QUÉBEC - Le premier revers judiciaire du gouvernement Legault dans le dossier des 18 000 dossiers d'immigration ne rassure pas tout à fait les demandeurs, qui ne pousseront un soupir de soulagement qu'une fois leur certificat de sélection du Québec (CSQ) en main.
Lundi, la Cour supérieure a émis une injonction provisoire d'une durée de 10 jours - jusqu'au jeudi 7 mars à 17h - pour obliger le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion (MIDI) de continuer de traiter les demandes d'immigration en cours.
C'est donc gagné pour les demandeurs, soit l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI) et la Coréenne Seeun Park... pour l'instant. Le gouvernement pourrait aller en appel de cette décision.
«Je considère cette injonction plutôt comme une petite victoire, qui remet en cause le projet de loi. Ça servira peut être à en démontrer le caractère cruel et inhumain. Mais je pense qu'on est encore loin de la victoire», estime Tafoughalt Abdelouhab, de l'Algérie.
Paolo Ferreira, un Français qui a quitté le Québec après la fin de son Programme vacances-travail (PVT), se dit rassuré «sur le court terme, mais l'enjeu est sur le long terme maintenant».
L'homme de 29 ans s'est inscrit sur le portail Arrima, mais se dit peu confiant de réussir à se tailler une place parmi les 91 000 déclarations d'intérêts déjà soumises dans le système. «Je n'y crois pas vraiment», dit-il dans un échange de courriels.
Il doit agir conformément au droit en vigueur, et non sur le fondement d'une modification législative projetée.le juge Frédéric Bachand, dans son jugement
Dans sa décision, le juge Frédéric Bachand dit que le ministre Simon Jolin-Barrette a eu tort de suspendre les quelque 18 000 dossiers dans l'ancien système alors que son projet de loi n'est pas encore adopté.
«Il doit agir conformément au droit en vigueur, et non sur le fondement d'une modification législative projetée», soutient le juge Bachand.
Il réfute les arguments du MIDI en ajoutant que «le souci d'efficacité de nos institutions publiques, aussi important soit-il à notre époque, ne saurait l'emporter sur l'obligation leur incombant de toujours agir conformément à la loi».
L'opposition sur le pied de guerre
Le Parti libéral du Québec et Québec solidaire somment le gouvernement Legault de reculer sur son intention d'annuler les 18 000 dossiers tout simplement.
«De toutes parts, [le premier ministre François] Legault recevait des signaux à l'effet que l'abandon de ces dossiers était inhumain et non fondé. Il aura fallu l'intervention des tribunaux pour le forcer à reculer. C'est une importante rebuffade», a critiqué Dominique Anglade, porte-parole libérale en matière d'économie et d'immigration.
Mme Anglade se désole du fait que «l'improvisation» du gouvernement a causé beaucoup d'angoisse et d'inquiétude aux personnes concernées depuis le dépôt de ce projet de loi, le 7 février dernier.
Le porte-parole solidaire en matière d'immigration, Andrés Fontecilla, estime que cette injonction confirme que le gouvernement a agi dans l'illégalité.
«Pour les 55 000 personnes qui ont vu leur rêve s'écrouler, cette injonction est une lueur d'espoir, mais la bataille n'est pas gagnée. M. Jolin-Barrette doit arrêter la déchiqueteuse et traiter les 18 000 dossiers en bonne et due forme», estime-t-il.
L'étude du projet de loi 9 reprend en commission parlementaire mardi matin, avec l'AQAADI qui viendra plaider que la pièce législative du ministre Jolin-Barrette est carrément inconstitutionnelle.