Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«Sex Education» ose enfin montrer des femmes qui se masturbent sur le ventre

Vous vous masturbez sur le ventre? Sur le dos? Vous chevauchez férocement votre oreiller? Vous fantasmez sur votre sèche-cheveux? Cette série Netflix vous comprend.
Aimee Lou Wood, qui tient le rôle d’Aimee Gibbs dans Sex Education.
JON HALL/NETFLIX
Aimee Lou Wood, qui tient le rôle d’Aimee Gibbs dans Sex Education.

SEXO - "On se souviendra de 2019", diront sans aucun doute les futurs livres d'Histoire, "comme de l'année où la pop culture a accueilli dans ses rangs les femmes qui se masturbent sur le ventre."

C'est une victoire artistique qui me fait monter les larmes aux yeux, une véritable preuve du progrès auquel est parvenue notre culture en termes de représentations réalistes de la sexualité féminine. C'est marrant de voir à quel point quelque chose d'aussi simple – une femme, sa main, son ventre – peut avoir une telle résonance pour tant de monde.

(Ou, en tout cas, pour moi.)

C'est "Sex Education", la nouvelle série du Netflix britannique, qu'il faut remercier pour ce moment révolutionnaire dans l'Histoire du petit écran. Lancée vendredi 11 janvier, la série s'inscrit dans la tradition sacrée des films romantiques se déroulant au lycée et des comédies portées sur le sexe, avec un esprit qui rappelle "Dix bonnes raisons de te larguer" ou "American Pie" mais avec un réalisme, un féminisme et une conscience des réalités sociales accrus, en plus d'une bonne dose de scènes de sexe non censurées. La série combine le côté pervers de la série d'animation "Big Mouth", l'humanité du film "Eighth Grade" et la nostalgie rassurante de "Stranger Things".

"Sex Education" suit le parcours d'Otis Milburn (Asa Butterfield), fils unique de sexologue doté d'une maîtrise assez incroyable des termes utilisés en thérapie sexuelle. Comme un autre élève le lui fait remarquer, "C'est bizarre. On a le même âge mais tu as la sagesse en plus. C'est comme si tu étais ma mère enfermée dans un corps de jeune homme." Pourtant, le fait d'avoir été exposé à des sex toys et des totems de fertilité dès le plus jeune âge empêche aujourd'hui Otis, 16 ans, d'explorer sa propre sexualité. Asocial, il est décrit par un autre personnage comme un "fantôme de l'ère victorienne".

Dans le premier épisode, Maeve (Emma Mackey), la bad girl de la classe, découvre la capacité surnaturelle d'Otis à apaiser les tourments d'ordre sexuel des autres élèves et l'implore d'exploiter ce don. Il devient vite le confident privilégié de toute l'école. Chaque épisode se penche sur le casse-tête sexuel d'un élève différent.

Asa Butterfield, qui tient le rôle d'Aimee Gibbs dans "Sex Education".
Sam Taylor/Netflix
Asa Butterfield, qui tient le rôle d'Aimee Gibbs dans "Sex Education".

Aimee (Aimee Lou Wood) est mon personnage préféré, une fille populaire aux boucles parfaites qui est un peu à l'ouest et n'a jamais eu besoin de se masturber car elle a toujours eu un copain pour s'occuper d'elle. La roue tourne quand elle commence à sortir avec Steve, qui lui demande en plein coït d'arrêter de simuler et de lui dire ce qu'elle veut vraiment, ce qui la décontenance complètement.

"Personne ne m'avait jamais demandé ça!", confie-t-elle à Otis qui, à ce moment-là de la série, est devenu le sexologue attitré du lycée. Ce dernier lui suggère de déterminer ce qui l'excite en prenant les choses en main, littéralement.

"Donc tu me recommandes de me masturber", dit Aimee. Absolument.

On la voit ensuite sur son lit, affublée d'un t-shirt rose et d'une culotte "Monday", s'apprêtant à accomplir l'acte en se positionnant sur le dos. Elle plonge d'abord la main dans sa culotte avec une certaine appréhension, et puis le déclic se fait et elle passe à la vitesse supérieure.

La scène splendide qui suit – Aimee se masturbant dans diverses positions – n'est pas le premier exemple d'une femme présentée en plein acte à la télévision. Dans "Broad City", Ilana avale une huître et cale un miroir devant elle avant de se toucher. Dans "Fleabag", la protagoniste se donne du plaisir tout en suivant un discours de Barack Obama. Parmi les autres séries à avoir montré le rituel encore tabou de la masturbation féminine, citons notamment "Unreal", "Dear White People", "Girls" et "Big Mouth".

Mais, contrairement à beaucoup de femmes avant elle, Aimee se retourne ensuite sur le ventre, pleine d'entrain, jusqu'à l'extase.

Ça fait des années que je me plains de cet angle mort made in Hollywood à qui veut bien m'écouter (c'est-à-dire principalement à mon rédacteur en chef, qui n'a pas le choix). Bien sûr, on a déjà vu une femme faire glisser sa main le long de son ventre et la regarder disparaître entre les couvertures tout en cambrant le dos. Mais on voit moins souvent une femme – que ce soit à la télé ou dans un film – la tête dans l'oreiller, repliée sur elle-même à frémir comme si elle prenait part à un exercice nucléaire pendant un tremblement de terre. Je veux voir une femme se masturber comme si elle se jetait sur un ballon de basket pour l'empêcher de tomber aux mains de l'équipe adverse. Ou comme si elle imitait un tatou pendant la saison des amours.

Certes l'angle est moins flatteur mais tout aussi efficace et constitue, selon moi, une description plus précise de la façon dont les femmes se masturbent en solo.

"So you're prescribing a wank?" - Aimee Gibbs

Une publication partagée par Sex Education (@sexeducation) le

"Donc tu me recommandes de me masturber?" - Aimee Gibbs

Cette scène m'a fait chaud au cœur. Je me sentais comprise, et curieuse de savoir si d'autres que moi avaient ressenti la même chose. J'ai donc demandé à des collègues. Certaines d'entre elles ont accepté de participer à un questionnaire anonyme qui leur demandait si elles préféraient se masturber sur le ventre ou sur le dos.

"Je n'imaginais vraiment pas qu'il existait une autre façon de faire que la mienne!", m'a confié l'une d'elle. La faute à notre offre limitée en matière de culture pop.

Ou au paysage culturel pré-Aimee, laquelle s'essaye à tout un tas de scénarios sexuels dans sa quête du plaisir. Installée sur le dos, elle roule sur elle-même pour se mettre sur le ventre, se passe le sèche-cheveux dans le cou tout en se masturbant sur sa chaise de bureau, se frotte contre un oreiller près de la fenêtre et arrive enfin à jouir en chevauchant son canapé. Elle retombe ensuite sur son lit comme portée par un nuage de béatitude et se marmonne à elle-même: "J'ai envie d'un muffin".

Loin des badinages hors-champ que l'on trouve dans les films pour ados des années 2000 interdits aux moins de 13 ans, l'acte sexuel est présenté en gros plan dans "Sex Education", de manière directe et souvent drôle. Les grognements d'homme des cavernes et les aboiements de roquet d'Aimee ne sont pas les gémissements sauce porno dont on a l'habitude. La série ne se refuse aucune expression faciale grimaçante, aucun effet sonore barbare, normalisant ainsi les bizarreries qui donnent aux ados – et aux adultes – l'impression d'être des parias sexuels.

Le lendemain, c'est une Aimee avec les cheveux en bataille qui remercie Otis pour ses conseils. "Je me suis touchée toute la nuit", assène-t-elle avec un sourire radieux. "J'ai mangé quatre sachets de muffins et même si mon clito va certainement se détacher de mon corps, je sais maintenant ce que je veux."

Même si – selon mon petit échantillon de HuffPosters amatrices de masturbation – la pratique sur le ventre est minoritaire, ça convient à celles qui en tirent du plaisir. Et c'est bien là la grande leçon de "Sex Education", une série qui ne s'intéresse pas seulement à son protagoniste masculin blanc et hétéro mais utilise aussi sa narration aux multiples facettes pour incorporer des personnages qui bousculent les stéréotypes et viennent de milieux aussi différents que leur orientation sexuelle.

Vous vous masturbez sur le ventre? Sur le dos? Vous chevauchez férocement votre oreiller? Vous fantasmez sur votre sèche-cheveux? La série Netflix "Sex Education" vous comprend.

Cet article, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Laura Pertuy pour Fast ForWord.

À voir également sur Le HuffPost:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.