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Projet Montréal, un cas d’école pour futurs politiciens selon Richard Bergeron

Richard Bergeron revient sur les tensions internes qui ont mené à son divorce du parti qu'il avait créé.

Le parcours politique de Richard Bergeron, fondateur du parti Projet Montréal, est atypique à tous les égards. Tout comme celui de la création du parti, aujourd'hui au pouvoir à Montréal sans son chef historique.

Dans le cadre de notre série d'entrevues Politique: quand vient le divorce, M. Bergeron s'est confié au HuffPost Québec sept mois après sa défaite pour parler de la fondation de son parti et de l'ambiguïté extrême des sentiments qui ont accompagné la victoire de Valérie Plante.

M. Bergeron a rencontré le HuffPost en juin dernier, près de l'hôtel de ville. Un endroit qui témoigne des réalisations concrètes du politicien: alors qu'il était chef de l'opposition, l'ex-maire Denis Coderre lui a demandé d'orchestrer les travaux de recouvrement de l'autoroute Ville-Marie, un endroit aujourd'hui nommé la place des Montréalaises. À cela se sont rajoutés les projets de réaménagement du square Viger et de la place Vauquelin.

«Vous voyez la logique d'ensemble? C'est l'ensemble des places publiques entourant le CHUM et partant de l'accès du métro ici au Vieux-Montréal, à la Cité administrative et au palais de justice. Alors c'est un cheminement complet et c'est l'ensemble du périmètre du nouveau CHUM», dit-il fièrement.

Ces réalisations sont arrivées pendant le dernier chapitre d'une carrière de 12 ans à l'hôtel de ville. C'est en 2004 que M. Bergeron fonde Projet Montréal afin de favoriser, entre autres choses, le transport en commun, le transport actif et l'amélioration des aménagements urbains. Élu par surprise en 2005 grâce à son colistier, il ne cesse de faire des gains jusqu'en 2013, lorsque son parti remporte une pluralité de sièges au conseil municipal.

Le «livre de politique 101»

Aujourd'hui, Projet Montréal est au pouvoir à l'hôtel de ville. Après le départ de Richard Bergeron, la nouvelle chef Valérie Plante a mené ses troupes à la victoire en novembre 2017. Contre un maire qui avait réussi à recruter M. Bergeron.

Mais le fondateur, exclu de l'administration Plante malgré une main tendue, dit qu'il n'est pas amer de la situation. Il estime que les succès de Projet Montréal deviendront un «cas d'école» pour d'autres jeunes politiciens qui voudront former de nouveaux partis politiques.

«Moi je suis certain que l'expérience de Projet Montréal va devenir une référence qui va s'enseigner dans les universités. [...] Projet Montréal est arrivé au pouvoir avec des idées qui, les premières fois qu'elles ont été émises, n'ont suscité que des sarcasmes de la part des analystes.»- Richard Bergeron

«C'est tellement sain comme manière de procéder, ajoute-t-il. On a tellement pris le livre de politique 101 idéal et on l'a appliqué. Aucune des dérives constatées ou des ornières dans lesquelles sont embourbées toutes les formations politiques plus traditionnelles.»

M. Bergeron estime que Projet Montréal devrait servir d'exemple aux jeunes qui souhaitent s'engager en politique.

Un divorce difficile

N'empêche, M. Bergeron était dans une impasse en 2013. Son parti avait clairement la faveur des électeurs, mais à titre personnel, il a terminé troisième dans la course à la mairie. Au lendemain de l'élection, il a annoncé qu'il quitterait bientôt la chefferie de Projet Montréal.

Mais pas la politique. Il est plutôt allé voir le nouveau maire, Denis Coderre.

«C'était vraiment à regret que je quittais la politique si je devais la quitter. Alors je suis allé voir le maire Coderre. Et je suis passé chez lui comme indépendant. Il n'y a pas eu de problème. Il n'y a pas eu de divorce à ce moment-là. Tout le monde a compris que mon choix était de demeurer en politique et de continuer», explique-t-il.

Puis, est arrivée l'élection de 2017. Tout d'un coup, M. Bergeron devenait la cible de ses anciens compagnons d'armes. Ceux qui, en 2013, tweetaient ses citations par admiration le faisaient maintenant par raillerie. Ses prises de position étaient scrutées à la loupe. Sans parler des insultes et des invectives.

«Les médias sociaux, je ne les lis pas, raconte-t-il. Mon équipe me disait ce que l'on disait de moi. Je leur disais, excusez le terme là, je m'en câlisse! Ils ont beau dire ce qu'ils veulent, ils ont beau me détester, ils ont beau me... ça fait partie de la job. Alors les petites invectives qu'il a pu y avoir...»

Toujours est-il que M. Bergeron a perdu son siège, tout en voyant sa création prendre son envol et remporter la mairie. Et sa tentative de rapprochement avec la nouvelle mairesse dès le lendemain du scrutin a attiré les railleries de l'ensemble des observateurs, y compris Mme Plante.

«Richard Bergeron est très flexible idéologiquement parlant. C'est assez drôle à voir et à lire», a-t-elle dit à l'émission Tout le monde en parle.

M. Bergeron réfute l'idée, lancée par plusieurs, qu'il soit une «girouette».

«Je ne comprends pas que certains n'aient pas compris que je pouvais être heureux de la prise de pouvoir par Projet Montréal. [...] On a parlé par exemple de girouette. Mais oui, mais avez-vous déjà été dans une situation comme celle-là, ceux qui dites des choses comme ça? Avez-vous fondé un parti? Avez-vous donné 10 ans de votre vie à cette cause? L'avez-vous poursuivie sous une forme différente avec un autre? Vous êtes-vous ramassés dans une bataille électorale chaude comme celle-là? Et avez-vous vu votre bébé initial arriver au pouvoir? Ça vous est déjà arrivé? Vivez ça, et on s'en reparlera après. Vous allez voir qu'il y a minimalement une ambiguïté de sentiments», rétorque-t-il.

Une prise de pouvoir de la gauche

M. Bergeron estime que les tensions vues entre Projet Montréal et lui-même résultent d'une prise de pouvoir des éléments les plus à gauche du parti, avec l'élection de Valérie Plante à la chefferie.

«[Lorsque j'étais chef], mon soucis de l'équilibre à préserver entre les diverses tendances idéologiques qui peuvent traverser la société était omniprésent. [...] Alors que là... c'est la personnalité même de l'administration», dit-il.

«Ceci dit, Mme Plante montre énormément de mesure. Et ça c'est le propre de l'exercice du pouvoir à la mairie d'une ville comme Montréal. Tu dois être mesuré. Tu dois être pondéré. Tu dois t'ouvrir à des réalités que tu méconnaissais auparavant. Ce qui est le cas chez Mme Plante», ajoute-t-il.

Mais malgré ces difficultés, M. Bergeron ne regrette pas son passage en politique. Et il incite les jeunes à s'engager.

«C'est pas avec des tweets qu'on change la société. C'est en faisant de la politique», lance-t-il.

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