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La techno, un «p’tit remontant» pour Shawinigan

L'entreprise Rum&Code bouleverse le traditionnel «9 à 5».
Une partie de l'équipe de Rum&Code devant des affiches des Avengers. A droite complètement, Alexis et Félix-Antoine Huard, qui sont frères et associés de la boîte.
Catherine Levesque
Une partie de l'équipe de Rum&Code devant des affiches des Avengers. A droite complètement, Alexis et Félix-Antoine Huard, qui sont frères et associés de la boîte.

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SHAWINIGAN – L'édifice Rum&Code surplombe l'avenue de la Station à Shawinigan depuis quelques semaines seulement. À l'intérieur, les trois associés dans la vingtaine bouleversent le «9 à 5» qui caractérise l'horaire de travail traditionnel.

Dès qu'on met le pied en dehors de l'ascenseur, Félix-Antoine Huard, l'un des co-fondateurs, présente son quotidien. «C'est un milieu de vie, ici. C'est pas une job. Tu ne punches pas», dit-il.

Dans un coin, une télévision et des divans, où l'entreprise tient sa seule réunion hebdomadaire tous les mardis matins. Quelques mètres plus loin, quelques employés pitonnent des codes sur leurs claviers d'ordinateurs.

Lors de leur embauche, chacun d'entre eux a choisi de s'associer à un personnage des «Avengers». Des affiches à leur effigie les entourent en tout temps pendant qu'ils s'affairent à créer des logiciels pour des clients.

Instagram/rum_code

Félix-Antoine, lui, s'identifie à Thor, fils d'Odin. Comme lui, il a effectué un grand retour à Asgard – ou dans ce cas-ci, Shawinigan – après un passage à l'Université de Sherbrooke pour ses études en communication marketing. Et comme lui, il est «un p'tit gars charismatique avec une grande gueule...»

Son frère Alexis – Iron Man – et Ian Bussières – Captain America – travaillaient déjà dans le domaine de l'informatique quand ils ont eu l'idée de fonder leur propre entreprise. Autour d'un shawarma, ils ont convaincu Félix-Antoine de se joindre à eux.

À la base, leur compagnie se nommait Mzinga, ou «ruche» en swahili. Leur but était le même qu'aujourd'hui: c'est-à-dire de créer des logiciels qui répondent à des problématiques réelles. Ils ont été approchés par une firme de capital de risque, qui était prête à investir dans l'équipe.

En 2016, le nom de Rum&Code était incorporé et la petite équipe bourdonnait déjà dans les locaux du DigiHub – sorte «d'incubateur d'entreprises» qui a fait ses preuves à Shawinigan et dont le modèle inspire ailleurs au Québec.

«On voulait un nom dont les gens allaient se souvenir, explique Félix-Antoine. On ne voulait pas être un cabinet de développement logiciels à trois lettres, genre Huard, Huard, Bussières... HHB Développement logiciels. On avait envie de montrer qu'on avait beaucoup de dynamisme et qu'on était en dehors du cubicule gris.»

Pas de «9 à 5»

L'environnement de travail chez Rum&Code est tout sauf le quotidien d'un fonctionnaire. Là-bas, les horaires sont inexistants. Les employés sont libres de rentrer et de partir à l'heure qu'ils veulent. Ils peuvent travailler de chez eux ou même d'un autre continent s'ils le souhaitent.

Des mesures pour la conciliation travail-famille sont également au banc d'essai: par exemple, tous les vendredis du mois de juillet étaient des congés payés. Les 5 à 7 hebdomadaires, eux, par exemple, sont quasi obligatoires.

«Au final, la programmation, c'est super créatif comme milieu. Il y a beaucoup de logique, mais il y a une très grande partie de créativité. Ce qui fait que la créativité, ça ne vient pas sur commande. On ne peut pas demander à un auteur de s'asseoir de "9 à 5" et de nous écrire un livre», fait valoir Félix-Antoine.

La créativité n'est pas cantonnée de 9 à 5, 40 heures par semaine.Félix-Antoine Huard, l'un des trois associés

Le jeune associé explique que malgré tout, la plupart des employés optent pour un horaire à des heures régulières, puisque le reste du monde fonctionne entre 9 heures du matin et 17h.

Mais il n'y a pas de pression pour rester assis sur sa chaise si l'un d'entre eux veut aller profiter de la belle température cette journée-là. L'employé peut décider de se reconnecter en soirée et de rattraper le temps perdu, ou en faire plus les jours suivants.

«La créativité n'est pas cantonnée de 9 à 5, 40 heures par semaine. Il y a des semaines où on est en feu et qu'on a le goût d'en faire 60, puis il y a des semaines où ça ne feel pas et on en fait 20. Au final, on est quand même arrivés à 80 heures en deux semaines.»

Et le droit à la déconnexion dans tout ça?

Le fait de pouvoir travailler partout, en tout temps, peut poser problème. Certains pays se penchent sur le «droit à la déconnexion», qui permet aux employés de décrocher une fois qu'ils ont quitté le bureau afin d'éviter qu'ils soient à la merci de leur téléphone intelligent.

«C'est certain que ça peut représenter des enjeux, des défis, convient Félix-Antoine. Ça dépend toujours du style managérial. Si ton employeur décide de te texter en plein milieu de la nuit parce que ton laptop est ouvert et qu'il veut te parler d'un dossier, en mon sens, ce n'est pas le milieu de travail qui est problématique, c'est l'individu.»

Catherine Levesque

«Je pense qu'il y a une introspection individuelle à faire. Si je prends mon téléphone à 23h pour répondre à mon message, j'ai moi aussi un problème, peut-être. Le message est rentré, certes, c'est une partie du problème, mais si j'y réponds, je contribue à ce cycle infernal-là», relativise le jeune homme de 26 ans.

Le député de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a déposé au printemps dernier un projet de loi d'intérêt privé afin d'obliger les employeurs à déterminer un plan de déconnexion en dehors des heures de travail. Son projet est finalement mort au feuilleton, n'ayant pas été intégré à la réforme sur les normes du travail de la ministre du Travail, Dominique Vien.

«Je pense que de mettre des cadres un peu trop établis, c'est de vouloir, en mon sens, – et je dis ça avec beaucoup de respect pour les gens qui veulent mettre en place ces mesures-là – mettre une patch facile à un problème qui est plus grand», s'avance Félix-Antoine.

Revenir au lieu de ses racines

L'ascension fulgurante de Rum&Code dans les deux dernières années leur a permis d'embaucher près d'une dizaine d'employés-Avengers, mais aussi de déménager hors du nid que constituait le DigiHub.

Le directeur général du DigiHub de Shawinigan, Philippe Nadeau, se félicite de voir la jeune boîte voler de ses propres ailes. «Des entreprises comme Rum&Code, ce n'est que le début. Ça nous montre un petit peu ce que peut être la voie de l'entreprise de demain», dit-il.

Les jeunes de Rum&Code le montrent bien: avec un portable et un cellulaire, on peut s'installer n'importe où.Philippe Nadeau, DG du DigiHub

Lorsqu'il a fondé le DigiHub, en 2014, Shawinigan était une «ville sur le déclin», de son propre aveu. «Les industries de papier d'aluminium quittaient la région. C'était une ville qui était un peu morose. Il fallait faire quelque chose pour la redresser.»

Depuis, l'organisme à but non lucratif a aidé à propulser des dizaines de petites entreprises, qui fleurissent dans la région. Comme Félix-Antoine, plusieurs jeunes décident de revenir là où sont leurs racines et décident d'y contribuer.

«Les jeunes de Rum&Code le montrent bien: avec un portable et un cellulaire, on peut s'installer n'importe où. On peut avoir la même qualité de vie, la même qualité de travail et puis avoir des clients au niveau international. Je pense que c'est ça, la voie de l'avenir», se réjouit Philippe Nadeau.

Garder l'esprit familial

Les gars de Rum&Code, eux, voient l'avenir avec optimisme. Ils ont l'intention de garder leur siège social à Shawinigan et ce, même s'ils décidaient d'ouvrir un autre bureau à l'international un jour. Ils souhaitent être encore plus impliqués dans la communauté, rendre service à plus d'entrepreneurs et créer leurs propres produits.

Félix-Antoine ne déroge pas: «On ne vise pas à avoir une entreprise de 300 employés. On veut garder ça petit, familial. C'est l'esprit des Avengers aussi: chaque personne est un superhéros et peut avoir un super impact sur des projets.»

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