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Google a 20 ans, à quoi pourrait ressembler le géant en 2038?

Avec des projets si diversifiés, difficile de discerner un chemin tout tracé pour la société. Si ce n'est devenir l'alpha(bet) et l'omega de notre futur.
Arnd Wiegmann / Reuters

Il y a vingt ans jour pour jour ce 4 septembre, Larry Page et Sergey Brin créaient officiellement la société Google Inc, 12 mois après avoir réservé le nom de domaine sur le web www.google.com. C'était le début d'une histoire que tout le monde, 20 ans après, connaît. Celle d'un moteur de recherche, né comme beaucoup de startups dans un garage, qui est aujourd'hui l'une des plus grosses et influentes entreprises au monde.

Celle d'une société, Google, que l'on pensait assez spécialisée mais qui a réussi à devenir N°1 dans la vidéo en ligne avec YouTube, les smartphones avec Android, ou encore la cartographie avec Google Maps. Et investit dans des dizaines de sociétés spécialisées dans des domaines plus variés les uns que les autres, de la voiture autonome à l'intelligence artificielle en passant par la médecine et les drones. Une entreprise tentaculaire, justement critiquée et attaquée pour ce mélange des genres et son quasi-monopole.

Un parcours difficile à prédire en 1998. Alors imaginer à quoi ressemblera Google dans 20 ans, c'est un peu mission impossible. Mais les différentes expérimentations du géant du web donnent des indications, au moins pour les prochaines années à venir. Surtout, malgré un parcours qui peut sembler imprévisible et chaotique, on peut déceler un fil rouge dans les 20 ans d'évolutions de Google et dans les déclarations de ses dirigeants pour les 20 années à venir. Un fil rouge au cœur de tous les fantasmes et de toutes les peurs.

Autant de projets que de lettres de l'alphabet

En 20 ans, Google n'a pas perdu son esprit d'innovation. Plutôt que de rester cloisonnée dans son savoir faire, la société n'a jamais arrêté d'explorer de nouvelles pistes, de racheter des start-up prometteuses dans des domaines plus variés les uns que les autres.

En 2015, elle s'est même renommée Alphabet. Une manière de dire que Google n'est qu'une partie (la plus rentable, de très, très loin) des ambitions du groupe, toujours dirigé par Larry Page et Sergey Brin. Qui comporte des dizaines de sociétés diverses et variées, dont le célèbre laboratoire "X" qui travaille sur des projets un peu (complètement) fous.

On peut essayer d'imaginer à quoi ressemblera Google, ou plutôt Alphabet, dans 20 ans grâce à celles-ci. Ce sera peut-être le leader de la voiture autonome, avec sa société Waymo. Ou de la maison connectée, grâce aux thermostats de Nest ou à l'enceinte connectée Google Home. Ou du business de l'accès à internet, avec Google Fiber.

Essayer (et échouer) pour ne pas "louper le futur"

Google sera peut-être N°1 dans le domaine de la médecine de demain, avec Verily, qui cherche à prédire les maladies et éradiquer le virus Zika. Sans oublier Calico, qui ambitionne de retarder le vieillissement. Ou aura conquis le ciel, avec ses drones de livraisons ou ses ballons permettant d'apporter internet dans des zones reculées.

Un champs bien vaste. Un peu trop? Après tout, de très nombreuses initiatives de Google ont échoué depuis 20 ans. Orkut, Google Reader, Glass, Wave, Buzz... tant de projets qui étaient censés s'imposer et reposent maintenant dans le cimetière Google bien rempli imaginé par Slate. Alphabet a également revendu certaines acquisitions, comme Motorola ou le créateur de robots Boston Dynamics.

Mais l'échec de ces projets n'a jamais empêché Google de continuer à tenter tout et n'importe quoi. Pourquoi? Cette citation de Larry Page, prononcée lors d'une conférence TED en 2014, permet de mieux comprendre la logique derrière ces initiatives qui peuvent sembler sans queue ni tête.

De nombreuses sociétés ne réussissent pas sur le long terme. Que font-elles de mauvais, fondamentalement? En général, elles loupent le futur.Larry Page

Organiser l'information mondiale... et après?

Dans la même interview, le cofondateur de Google rappelait comment était né Android. Le rachat par Google est organisé dans le dos de l'actuel PDG, Eric Schmidt, en 2005. Page travaille alors comme un passionné dans cette "petite" start-up à 50 millions de dollars. Il dit maintenant s'être senti un peu honteux de faire cela. C'était bien avant qu'Android ne devienne le système d'exploitation de l'écrasante majorité des smartphones, assurant à Google l'extension de son empire publicitaire du web au mobile.

Le futur de Google sera peut-être dans la voiture autonome, dans la santé, ou dans un tout autre domaine, même pas encore imaginé. Imprévisible donc? Pas tout à fait. Larry Page, toujours en 2014, rappelait la mission originale de la société: "organiser l'information mondiale et la rendre universellement accessible et utile".

Toujours d'actualité? Le cofondateur n'en est pas totalement sûr, mais affirme que le but n'est toujours pas complètement atteint. Certes, nous avons accès grâce au moteur de recherche à un nombre d'informations incomparable à celles disponibles pour une simple personne il y a 20 ans.

Mais pour Larry Page, le problème, c'est que "votre ordinateur ne sait pas qui vous êtes, ce que vous savez, ce que vous faites". Et d'expliciter un peu plus: "ce que nous essayons de faire, c'est que votre appareil comprenne le contexte".

Ce qu'il manque à Google, c'est une intelligence. Artificielle, évidemment. Capable de comprendre mieux que personne, mieux que nous même, nos envies, nos besoins. De les devancer. D'y apporter une réponse précise, adaptée, spécifique.

Google, l'alpha(bet) et l'oméga de votre futur

Et c'est peut-être de ce côté là qu'il faut chercher si l'on veut imaginer à quoi ressemblera Alphabet dans 20 ans. D'ailleurs, dans la lettre de création de la société, ses fondateurs précisent que l'un des principaux moteurs d'Alphabet est "l'investissement de long terme dans l'intelligence artificielle".

C'est après tout DeepMind, une start-up détenue par la holding, qui a fabriqué la machine ayant réussi à dominer l'homme au jeu de go. Même s'ils ne sont pas les seuls, loin de là, Google a également embauché de nombreux chercheurs spécialisés dans les différentes méthodes d'apprentissage de la machine. Google Assistant et l'enceinte connectée Home ne sont, pour l'instant, que la partie émergée de l'iceberg qu'ambitionne de construire le moteur de recherche. Car la société n'arrête pas de pousser dans cette direction.

Ce dont a besoin Google pour améliorer son intelligence artificielle, c'est de plus de données personnelles, de plus de puissance de calcul (Google a récemment créé ses propres processeurs pour cela) et de plus de moyens de délivrer les réponses.

Voitures autonomes, maisons intelligentes, ballons-internet, santé connectée, ordinateurs quantiques... Tant de domaines qui permettent de nourrir d'informations l'ogre Google, insatiable, et de parfaire ses algorithmes. Le futur de la société, comme de beaucoup d'autres de la Silicon Valley, aura beaucoup à voir avec l'intelligence artificielle. Reste à voir jusqu'à quel point.

Une longue histoire pour Larry Page

C'est en tout cas une vieille histoire. Qui a commencé avec des chats. Dans le labo de Google X il y a plus de cinq ans, des ingénieurs ont réussi à créer un programme qui arrive à reconnaître des chats dans des vidéos Youtube et à dessiner l'idée qu'il se fait d'un chat. C'est à ce moment que Larry Page s'est dit "qu'il y avait quelque chose d'important ici".

Mais les ambitions de Page sur l'intelligence artificielle remontent plus loin. En 2006, il affirmait que "le moteur de recherche ultime devrait comprendre tout ce qui existe dans le monde". Plus tôt encore, en 2002, alors que Google n'est encore qu'une start-up sans modèle économique, il lâchait à un journaliste de Wired avec désinvolture: "Oh, nous construisons vraiment une intelligence artificielle". Il faut dire que le père de Larry Page, Carl, était justement un pionnier dans le domaine de la programmation et de l'intelligence artificielle.

S'il fallait donc parier sur un futur probable pour Google (un exercice périlleux où l'on est presque sûr de se tromper, comme le fait certainement cet article), l'idée d'un géant de l'intelligence artificielle aurait donc une cote intéressante.

Trop énorme pour ne pas tomber ?

Mais les obstacles sont nombreux et gigantesques. Il n'est déjà pas sûr que l'intelligence artificielle soit l'eldorado tant espéré par la Silicon Valley. Et quand bien même, il y a évidemment le risque qu'une autre société ne s'impose sur ce domaine. Ce ne serait pas une première. Qu'une petite start-up flexible arrive plus facilement qu'une multinationale à s'adapter à un nouveau paradigme, c'est d'ailleurs plutôt la norme.

Mais mettons que Google arrive dans le futur à réaliser son rêve d'une intelligence artificielle surpuissante, sachant tout sur tout, capable de répondre à tous nos besoins, partout, tout le temps. Même si cette prothèse artificielle sortait vraiment des locaux de Mountain View, difficile de dire si elle sera acceptée. Par le public, évidemment, avec toutes les questions éthiques qu'elle entraîne. Mais aussi par les autorités.

Tous les pays du monde semblent (enfin) se lancer dans la course à l'intelligence artificielle, à l'instar de la France, où Cédric Villani a remis un rapport sur le sujet à Emmanuel Macron en mars. Car si les promesses de programmes surpuissants se réalisent (ce qui est encore très incertain, l'état de l'art scientifique étant encore très loin des fantasmes et peurs sur ce sujet), les entités détenant ces algorithmes et les données dont elles se nourrissent auront un impact phénoménal sur nos vies.

Une question d'Etat

Or, le passé est rempli de décisions gouvernementales visant à empêcher une société d'avoir une situation trop monopolistique. Situation avec laquelle flirte déjà dangereusement le moteur de recherche. L'UE a d'ailleurs infligé une amende en 2017 à Google pour abus de position dominante, puis une autre de 4,34 milliards d'euros en juillet, visant Android pour des raisons similaires. Un record. Les Etats-Unis aussi examinent ces questions.

Alphabet est également en situation conflictuelle avec plusieurs pays (dont la France) sur d'autres questions. Comme les impôts, ou encore la gestion des données personnelles. Sur ce point, la société est à la fois critiquée pour sa main mise sur la vie de milliards de personnes, mais refuse aussi en parallèle de travailler main dans la main avec l'Etat sur ces questions depuis l'affaire Snowden.

Il y a de fortes chances que les tensions entre Etats et sociétés dominantes s'aggravent dans les deux prochaines décennies. Et quel plus grand sujet de divergence qu'un programme qui "comprend tout ce qui existe dans le monde, tout ce que vous demandez, et vous donne la chose voulue instantanément"?

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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