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Pourquoi «Fear: Trump in the White House» de Bob Woodward fait trembler Donald Trump

Le journaliste à l'origine de l'affaire du Watergate, qui a fait tomber Richard Nixon, publie un livre ravageur sur le président.
Yuri Gripas / Reuters

"Bob Woodward est un menteur". Une semaine après la diffusion des premiers extraits de "Fear: Trump in the White House", Donald Trump ne décolère pas et continue de s'en prendre à son auteur sur les réseaux sociaux.

Tweet après tweet, le président américain dément en bloc le chaos derrière les portes closes de la Maison Blanche tel qu'il est décrit par le célèbre journaliste Bob Woodward -à l'origine de l'affaire du Watergate qui a fait tomber Richard Nixon- dans son livre explosif qui paraît ce mardi 11 septembre outre-Atlantique.

Et on comprend pourquoi: on y lit notamment que certains des propres conseillers de Trump font tout pour lui mettre des bâtons dans les roues, soit exactement ce qu'affirme aussi une tribune écrite par un haut responsable de l'administration et publiée anonymement par le New York Times il y a quelques jours. Un double affront qui tombe, en plus de cela, au pire moment.

"Trahison"

En dehors des informations dommageables qu'ils présentent, le livre de Woodward et le texte apparu dans le New York Times symbolisent tout d'abord pour Donald Trump un énième coup de poignard dans le dos, au beau milieu d'une séquence déjà difficile. Alors que depuis des semaines d'anciens de ses proches lui tournent le dos et passent des accords avec les autorités pour faire avancer l'enquête sur les soupçons de collusion avec la Russie, ce sont maintenant ses conseillers toujours en fonction qui témoignent incognito pour raconter l'enfer qui règne dans le Bureau ovale.

Le magnat de l'immobilier, dont les ministres les plus proches sont cités dans "Fear: Trump in the White House" comme étant ahuris par son comportement et désespérés par ses connaissances "dignes d'un élève de CM2/6e", commence sérieusement à avoir du mal à savoir vers qui se tourner en toute confiance au sein de la Maison Blanche. Et crie haut et fort à la "trahison" (ci-dessous).

Cette rupture du principe de confidentialité semble insupportable pour Donald Trump. À tel point qu'il a demandé à ses soutiens de harceler le New York Times pour obtenir le nom de l'auteur de la tribune, puis a exigé du quotidien qu'il fournisse l'information en invoquant une question de "sécurité nationale" avant de tout bonnement envisager que son ministre de la Justice ouvre une enquête pour découvrir son identité.

"Arnaques" et "inventions"

Selon le New York Times, la Maison Blanche a même été jusqu'à établir une liste de douze suspects potentiels. Les sources anonymes citées dans le livre de Woodward n'ont, elles, pas généré une telle frénésie car le milliardaire a simplement choisi de les écarter comme des "arnaques" ou de pures "inventions" (ci-dessous). Toujours est-il que les deux textes dépeignent un même président: "mesquin", "impétueux" et "inefficace", et ce à quelques semaines d'une échéance électorale majeure.

Le 6 novembre, les Américains se rendront aux urnes pour les élections de mi-mandat, les midterms. L'occasion de remplacer ou reconduire les 435 membres de la Chambre des représentants et 35 des 100 sénateurs. Et donc montrer au président si la politique qu'il mène depuis son investiture en janvier 2017 est approuvée ou rejetée par les citoyens.

La Chambre à portée de main des démocrates

L'apparition du livre de Woodward et de la tribune dans le New York Times exactement deux mois avant le scrutin est ainsi vécue par Trump comme une manipulation politique visant à le faire trébucher. "Bob Woodward joue les agents pro-démocrates à l'approche des midterms", assurait-il encore le 10 septembre tout en promettant dans le même souffle que "les républicains se débrouillent très bien pour les midterms au Sénat. Nous sommes maintenant en tête des sondages dans des endroits où l'on ne pensait même pas l'emporter".

S'ils sont bien partis pour effectivement conserver leur courte majorité au Sénat, les républicains sont cependant inquiets de la crise dans laquelle est plongée la Maison Blanche. À l'approche de ces élections législatives de novembre, ils redoutent de plus en plus de perdre le contrôle de la chambre basse du Congrès, la Chambre des représentants. Et malgré ses tweets confiants, Trump aussi.

Dernier indice en date que cette séquence chaotique joue contre l'administration: un sondage CNN diffusé ce mardi 11 septembre rapporte que le président est passé de 42% d'Américains satisfaits de son action au mois d'août, à 36% en septembre.

Bien conscient du risque et de son impopularité grandissante, le président multiplie les déplacements sur le terrain. Après le Montana le 6 septembre, il est attendu dans le Missouri le 13, puis dans le Massachusetts le 14. Des meetings pendant lesquels il a tenté de ragaillardir ses soutiens en évoquant lui-même la question de son éventuelle destitution par les démocrates (ci-dessous). "Comment pouvez-vous réclamer la destitution de quelqu'un qui fait un excellent boulot, qui n'a rien fait de mal? Notre économie est bonne".

Un pas de plus vers la destitution?

Trump ne brandit la menace de sa destitution pour le plaisir de faire hurler la foule. La "vague bleue" que rêvent de faire déferler les démocrates sur les midtermsserait certes le premier revers politique cinglant et tangible pour Donald Trump, mais elle serait aussi un vrai pas de plus vers le fameux impeachment.

Cette procédure qui vise à faire tomber le président pour "trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs" n'a besoin que d'une chose pour être déclenchée: une majorité à la Chambre des représentants. Si les démocrates venaient à reprendre le dessus dans cette partie du Congrès et qu'ils se mettaient tous d'accord, ils pourraient donc voter la mise en accusation de Donald Trump, l'impeachment. Seuls Andrew Johnson et Bill Clinton sont déjà passés par là.

Il reviendrait ensuite au Sénat de faire le procès du président, afin de le condamner à une majorité des deux tiers, ou de l'acquitter. Aucun chef d'État américain n'est jamais arrivé jusque-là.

Sans en arriver jusqu'à la destitution, la "vague bleue" a de quoi faire peur à Trump. Comme Obama dans ses dernières années au pouvoir, le milliardaire pourrait se retrouver dans l'impossibilité de mettre en application sa politique, la Chambre des représentants s'opposant à ses décisions. Il verrait aussi les commissions d'enquêtes parlementaires (dont celle sur les soupçons de collusion avec la Russie) passer aux mains des démocrates.

Le basculement du Sénat, qui reste peu probable, pourrait quant à lui bloquer la confirmation du juge nommé par Trump pour siéger à la Cour suprême. Exactement ce que les républicains avaient fait subir à Barack Obama en 2016.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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