouer des rôles de bons messieurs, des personnages sympathiques. On ne me demandait pas de composer quelque chose, mais d'être le plus naturel possible avec mon rire sympathique. Ma proposition va bien avec 2019, je trouve.»

Ce rôle, somme toute inattendu, l'acteur se déclare heureux et honoré de l'avoir décroché. D'avoir simplement été invité à être vu en auditions, en fait.

«J'étais touché d'être appelé à passer l'audition, car je savais que Fardoche était blanc dans la première mouture. Je suis arrivé très préparé et lorsque s'est terminée l'audition, j'avais le sentiment que je devais dire quelque chose. J'ai senti que je devais dire quelque chose à l'équipe. Je leur ai dit : ''J'aimerais vous remercier de votre audace''. J'ai comme créé un petit malaise, mais j'ai insisté pour leur dire que quand ça ne va pas bien, je le dis, mais quand ça va bien, je le dis aussi. Je leur ai dit que je n'étais pas téteux, mais que j'admirais leur audace du simple fait de donner la chance à des gens issus de la diversité d'auditionner pour ce rôle.»

«On m'a dit que c'était tout à fait normal, alors j'ai répondu que ce ne l'était pas dans ma réalité, ni tout à fait normal dans la télévision québécoise.»

«Ce n'est pas juste une affaire de Noir/Blanc, c'est plus subtil. C'est une affaire d'énergie. Il faut croire que j'avais les facteurs qu'ils recherchaient pour me choisir après une deuxième audition. Il fallait aussi que cette énergie fonctionne avec les trois Passes, qui sont d'ailleurs extraordinairement sensibles et drôles. Tout cela est organique, il fallait que la chimie soit là et que ce soit vraiment magique tous ensemble.»

On peut affirmer que c'est mission accomplie!

Passe-Partout est diffusée quotidiennement à 7h30 et du lundi au mercredi à 18h, sur les ondes de Télé-Québec.

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