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Enseignants: travailler avec son monde

Les enseignants veulent inspirer les solutions plutôt qu’être considérés comme de simples exécutants.
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J'invite une fois de plus le ministre de l’Éducation à travailler en amont avec le personnel enseignant avant de prendre les décisions qui le concernent directement.
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J'invite une fois de plus le ministre de l’Éducation à travailler en amont avec le personnel enseignant avant de prendre les décisions qui le concernent directement.

Dès son arrivée au pouvoir, le premier ministre Legault a placé l'éducation au sommet de ses priorités. Et depuis le début de 2019, le gouvernement est très actif à ce sujet. Dans la dernière semaine seulement, le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a annoncé son intention de modifier le régime pédagogique pour prescrire un temps de récréation et de déposer le projet de loi n°5 visant à implanter la maternelle 4 ans pour tous les enfants.

Dans les deux cas, la bonne nouvelle est que le gouvernement se préoccupe des enfants, de leur santé et de leur réussite. C'est heureux, et nous le reconnaissons d'emblée.

Les enseignantes et enseignants saluent la volonté du gouvernement de faire bouger davantage les élèves, mais se demandent pourquoi ça leur reviendrait d'office alors que leur tâche est déjà pleine à craquer. Or, la tâche éducative d'un prof n'est pas élastique: pour plusieurs, ce temps additionnel alloué aux surveillances de récréation devra forcément être retiré ailleurs, par exemple dans celui accordé au soutien des élèves. C'est un fait lié à la nature du travail du personnel enseignant, et non à une quelconque résistance.

Les écoles devront relever un défi organisationnel, et nous ne sommes pas les seuls à le répéter. De façon incohérente, il sera possible de couper à volonté dans le temps accordé au français, aux sciences, aux mathématiques, aux arts, pourvu que les élèves aient deux récréations de 20 minutes par jour.

Le ministre a jugé plus important de prescrire du temps pour les récréations plutôt que pour les matières à enseigner.

Les enseignants saluent également la volonté du gouvernement de donner des services à tous les enfants de 4 ans. Nous convenons tous que la priorité est d'offrir des services aux tout-petits qui n'en ont actuellement pas pour leur offrir les meilleures chances de départ dans la vie. Le personnel enseignant de maternelle 4 ans en milieu défavorisé fait à ce titre un travail remarquable qu'il faut reconnaître et souligner.

Cependant, nos profs sont confrontés quotidiennement au manque de ressources, à la pénurie de main-d'œuvre et au manque de locaux. Développer partout des classes de maternelle 4 ans dans ces conditions, est-ce là la priorité des priorités, alors que les besoins sont grands pour améliorer les conditions difficiles auxquelles font face les enseignantes et enseignants au quotidien? Certes, il faut poursuivre et consolider le développement des classes de maternelle en milieu défavorisé, en toute complémentarité avec les services offerts à la petite enfance. Mais je crois que le gouvernement emprunte la mauvaise voie en visant le mur à mur.

Le ministre préfère se fier à l'opinion d'un seul et même expert ainsi que des quelques spécialistes issus de sa garde rapprochée, plutôt que d'écouter la voix de ceux qui font l'école tous les jours.

Le ministre souligne sur toutes les tribunes qu'il souhaite valoriser la profession enseignante. Dans les faits, il a manqué, au cours des derniers jours, deux belles occasions de le faire. Le nouveau gouvernement reproduit les vieilles façons de faire des gouvernements précédents. Il met les enseignants devant le fait accompli plutôt que de les consulter pour que, tous ensemble, nous trouvions des façons réalistes et mobilisantes d'appliquer les mesures. Est-ce parce qu'il est enseignant lui-même qu'il pense pouvoir se passer de travailler avec son monde? Ce serait une erreur.

Je termine en invitant une fois de plus le ministre de l'Éducation à travailler en amont avec le personnel enseignant avant de prendre les décisions qui le concernent directement. Comme je le répète souvent, les enseignants veulent inspirer les solutions plutôt qu'être considérés comme de simples exécutants. C'est aussi et surtout ça valoriser les enseignants: reconnaître leur expertise et respecter leur jugement professionnel.

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