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Trois-Rivières, une circonscription «baromètre» pour les prochaines élections

La circonscription suit souvent les grandes tendances politiques.
Catherine Levesque

TROIS-RIVIÈRES – Au cœur de la Mauricie, Trois-Rivières est courtisée par tous les partis. La circonscription provinciale ne jure fidélité à aucun d'entre eux et pourrait dessiner la tendance pour le reste des régions de la province.

Ce n'est pas un hasard si le chef libéral Philippe Couillard a décidé d'amorcer sa campagne électorale en Mauricie. Les libéraux avaient raflé les cinq circonscriptions en 2014. Elles ne sont plus que quatre depuis la réforme de la carte électorale.

Le redécoupage électoral n'a pas été de tout repos pour les libéraux : la ministre responsable de la région, Julie Boulet, avait dû se battre pour conserver sa candidature dans Laviolette-Saint-Maurice contre son collègue Pierre Giguère. Elle a finalement décidé de ne pas se représenter, lui laissant la voie libre.

Mais voilà que son propre frère, Jean Boulet, se porte candidat pour la Coalition avenir Québec dans Trois-Rivières. L'avocat et homme d'affaires s'est laissé tenter par l'idée de se lancer en politique active après avoir discuté avec le chef François Legault dans sa résidence d'Outremont.

Il affrontera le député libéral sortant et ex-ministre régional Jean-Denis Girard, la candidate péquiste et ancienne conseillère municipale Marie-Claude Camirand ainsi que la candidate solidaire et militante écologiste Valérie Delage.

On a été Parti québécois, on a été ADQ, on a été libéral...Jean-Denis Girard, député libéral sortant

Trois-Rivières est en quelque sorte une circonscription «baromètre». Elle n'a pas toujours été du côté du pouvoir, mais elle se range du côté des tendances politiques. À l'heure actuelle, la région pourrait virer du rouge libéral au bleu poudre caquiste.

«Moi, ce que je crois et ce que j'entends, c'est que Trois-Rivières a souvent voté pour une personne plus que pour un parti, nuance M. Girard. On a été Parti québécois, on a été ADQ, on a été libéral. On a toujours eu des gens ancrés dans le milieu, des gens présents, des gens qui ont à cœur Trois-Rivières.»

Les Trifluviens pas fans du PLQ

Le député sortant ne s'en cache pas : les gens du coin n'aiment pas nécessairement le Parti libéral du Québec (PLQ). Ils blâment le premier ministre Philippe Couillard et le ministre de la Santé Gaétan Barrette pour les trop longs délais à l'urgence, entre autres choses.

M. Girard nuance la situation : bien sûr, tout n'est pas parfait en santé, mais les choses s'améliorent, dit-il. La liste d'attente pour un médecin de famille a diminué dans la région et une première super-clinique a ouvert il y a quelques mois à Trois-Rivières.

Lorsqu'il a un projet en tête, Jean-Denis Girard y va jusqu'au bout, quitte à froisser ses collègues, selon son entourage. Son «boss» n'est pas Philippe Couillard, mais bien tous ses concitoyens.
Catherine Levesque
Lorsqu'il a un projet en tête, Jean-Denis Girard y va jusqu'au bout, quitte à froisser ses collègues, selon son entourage. Son «boss» n'est pas Philippe Couillard, mais bien tous ses concitoyens.

Et oui, l'hôpital de Trois-Rivières a connu un agrandissement, mais il ne fonctionne pas à pleine capacité... par manque de main-d'œuvre, souligne-t-il.

Même s'il se dit «très fier» de ses accomplissements dans les quatre dernières années, celui qui a été ministre responsable de la région de la Mauricie en début de mandat ne met pas son allégeance de l'avant.

«J'ai des gens qui me disent : "tu sais Jean-Denis, je ne suis pas nécessairement libéral. Mais t'es un bon gars et je ne voterai pas pour le parti, je vais voter pour toi. Je vais voter 'Jean-Denis'". Ça, je l'entends beaucoup», dit-il, entre deux poignées de mains avec des citoyens.

Le projet phare du candidat Boulet

À quelques mètres de notre entrevue, menée en marge d'une marche pour soutenir la Fondation québécoise du cancer au parc Pie-XII, son adversaire caquiste serrait lui aussi des mains. Les deux hommes ne se sont pas adressés la parole.

M. Boulet dit avoir toujours été intéressé par la politique. Par le passé, il a décliné certaines offres, pour des raisons professionnelles ou familiales. Mais cette fois est la bonne, selon lui.

L'entourage de Jean Boulet le voit déjà ministre. Mais ce dernier affirme qu'il assumera le rôle que François Legault voudra bien lui donner, peu importe le résultat.
Catherine Levesque
L'entourage de Jean Boulet le voit déjà ministre. Mais ce dernier affirme qu'il assumera le rôle que François Legault voudra bien lui donner, peu importe le résultat.

«Il y a un potentiel épouvantable à Trois-Rivières, s'exclame le candidat de la CAQ. Il y a une population qui est désireuse d'avoir une voix forte à Québec et ça, c'est totalement compatible avec ma volonté de m'impliquer.»

Son projet phare est sans contredit la revitalisation d'un tronçon de la rue Royale, au centre-ville de Trois-Rivières, où l'on retrouve des édifices vétustes et une multitude d'affiches «À louer». S'il est élu, il souhaite y aménager un quartier des affaires et de l'innovation.

«Souvent, les gens arrivent par cette portion-là de la rue Royale et repartent par la rue Royale. Donc, c'est souvent la première et la dernière impression qui restent dans l'imaginaire du monde», fait valoir le candidat.

«On n'est pas des objets à numéros»

Qu'en est-il du manque de main-d'œuvre dans la région? Là, encore, une «petite séduction» s'impose selon lui. Le candidat de la CAQ veut trouver des façons de séduire, convaincre et inciter les travailleurs à rester dans le coin.

Cette vision est-elle compatible avec la diminution des quotas d'immigration telle que proposée par la CAQ? M. Boulet insiste pour dire qu'il s'agit d'une mesure «temporaire» qui va permettre d'«ajuster notre capacité d'accueil».

La candidate de Québec solidaire, Valérie Delage, elle-même d'origine française, grimace lorsqu'on aborde le débat actuel sur l'immigration. Elle déplore la «machinification» des nouveaux arrivants, qui sont décrits comme du «bétail» pour faire rouler l'économie.

Lors de notre passage, Valérie Delage a expliqué à des touristes français ce qu'était Québec solidaire: plus à gauche que Mélenchon, mais pas aussi radical.
Catherine Levesque
Lors de notre passage, Valérie Delage a expliqué à des touristes français ce qu'était Québec solidaire: plus à gauche que Mélenchon, mais pas aussi radical.

«On n'est pas des objets à numéros, déplore celle qui est au Québec depuis 22 ans. Je suis engagée dans ma communauté depuis longtemps, je me présente aux élections... je pense que j'ai plus à apporter que d'être un quota.»

Biologiste de formation, Mme Delage a mis sur pied la Brigade écolo qui sensibilise les jeunes de l'école primaire à l'importance de préserver l'environnement. Le projet a retenu l'attention de David Suzuki, qui est venu à Trois-Rivières leur remettre une bourse et un prix en 2016.

La candidate de QS se désole que l'environnement et la lutte à la pauvreté ne soient pas des sujets davantage discutés pendant la présente campagne électorale. Il y aurait un écart de huit ans d'espérance de vie entre les quartiers les plus riches et les plus pauvres de Trois-Rivières, dit-elle.

La CAQ, «pire» que le PLQ?

La candidate péquiste, Marie-Claude Camirand, était auparavant coordonnatrice de l'Accorderie – un organisme communautaire d'échange de services allant de l'aide aux devoirs au covoiturage, en passant par des coupes de cheveux gratuites.

La succursale de Trois-Rivières a dû fermer ses portes en avril – après 10 ans d'existence – par manque de financement alors que le gouvernement Couillard imposait l'austérité budgétaire.

Mme Camirand dit avoir avisé le député sortant, Jean-Denis-Girard, de la fermeture imminente de cet organisme qui rejoignait environ 450 personnes dans le besoin. Elle dit ne jamais avoir reçu un retour d'appel ni un accusé de réception.

Marie-Claude Camirand a été conseillère municipale de Trois-Rivières de 2009 à 2017. Un visage connu dans la région, elle s'est beaucoup impliquée dans le communautaire.
Catherine Levesque
Marie-Claude Camirand a été conseillère municipale de Trois-Rivières de 2009 à 2017. Un visage connu dans la région, elle s'est beaucoup impliquée dans le communautaire.

Malgré cet épisode qui l'a marquée, la candidate du PQ prétend que la CAQ serait «pire» que le Parti libéral du Québec. «Ils parlent plus de privatisation. Au niveau environnemental, c'est zéro. Moi, j'ai vraiment peur», s'inquiète Mme Camirand.

Jean Boulet, de la CAQ, se défend de ne pas assez parler d'environnement. Il propose de nettoyer les berges du fleuve Saint-Laurent afin d'y donner un meilleur accès et se dit «totalement d'accord» pour avoir un meilleur réseau de transport en commun.

Alors que s'amorce le vote par anticipation au Québec, une bonne partie de l'électorat est toujours aussi indécise. Trois-Rivières, pour sa part, décidera-t-elle d'éjecter son député libéral et d'opter pour la CAQ? Les candidates du PQ et de QS, des femmes connues et impliquées dans leur milieu, changeront-elles la donne?

Un passant rencontré pendant une séance de tractage sur la rue des Forges résume bien le sentiment général de la population : «Il faut essayer quelque chose! C'est toujours les mêmes maudits rapaces!»

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