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La folle année 2018 de Simon Jolin-Barrette

D’illustre inconnu - ou presque - dans la deuxième opposition, il est devenu un «superministre» chargé d’éteindre bien des feux au sein du gouvernement Legault.
Simon Jolin-Barrette (à gauche) est non seulement chargé de négocier avec Ottawa pour la baisse des seuils d'immigration, mais il devra aussi superviser les travaux de la charte sur la laïcité. En plus de gérer les affaires du caucus.
La Presse canadienne
Simon Jolin-Barrette (à gauche) est non seulement chargé de négocier avec Ottawa pour la baisse des seuils d'immigration, mais il devra aussi superviser les travaux de la charte sur la laïcité. En plus de gérer les affaires du caucus.

QUÉBEC - Dès les premières semaines de l'année 2018, Simon Jolin-Barrette a été mis sous le feu des projecteurs - mais pas nécessairement pour les raisons espérées.

Le jeune député de Borduas venait de publier son essai J'ai confiance: réflexions (sans cynisme) d'un jeune politicien dans lequel il dit vouloir valoriser la culture du dur labeur des Américains et les semaines de travail de 60 heures. Ses propos ont été interprétés comme une critique à l'endroit des Québécois, qui seraient paresseux.

«Ça ne veut pas dire de travailler des semaines de 60 heures, se défend-il, près d'un an plus tard. Ce que ça signifie, c'est qu'il faut prendre en main son destin. Oui, dans la vie, il faut travailler, il faut faire en sorte d'avancer. Il faut être dans une société où, si tu travailles fort, tu vas être récompensé et tu vas avoir des opportunités d'améliorer ton sort, peu importe où tu nais, peu importe dans quelle famille tu nais.»

Ce mantra s'est réalisé dans son cas. À tout juste 31 ans, M. Jolin-Barrette est devenu un «superministre» chargé de défendre la controversée baisse des seuils d'immigration de son gouvernement, en plus de devoir gérer un caucus composé de députés sans expérience politique préalable.

En entrevue de fin d'année avec le HuffPost Québec, il est revenu sur ces premières semaines qui n'ont pas été de tout repos.

Devenir ministre... et leader parlementaire

Après avoir assuré un rôle de porte-parole de la transition aux côtés de sa collègue Geneviève Guilbault, le coup de fil tant attendu du premier ministre François Legault est arrivé. M. Jolin-Barrette allait accéder au conseil des ministres.

«C'est un moment qui est excitant, qui est galvanisant... Mais c'est aussi un moment qui est inquiétant», se remémore-t-il en riant.

«Quand tu te présentes en politique, tu appliques sur la job de député, donc tu sais dans quoi tu t'embarques. Comme ministre, tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques. En fait, c'est le premier ministre qui choisit où il t'envoie.»

Simon Jolin-Barrette lors de son assermentation comme ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion et leader parlementaire du gouvernement.
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Simon Jolin-Barrette lors de son assermentation comme ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion et leader parlementaire du gouvernement.

C'était décidé: il allait cumuler les rôles de ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion et de leader parlementaire du gouvernement. Un «bel honneur» de la part de M. Legault, qui le tient en haute estime.

Mme Guilbault, de son côté, est devenue vice-première-ministre, ministre de la Sécurité publique en plus de ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale.

«C'est d'envoyer un message que la politique peut être faite par tout le monde et que ce n'est pas nécessairement basé sur l'expérience, mais basé sur la compétence», fait valoir M. Jolin-Barrette.

Reconnaît-il cependant qu'il en a beaucoup sur les épaules? Il s'accorde une courte pause avant de répondre: «M. Legault m'a donné des bons dossiers, effectivement!»

Traditionnellement, le leader du gouvernement a des ministères moins accaparants [...]. C'est une belle marque de confiance, mais je peux dire que je travaille fort...Simon Jolin-Barrette

L'âge, pas un facteur de compétence

M. Jolin-Barrette explique dans son livre que sa première visite à l'Assemblée nationale à l'âge de 10 ans a été le «déclencheur inconscient» de son désir d'implication en politique.

Il se souvient d'y avoir rencontré le président de l'Assemblée nationale de l'époque, Jean-Pierre Charbonneau, qui se trouvait aussi à être le député de Borduas. M. Jolin-Barrette était bien loin de se douter qu'il allait lui succéder.

Après avoir passé son Barreau en 2010, le jeune avocat a complété deux maîtrises - une en droit constitutionnel et une en gestion - avant de compléter un doctorat en droit.

En 2014, M. Jolin-Barrette a réussi à déloger le ministre péquiste Pierre Duchesne dans Borduas avec une majorité de 99 voix. Aux élections suivantes, le 1er octobre dernier, cette avance avec son plus proche adversaire était maintenant de plus de 11 000 voix.

«La réélection, pour moi, ce n'est jamais assuré, affirme-t-il. Il y a des bons députés, il y a des bons ministres qui se font battre quand même. Il faut toujours que tu travailles très fort, que tu sois présent pour les gens parce qu'à partir du moment où tu prends ta réélection pour acquise, je pense que c'est le premier geste vers une défaite.»

En raison de son jeune âge - il a été élu député pour la première fois à 27 ans - M. Jolin-Barrette affirme dans son livre qu'il a dû travailler «deux fois plus fort qu'un député de 50 ans pour établir sa crédibilité» à l'Assemblée nationale.

Aujourd'hui, il pense avoir fait ses preuves.

«Pour moi, (mon âge) n'est plus un handicap, mais il a fallu que je travaille fort dans le premier mandat pour établir ma crédibilité avec les collègues, avec le gouvernement de l'époque aussi», dit-il.

La perspective de devoir gérer des têtes fortes au sein d'un caucus composé de femmes et d'hommes d'affaires ne lui fait pas peur. Au contraire, dit-il, il compte s'inspirer de l'expérience et du vécu de ses collègues.

Éteindre les feux

Après une mini-session de deux semaines - où le gouvernement a déposé trois projets de loi, une mise à jour économique et un plan en immigration - le leader parlementaire estime que les ministres s'en sont sortis «sans trop d'égratignures».

M. Jolin-Barrette, pour sa part, a eu quelques égratignures cet automne. Il s'est fait traiter de «cassette» et s'est même fait raccrocher la ligne au nez en entrevue par Paul Arcand, qui affirmait avoir «perdu assez de temps» avec ses «lignes» de presse.

Souvent, ce qui est difficile pour les politiciens, c'est de condenser en quelques mots ou en un clip des dossiers qui sont quand même très complexes, qui ont plusieurs subtilités.Simon Jolin-Barrette

«Lorsqu'il y a un dossier, ce n'est jamais "oui" ou ce n'est jamais "non". Il y a toujours des nuances à apporter. Moi, c'est ce que j'essaie de faire quand je réponds aux questions parce que ce n'est jamais tranché à moins que ce soit hyper clair.»

Chose certaine, il n'aura pas le temps de souffler dans la nouvelle année, puisqu'il est chargé de superviser l'élaboration du projet de loi sur la laïcité de l'État qui devrait confirmer l'interdiction de signes religieux pour les policiers et les enseignants, entre autres.

Le premier ministre a affirmé qu'il n'y aurait pas de droits acquis pour les enseignants, avant de nuancer dans plusieurs entrevues de fin d'année qu'il y avait une certaine ouverture à trouver des pistes de solutions pour éviter des pertes d'emplois.

Le premier ministre François Legault livre son discours inaugural entouré de Simon Jolin-Barrette et de Geneviève Guilbault.
La Presse canadienne
Le premier ministre François Legault livre son discours inaugural entouré de Simon Jolin-Barrette et de Geneviève Guilbault.

M. Jolin-Barrette confirme que les droits acquis font partie des discussions à l'heure actuelle. Il compte déposer le projet de loi pendant la session d'hiver, mais ne peut pas confirmer qu'il y aura une adoption rapide.

«C'est un dossier où c'est très clair où on s'en va. Mais il y a des modalités d'application que je suis en train de travailler et ce n'est pas blanc ou noir tout le temps», souligne-t-il.

Et comme si ce n'était pas assez, le plan pour réduire les seuils d'immigration dans la prochaine année continuera de faire l'objet de discussions entre Québec et Ottawa dès le mois de janvier. L'année 2019 s'annonce tout aussi folle.

Geneviève Guilbault, vice-première ministre, ministre de la Sécurité publique et ministre responsable de la Capitale-Nationale

Le premier conseil des ministres du gouvernement Legault

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