SEXISME - Les protections hygiéniques sont encore un produit de luxe pour de nombreuses femmes précaires, en France. Au point où beaucoup d'entre elles préfèrent s'en passer chaque mois, au moment de leurs règles. Ce phénomène, c'est ce qu'on appelle la "précarité menstruelle". Il est dénoncé par une jeune étudiante parisienne sur Instagram, qui a lancé, le 1er février, une campagne coup-de-poing.
Son nom? Irene (à prononcer "Iréné", d'après sa courte description sur le réseau social). Elle a 20 ans et a décidé, vendredi dernier, de faire "couler son sang dans Paris". Dans un très classique legging gris, elle s'est rendue à l'Université, pour suivre ses cours, sans protection pendant ses règles, comme en témoignent les clichés d'elle, qu'elle a partagés le jour de son opération.
Tout au long de ses déambulations, la jeune femme a partagé ses impressions, pour montrer son propre ressenti et le regard des autres à la vue de son sang entre les jambes. "Par ailleurs, je conçois cela comme une action féministe, mais également comme une sorte de performance artistique", a-t-elle précisé dans l'une de ses stories.
Elle poursuit: "Plusieurs personnes m'ont demandé pourquoi ne pas l'avoir fait avec du faux sang, mais en fait je tiens à l'aspect réel du projet. Nous sommes des millions et des millions de personnes menstruées sur la planète, nous n'avons donc pas besoin de faux sang pour tâcher les rues, pas besoin de faire semblant."
Comme elle l'explique, Irene s'est sentie très à l'aise. Elle dit avoir passé une journée d'une "normalité ahurissante". "La seule perturbation a été lorsque des collégiennes m'ont vue dans le RER [...] et qu'elles ont trouvé ça tellement choquant qu'elles ont commencé à rigoler et à me prendre en photo 'discrètement'. Elles n'ont rien compris à leur vie lorsque j'ai commencé à poser comme la star que je suis, les jambes bien écartées", écrit l'étudiante.
Rembourser en intégralité les protections hygiéniques
L'initiative de cette dernière émane d'une revendication claire. Elle demande la prise en charge totale du prix des protections hygiéniques par l'État. "Cette action n'a pas pour but de générer un débat mais de montrer ce qu'il se passerait si les personnes menstruées décidaient de ne plus payer leurs protections hygiéniques", explique Irene à Madmoizelle, bien décidée à "tacher la ville" pour faire prendre conscience à tout le monde qu'il s'agit selon elle d'une responsabilité collective.
D'après certaines associations françaises, les femmes dépensent chaque mois entre cinq et sept euros en serviettes et tampons. En France, le débat autour des protections hygiéniques avait défrayé la chronique en 2015, au moment des discussions sur le taux de TVA qui leur était appliqué. Grâce à la mobilisation des collectifs féministes, il avait été ramené à 5,5%.
Au Canada, la taxe sur ces produits a été complètement abolie en 2015. En 2017, Châtelaine évaluait que les protections hygiéniques pouvaient coûter en moyenne 56,40 $.
Grâce aux mobilisations, la mairie de Paris a récemment décidé d'installer des "boîtes à dons" où l'on peut déposer des protections qui seront ensuite redistribuées à des acteurs sociaux comme le Samu social. Depuis le mois d'avril 2018, la LMDE propose, quant à elle, à ses adhérentes de rembourser jusqu'à 25 euros par an de protections hygiéniques sur démonstration du ticket d'achat.
Avec Mathieu Galarneau, HuffPost Québec
Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.