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5 choses que vous étiez loin d'imaginer sur le porno amateur

Une plongée immersive et angoissante dans le milieu de la pornographie amateur.

Une vidéo ne coûte que quelques centaines d'euros. Ses acteurs et actrices n'ont pour la plupart jamais tourné. L'absence de professionnalisme ne déplaît pas aux consommateurs. Mieux, il fascine. Dans un contexte, en France comme à l'étranger, où les moyens pour se filmer sont désormais à la portée de toutes et tous, l'industrie du porno amateur cartonne, au détriment de son cinéma traditionnel.

Fort de ce constat, le journaliste indépendant Robin D'Angelo, consommateur régulier de ce genre de vidéos, a décidé d'infiltrer le milieu. Comment sont réalisées ces scènes? Qu'est-ce qui plaît autant à ses admirateurs? Pourquoi certaines femmes sont-elles prêtes à se faire éjaculer sur le visage par une trentaine d'hommes cagoulés face à la caméra?

Autant de questions auxquelles l'ancien rédacteur en chef du site d'information StreetPress tente de répondre dans un livre intitulé Judy, Lola, Sofia et moi des éditions Goutte d'Or, les mêmes à qui l'on doit l'ouvrage de Gabrielle Deydier On ne naît pas grosseet Panam Underground. Il en ressort une immersion glaçante auprès de celles et ceux qui "font" le milieu, et nous apprend cinq choses que nous étions loin d'imaginer sur le porno amateur.

1. Le porno amateur n'a pas peur des clichés racistes

L'intérêt de ce livre tient beaucoup dans les rencontres que le journaliste fait. Parmi celles-ci, il y a des actrices, des acteurs, mais aussi des producteurs. Ces derniers sont importants. Ils vont lui permettre d'atterrir en plein cœur des tournages, et ce, dès les premiers chapitres. Ces scènes dont rend compte Robin D'Angelo éclairent sur un phénomène qui persiste dans le milieu du porno, à savoir le racisme.

"Le premier truc que tu dois savoir, mon p'tit pote, c'est que l'porno, ça marche par niches. Alors quand tu as deux Blacks comme aujourd'hui, ça fait ton scénario. Là, j'ai mon thème sans me fouler", explique un cadreur au journaliste. "Ce qu'il veut te dire, c'est qu'un Noir ne pourra jamais jouer un médecin dans un porno", ajoute un acteur.

Des citations comme ça, le livre en compte des dizaines. Elles trouvent écho dans plusieurs des scènes auxquelles assiste l'auteur du livre, comme l'une d'entre elles intitulée "Salope à Blacks". Le pitch? Kim, une jeune femme blanche, qui sort avec un Blanc mais qui adore le tromper avec des hommes noirs. "Il faut que le spectateur comprenne qu'elle aime se taper des Blacks mais que son petit copain la tuerait s'il apprenait ça", justifie le réalisateur.

2. La concurrence fait rage entre les acteurs porno

Dans Judy, Lola, Sofia et moi, son auteur rencontre une succession de personnes. Des femmes, mais aussi des hommes, donc. Mais ces derniers, on a vite tendance à les oublier. Non pas parce que les personnages féminins du roman sont les plus approfondis mais parce que, dans le milieu du porno, le mercato du côté des acteurs va vite, très vite.

Les places sont chères. C'est ce dont témoigne une scène du livre qui se déroule sur le salon de l'érotisme, à Rungis, en Île-de-France. On y découvre David, un jeune homme dont le but ultime est de tourner sa première scène. Il s'est rendu sur les lieux pour demander quelques conseils aux plus avisés du milieu. Une quête qui se solde, au début, par un échec.

Seul un monsieur prend finalement le temps de lui répondre. Il s'appelle Scott, 39 ans. Bien connu de la petite scène hexagonale, il veut bien le prendre sous son aile. Un fait très rare. "Dans ce milieu, les mecs ne donnent pas les plans car ils sont tous en concurrence, lui explique ce dernier. Mais moi, je ne fais que de l'interracial alors on n'est pas en concurrence. Tu vas me donner ton numéro", lui assène le professionnel.

3. Les femmes, mieux payées que leurs homologues mais...

À l'inverse du cinéma pornographique "à l'ancienne", son milieu amateur ne coûte "pas grand chose" en termes d'équipement. Si la facture monte, c'est surtout à cause des personnes filmées (car oui, la plupart des vidéos ne sont pas si "amateur" que ça). Le producteur français John B. Root, de son vrai nom Jean Guilleré, détaille à l'auteur du livre les frais d'une scène: "Une actrice, c'est 400 euros, le garçon 150, le décor 300 et le maquilleur 150. Rien qu'une scène, ça coûte 1000 euros."

Un constat étonnant sort de ces chiffres. Dans ses productions, les actrices sont payées environ 2,6 fois plus que leurs homologues. Est-ce le cas pour la plupart des films amateurs? Il semblerait que oui. "Le porno est l'un des rares secteurs où les femmes sont payées plus que les hommes, assure Robin D'Angelo dans l'ouvrage. Je l'ai déjà observé sur le tournage de Stéphane Prod où les acteurs n'étaient pas payés, à l'inverse de l'actrice."

Pour appuyer ses propos, l'auteur cite le sociologue Mathieu Trachman qui s'est penché sur la question: "Ce qui est en jeu dans les salaires pornographiques, c'est le statut de la sexualité". D'après lui, les hommes prennent du plaisir à tourner. La somme qu'on leur offre n'est qu'une simple compensation supplémentaire. Inversement, pour les femmes, le travail est plus pénible et nécessite d'être assumé. Elles transgressent les règles de la sexualité féminine, rendant impensable le fait qu'elles ne soient pas rémunérées.

4. Participer à une éjaculation collective pour 30 euros

Parmi les tournages auxquels le journaliste participe, il y en a un qui risque de marquer l'esprit du lecteur. Et ce, pour plusieurs raisons. La première, parce qu'il s'agit d'un Bukkake. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas le terme, il s'agit d'une pratique sexuelle au cours de laquelle un groupe d'hommes éjacule, tour à tour, sur une femme (dans la plupart des cas).

Deuxièmement, parce que le journaliste ne s'y rend pas en tant que simple spectateur, mais en tant que participant. Après s'être vu refuser son "accréditation" par le producteur de la vidéo, Robin D'Angelo, soucieux de vivre de ses propres yeux cette expérience pour les besoins de son livre, a donc fait le choix de postuler incognito pour la vivre aux côtés d'une trentaine d'autres messieurs.

"Sur son site, Pascal OP indique que ses abonnés sont invités en priorité à ses douches de sperme collectives, écrit ce dernier. Je m'inscris donc, avec une fausse adresse mail, contre 29,90 euros en espérant faire partie des heureux élus." Quelques heures plus tard, il reçoit un message le conviant à l'événement dans un entrepôt, muni d'une capote et d'une cagoule. En plus de se révéler angoissante, l'expérience montre à quel point n'importe qui peut participer à une éjaculation collective, sans dépistage de MST, ni rien.

5. Jacquie n'est pas la femme de Michel

Parmi les noms de cette industrie, il y en a un dont le grand public a déjà sans doute entendu parler. C'est évidemment Jacquie et Michel. Pour beaucoup, celui-ci évoque simplement l'un des plus gros sites d'hébergement de vidéos pornographiques, lancé à la fin des années 90. Toutefois, peu de gens connaissent vraiment l'identité des deux personnes qui se cachent derrière ce nom.

"L'équipe dirigeante est constituée de Michel, le père fondateur âgé de 60 ans, d'Abel, son partenaire depuis dix ans, et d'Araceli, mère de Thibault et épouse de Michel, présidente de la société à sa création", renseigne Robin D'Angelo. Mais alors, qui est vraiment Jacquie si ce n'est pas sa femme?

L'histoire à son sujet tient plus de la légende. "Tout le monde s'est emballé en disant que Jacquie & Michel étaient en couple. Mais en fait, Jacquie est celle qui a envoyé les premières photos à Michel par ICQ [l'une des premières messageries instantanées] quand il a décidé de faire un site web, comme l'explique l'un des membres actifs de l'entreprise. Et Michel a eu l'idée d'appeler le site Jacquie & Michel."

Couverture du livre "Judy, Lola, Sofia et moi" de Robin D'Angelo, aux éditions Goutte d'Or
Éditions Goutte d'Or
Couverture du livre "Judy, Lola, Sofia et moi" de Robin D'Angelo, aux éditions Goutte d'Or

"Judy, Lola, Sofia et moi", par Robin D'Angelo, aux éditions Goutte d'Or, en librairie, ce jeudi 18 octobre.

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