ESPACE - C'est le baptême du feu pour la société d'Elon Musk. Un an après le lancement historique de sa fusée géante Falcon Heavy, ce samedi 2 mars, vers 3 heures du matin (9 heures à Paris), SpaceX doit faire décoller une fusée Falcon9 équipée d'une capsule bien spéciale: Crew Dragon. À son bord, pour le moment, un simple mannequin.
Mais si tout se passe bien, en juillet, ce nouveau vaisseau devrait envoyer deux astronautes américains à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Ce sera la première fois qu'un être humain est envoyé dans l'espace par une société privée.
Ce sera aussi le premier retour d'un vaisseau américain habité en direction de l'ISS en huit ans. Car depuis le retour de la navette américaine Atlantis le 21 juillet 2011, plus aucun astronaute ne s'est envolé dans l'espace depuis les États-Unis. La Nasa paie les Russes 82 millions de dollars par astronaute pour l'aller-retour vers la station spatiale à bord d'un vaisseau Soyouz.
Quelques heures avant le lancement, Elon Musk a publié une photo du mannequin, baptisé "Ripley", équipé de la combinaison SpaceX, dans la capsule Crew Dragon.
Un difficile partenariat public/privé
En 2014, l'agence spatiale américaine a signé avec SpaceX et Boeing pour prendre le relais de la Nasa. Mais le développement a pris du retard, car les critères de sûreté sont plus exigeants que pour lancer des satellites. Deux des quatre navettes initiales de la Nasa, Challenger (1986) et Columbia (2003), se sont désintégrées, et personne ne veut revivre ce cauchemar.
"Ces choses-là prennent toujours plus longtemps que prévu", dit à l'AFP Lori Garver, qui était numéro deux de la Nasa lors de l'attribution des contrats, sous Barack Obama. Boeing devrait réaliser ses premiers vols, à vide et habité, peu après SpaceX, en avril et en août.
À l'époque, la décision était controversée. Au Congrès, des élus contestaient le changement de modèle, et la perte de contrats et d'emplois pour les grands groupes aérospatiaux traditionnels installés dans leurs États.
"Nous n'avons plus beaucoup de héros, et les astronautes sont nos héros", analyse Lori Garver. "Il a été difficile pour certains de voir la Nasa céder une partie du contrôle du transport des astronautes à des compagnies. Ça l'est toujours pour certains".
Un vol low cost
SpaceX n'est pas novice et connaît bien l'aller-retour Terre-ISS. La compagnie fondée par Elon Musk et basée à Los Angeles a réussi 15 ravitaillements depuis 2012; une fusée a explosé en 2015. Crew Dragon est adaptée de la version cargo qui a démontré sa fiabilité.
Le lancement de samedi n'en est pas moins "très important", a dit l'un des tout premiers salariés de la compagnie, Hans Koenigsmann, vice-président de SpaceX.
"C'est une première étape absolument critique pour le retour des vols habités ici aux États-Unis", a dit William Gerstenmaier, administrateur adjoint de la Nasa.
Mais "peu de gens pensaient qu'il se passerait autant de temps entre la fin de la navette et l'arrivée d'un nouveau véhicule", a dit l'ancien historien en chef de la Nasa Roger Launius à l'AFP.
Le refroidissement des relations avec la Russie n'a fait qu'accentuer la pression pour refaire voler des astronautes depuis les États-Unis. Et les incidents qui ont touché Soyouz ces derniers mois n'ont rendu que plus nécessaires ces nouveaux vaisseaux.
De la sous-traitance au partenariat
La Nasa s'est toujours reposée sur l'industrie pour son programme spatial. Dans les salles de contrôle d'Apollo, rappelle Roger Launius, "presque tous les gens étaient des sous-traitants, pas des salariés de la Nasa".
La nouveauté est que l'agence ne paie plus la totalité du développement et ne possède pas les appareils. Elle achète un service, pour un montant fixe: les contrats de 2014 prévoient 4,2 milliards pour Boeing et 2,6 milliards pour SpaceX, avec six missions incluses en plus du vol d'essai -une fraction des quatre milliards de dollars annuels qu'aurait coûté la prolongation des navettes, selon Lori Garver.
La mission-test de Boeing, sans humain, est prévue en avril. Michael Neufeld, conservateur au musée de l'Air et de l'Espace Smithsonian de Washington, souligne aussi le choix de la Nasa de se reposer sur deux compagnies concurrentes.
"L'une des leçons des navettes est de ne plus parier sur un seul véhicule", dit-il à l'AFP. "S'il y a un accident, au moins on ne sera pas complètement coincés".
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