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«Astérix chez les Québécois»: le projet fou de Tristan Demers

Un petit bijou de nostalgie écrit par un vrai passionné qui maîtrise son sujet sur le bout des doigts!

Astérix chez les Québécois – Un Gaulois en Amérique est la première collaboration littéraire d'envergure entre un Québécois et l'équipe d'Uderzo, créateur avec Goscinny de l'une des bandes dessinées les plus populaires de l'histoire, avec ses 375 millions d'exemplaires vendus. Fasciné par les histoires de Gaulois depuis sa tendre enfance, Tristan Demers raconte la naissance de l'œuvre, son évolution, la place spéciale qu'elle occupe au Québec et ses multiples adaptations, avec une quantité folle de photos et d'illustrations qui feront vibrer les nombreuses générations d'admirateurs. Lancé en grand par les éditions Hurtubise – pas moins de 17 000 copies sont arrivées d'un coup dans les librairies cette semaine – le livre est un petit bijou de nostalgie écrit par un vrai passionné qui maîtrise son sujet sur le bout des doigts.

Quelle place occupe la série Astérix et Obélix dans ta vie?

Enfant, je dessinais Astérix, mais j'ai lâché ça rapidement, car je ne m'identifiais pas tant aux personnages. Je m'amusais plutôt à imiter les signatures des bédéistes célèbres. Je m'identifiais à leur profession à huit ans. Je suis capable de reproduire les signatures de Walt Disney, Maurice, Peyo, Franquin, Hergé et Uderzo. Cela dit, Astérix avait une place spéciale dans ma vie, en raison du rayonnement des BD au Québec. Il y a toujours quelque chose qui ramène l'enfant à se rappeler qu'Astérix fait partie de sa vie plus que d'autres personnages franco-belges.

As-tu déjà rencontré Uderzo?

À 16 ans, j'ai appelé aux Éditions Albert René pour leur dire que j'étais un bédéiste québécois et que j'aimerais rencontrer Uderzo. On m'avait accueilli dans ses studios, sur l'avenue Victor Hugo, à Paris, mais il était absent. Je me souviens d'avoir vu une pièce avec deux madames qui ouvraient du courrier des lecteurs de partout dans le monde. J'ai finalement rencontré Uderzo à Télé-Québec, à l'époque où je travaillais pour le Club des 100 watts. Et on a mangé ensemble au Delta une autre fois. Je me souviens d'un grand monsieur élégant. Il m'avait dit : «Wow! Tu travailles fort, il y a un bel effort là-dedans». Je ne sais pas s'il aimait vraiment ce que je faisais, mais ça n'a pas importance. C'est la claque dans le dos qui est le fun. Après, j'ai fait mon chemin.

À quel point c'est complexe d'avoir le droit d'écrire un livre sur cette œuvre avec toute l'imagerie?

C'est surtout très excitant! Je leur ai proposé le projet et l'angle sociologique les a accrochés. Je me suis fait dire par la gang d'Uderzo qu'ils ont appris des affaires dans mon récit. Il y a plein de vieilles photos qu'ils n'avaient jamais vues. De plus, ils m'ont donné accès à toutes les images d'Astérix dans leur banque interne. Quand mes enfants étaient couchés le soir, j'allais sur Internet et j'entrais dans l'univers d'Astérix. Le défi était que chaque image serve le propos. Je suis donc allé les sélectionner après le processus de création, pour ne pas bousiller mon intention de raconter quelque chose.

Comme les Gaulois, les Québécois se battent pour protéger leur identité et leur langue. Par contre, les créateurs n'ont jamais endossé officiellement un tel parallèle. Pourquoi?

On s'est approprié le discours d'Astérix, mais eux n'ont jamais voulu. Imagines-tu l'impair politique que ça aurait pu créer? En Allemagne, au Japon et ailleurs dans le monde, chacun veut bien répondre à son questionnement identitaire à sa façon en lisant Astérix. Cette comparaison vient de nous. On s'est approprié le combat de résistance culturelle et identitaire d'Astérix. Les créateurs ne l'ont pas nié ni endossé.

Tristan Demers
Julie Artacho
Tristan Demers

En quoi la posture d'antihéros des personnages leur a permis de séduire les lecteurs?

Astérix et Obélix ont beaucoup d'autodérision. Il y a une franche camaraderie entre eux. Ils se chicanent beaucoup. Ils sont un peu rustres. Et peut-être plus accessibles, contrairement à Tintin, qui est une œuvre plus élitiste, avec un journaliste d'enquête, un personnage qui n'a de relation avec personne, qui reste seul avec son chien et qui n'a pas d'identité affective et sexuelle. Il faut tout de même préciser qu'Astérix et Obélix tout seuls ne sont pas forts. Ils le deviennent en groupe avec la potion magique, qui est l'équivalent de notre spécificité culturelle.

Quel est ton album préféré?

J'en ai plusieurs, mais je préfère ceux de l'époque de Goscinny, qui avait un deuxième, un troisième et un quatrième niveau dans ses histoires. C'est un génie du calembour et un maître de la BD, qui a aussi écrit Le Petit Nicholas, Lucky Luke et Iznogoud. Il a travaillé sur tellement de séries. Cette semaine, ça fait d'ailleurs 41 ans qu'il est mort.

Pourquoi l'intelligentsia littéraire québécoise a longtemps regardé de haut Astérix?

La BD en général était perçue ainsi. La mise en valeur du 9e art n'existait pas à l'époque. C'était vu comme des comics qui n'étaient pas de la lecture. Surtout au Québec, car les Français, les Belges et les Européens en général étaient en avance là-dessus. Yves Michaud a fait beaucoup pour Tintin, Astérix et l'ensemble des BD franco-belges en publiant un paquet de BD dans le supplément jeunesse du journal La Patrie dans les années 1960. Ça leur a donné un peu de coffre. N'oublions pas que le buzz d'Astérix est arrivé chez nous avec 20 ans de retard. Goscinny et Uderzo étaient déjà des méga stars en Europe.

Je me trompe ou tu es particulièrement fier de ce projet?

C'est une grosse affaire! La semaine passée, j'ai publié deux nouveaux Gargouille: ça fonctionne bien et c'est le fun. Mais là, je m'adresse au grand public, à tout le monde. Mon livre est multi-générationnel, contrairement à Gargouille, qui rejoint les 8-12 ans. Je suis content du coup qu'on a réussi, l'éditeur et moi: on a toujours bien un livre officiel approuvé par les équipes d'Uderzo!

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