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Premier anniversaire de Valérie Plante: la sécurité, une question d’aménagement plutôt que de policiers

Valérie Plante mise sur les pistes cyclables protégées, les saillies de trottoirs et les autres aménagements publics, au grand plaisir des piétons et cyclistes.
Courtoisie - Ville de Montréal

Le HuffPost Québec s'est entretenu avec des experts et des organismes pour faire le bilan des actions et des directions prises par l'administration Plante au cours de la première année de son mandat. Nous publierons une analyse de chacune des cinq priorités énumérées lors de l'assermentation de la mairesse, soit la mobilité, la sécurité, l'habitation, l'efficacité des services publics et le développement économique.

Valérie Plante a fait de la sécurité sa deuxième priorité lors de son assermentation, le 16 novembre 2017. Mais dans la bouche de la mairesse, «sécurité» ne rime pas avec «policier». C'est plutôt une question d'aménagement.

Un vélo blanc orne tristement l'intersection entre la rue William et le nouveau boulevard Robert-Bourassa. Un sombre rappel des dangers de la route pour cette toute nouvelle entrée de la ville, inaugurée l'an dernier par l'ancienne administration de Denis Coderre.

Le vélo fantôme a été installé en 2014 à la mémoire de Salim Aoudia. M. Aoudia est mort heurté par un camion qui se dirigeait vers l'autoroute. Il a été traîné sur plus de 100 mètres avant qu'un automobiliste signale au camionneur qu'il y avait un problème.

«L'aménagement de Griffintown pose problème. On a amené des familles avant de faire des espaces publics, avant que ça soit convivial. C'est l'inverse qu'il faut faire», affirme Hélène Lefranc, cofondatrice de l'organisme Vélo Fantôme.

Hélène Lefranc, cofondatrice de l'organisme Vélo Fantôme, près d'un vélo blanc installé à la mémoire de Salim Aoudia.
Olivier Robichaud
Hélène Lefranc, cofondatrice de l'organisme Vélo Fantôme, près d'un vélo blanc installé à la mémoire de Salim Aoudia.

Les accidents de ce type ont mené à un certain consensus au sein de la classe politique pour que Montréal impose aux entreprises qui font affaire avec elle d'ajouter des jupettes à leurs camions. En octobre, Mme Plante a demandé quelques mois de plus pour présenter son projet de règlement à cet effet. Ce qui lui a valu une critique cinglante de la part de Jeannette Holman-Price, dont la fille est décédée en 2005.

Une «campagne marketing»

Mme Lefranc veut laisser la chance à Mme Plante dans ce dossier. Mais elle n'a pas encore vu le changement de paradigme qu'elle souhaitait au moment de son élection il y a un an.

«On sent beaucoup de bonnes idées, de bonnes volontés. Les jupettes, on sent que ça va aller de l'avant. [...] Mais pour l'instant, Vision Zéro n'est encore qu'une campagne marketing», dit-elle.

Mme Lefranc reconnaît les interventions de Projet Montréal pour sécuriser certaines pistes. Des bollards ont notamment été ajoutés aux bandes cyclables de la rue McGill, dans le Vieux-Montréal.

Elle croit toutefois que le changement voulu par l'administration ne se transmet pas nécessairement aux fonctionnaires. Certaines pistes sont refaites à l'identique, avec des aménagements qui ne sont pas nécessairement sécuritaires.

Pistes cyclables: moins, mais mieux

Mme Lefranc salue la décision de l'administration Plante de favoriser la sécurisation des pistes cyclables plutôt que d'ajouter des kilomètres au réseau avec de la peinture au sol. En 2018, 33 km de pistes ont été ajoutées contre 50 km en moyenne sous Denis Coderre. L'ex-maire misait toutefois beaucoup sur les simples bandes cyclables et les voies partagées alors que Mme Plante et son équipe préfèrent les pistes en site propre.

Paula Negron-Poblete, professeure à l'Université de Montréal et experte en sécurité des déplacements, partage l'avis de Mme Lefranc.

«Miser sur les pistes cyclables en site propre, c'est clair que c'est une stratégie gagnante. La Ville a toute la marge de manoeuvre requise pour ça. C'est entièrement sa compétence, Mme Plante n'a pas besoin de consulter ailleurs», dit-elle.

Mme Negron-Poblete, tout comme Mme Lefranc, salue l'initiative du Réseau express vélo (REV), soumis à une consultation publique au cours de l'été. La professeure émet toutefois une mise en garde à la mairesse.

«Le REV peut être vu comme une autoroute à vélos. Il faut faire attention de ne pas oublier les piétons là-dedans. Si on priorise la vitesse, ça sera difficile à traverser», dit-elle.

Le tracé du futur Réseau express vélo tel que présenté par l'administration Plante.
Courtoisie - Ville de Montréal
Le tracé du futur Réseau express vélo tel que présenté par l'administration Plante.

Mme Negron-Poblete prend pour exemple la piste de la rue Boyer, une des plus achalandées du réseau. En heure de pointe, de nombreux cyclistes y défilent à toute vitesse.

Et Camillien-Houde?

Hélène Lefranc était tout à fait d'accord avec la fermeture de la voie Camillien-Houde aux automobilistes de transit, lorsque la mesure a été annoncée. Elle affirme avoir modéré sa position.

«On s'est aperçu qu'il y avait différentes solutions qui pouvaient être amenées et qui pourraient être plus adroites que de fermer la voie Camillien-Houde. [Avec la fermeture], il pourrait encore y avoir la même collision qui a coûté la vie à Clément Ouimet», affirme-t-elle.

Mme Lefranc dit toujours privilégier la fermeture de la voie aux automobilistes de transit, mais elle estime qu'un réaménagement de la voie et de l'accès au belvédère pourrait avoir des résultats satisfaisants.

La Ville de Montréal dresse un bilan positif du projet pilote bannissant les automobiles de transit sur de la voie Camillien-Houde, sur le mont Royal.
HuffPost Québec
La Ville de Montréal dresse un bilan positif du projet pilote bannissant les automobiles de transit sur de la voie Camillien-Houde, sur le mont Royal.

Le projet pilote de fermeture de la voie a pris fin le 31 octobre. La Ville note une importante diminution du nombre de véhicules, mais les manoeuvres illégales et dangereuses comme celle ayant coûté la vie à Clément Ouimet, y sont toujours observables.

Florence Junca-Aenot, professeure à l'UQÀM, est tout aussi nuancée au sujet de la voie Camillien-Houde. Elle prépare actuellement un atelier où elle analyse des cas semblables de parcs de montagne ayant connu des problèmes avec la circulation automobile.

«C'est plus complexe qu'on ne le pense, on ne peut pas trancher noir ou blanc. [...] Il faut partir de la vocation de la montagne et y allier la mobilité. Qu'est-ce qui est le plus efficace et le plus environnementalement propice?», demande-t-elle, ajoutant qu'elle n'a pas encore de réponse à cette question.

Mme Junca-Adenot prend en exemple les autorités catalanes, qui ont tenté d'augmenter l'accès à Montserrat avec toutes sortes d'alternatives à la voiture, comme le train et le téléférique.

Intersections sécurisées

Et puis, il y a les piétons, ces usagers les plus vulnérables de la route. La semaine dernière, l'administration a annoncé avoir sécurisé 64 intersections considérées comme dangereuses. Et elle a arrêté d'attendre qu'il y ait des accidents à un endroit donné avant de déclencher le processus d'analyse menant à la sécurisation.

De nombreuses saillies de trottoir ont été ajoutées un peu partout par les arrondissements, surtout ceux dirigés par le parti de la mairesse, Projet Montréal.

Paula Negron-Poblete salue cette décision. Elle estime toutefois que la cohabitation avec les cyclistes pourrait être améliorée avec des saillies permettant aux vélos de les traverser.

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