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Estrie: débat serein autour de deux projets de cimetières musulmans... pour l'instant

Jusqu'à présent, les promoteurs n'ont vu aucune mobilisation semblable à celle contre le cimetière de Saint-Apollinaire.
Une pierre tombale musulmane dans un cimetière abandonné.
bizoo_n via Getty Images
Une pierre tombale musulmane dans un cimetière abandonné.

Le HuffPost Québec est en tournée pour approfondir les enjeux qui préoccupent les acteurs et les citoyens de diverses régions du Québec, dans le cadre des élections provinciales. Cap sur... l'Estrie!

SHERBROOKE — Un sujet épineux pourrait s'immiscer dans la campagne électorale en Estrie, au grand dam de plusieurs politiciens... et des citoyens musulmans. Deux groupes présentent des projets distincts de cimetières musulmans dans un contexte où le débat semble serein, mais où les questions d'immigration et de diversité divisent les Québécois.

Mohamed Soulami nous accueille dans sa résidence du quartier Ascot, à Sherbrooke. Sourire aux lèvres, il parle avec enthousiasme de son projet de cimetière, qu'il croit pouvoir enfin réaliser.

«[L'Institut du monde arabe et musulman] a mené différentes démarches depuis 2003. Malheureusement, pour différentes raisons, ça n'a pas fonctionné. L'an dernier, on a rassemblé différentes associations musulmanes et on a lancé un comité de travail qui a décidé de former une coopérative pour le cimetière», affirme M. Soulami, qui préside maintenant la Coopérative funéraire musulmane du sud-est (CFMSE).

Olivier Robichaud

M. Soulami, son collègue Abdelilah Hamdache et plusieurs autres ont évalué un certain nombre de terrains terrains et sont présentement en discussions avec le propriétaire du site le plus prometteur, dont ils refusent toutefois de préciser le lieu pour ne pas nuire aux négociations. Ils espèrent pouvoir concrétiser le tout d'ici la fin de l'année.

Un projet bloqué à plusieurs reprises

Un second projet, mis de l'avant par L'Association culturelle islamique de l'Estrie (ACIE), suit également son cours depuis plusieurs années. Après des échecs à Sherbrooke et ailleurs, elle tient à l'oeil un terrain appartenant à la Ville et bordant un cimetière catholique.

Mohamed Golli, ancien président de l'ACIE et actuel gestionnaire du projet de cimetière, estime avoir une bonne collaboration du nouveau maire de Sherbrooke, Steve Lussier. Il craint toutefois la possibilité que des élus décident de bloquer le projet. Une situation qu'il dit avoir vécue récemment dans une municipalité voisine.

«Avec l'arrivée du nouveau maire en novembre, on a senti un véritable vent de changement. »

- Mohamed Golli

«Mais s'il y a une volonté de certains élus pour entraver le processus, l'achat du terrain sera difficile alors que le terrain peut contenir un cimetière demain», dit-il.

Un sujet sensible

La question des cimetières musulmans soulève les passions depuis l'attentat de Québec, qui a fait six morts. Jusqu'à l'an dernier, la province ne comptait qu'un seul site dédié aux musulmans. Plusieurs fidèles choisissent donc de payer des milliers de dollars pour envoyer les dépouilles de leurs proches dans leurs pays d'origine.

M. Hamdache affirme avoir aidé plusieurs familles avec ce type de démarches à titre de président de l'Institut des mondes arabes et musulmans.

Lorsque le débat s'est transposé à Saint-Apollinaire, le résultat s'est soldé par un échec à la suite d'une mobilisation citoyenne. Certains opposants étaient membres du groupe anti-islam La Meute.

Jusqu'à présent, tant M. Golli que MM. Soulami et Hamdache affirment que le processus se déroule sans heurts majeurs.

«On n'a reçu aucun commentaire négatif. Parfois, les gens nous demandent "pourquoi vous ne voulez pas être enterré avec nous?". Là, c'est une question de respect mutuel. Quand quelqu'un a, comme dernière volonté, d'être enterré dans un cimetière musulman, il faut être capable de respecter cette volonté», affirme M. Hamdache.

M. Soulami ajoute que leur projet est inclusif. Une portion du cimetière serait mixte afin de permettre aux gens qui, comme lui, on marié quelqu'un d'une autre religion de se faire enterrer avec leur bien-aimé.

Pour sa part, le projet de l'ACIE est réservé aux musulmans.

Enjeu électoral sous-jacent

Le HuffPost Québec s'est aussi entretenu avec Jesse Fafard-Théorêt et Éric Laverdure, deux étudiants en sciences politiques qui ont récemment lancé une nouvelle émission radio dans le cadre des élections. Selon eux, la question de l'immigration — et surtout de l'immigration musulmane — sera un enjeu subtil, mais influent en Estrie et ailleurs au Québec.

«Les thèmes centraux qui vont être abordés pendant la campagne, c'est l'éducation, la santé et l'économie. Mais il y a toujours une sous-campagne, qui n'est pas officielle et on ne sort pas de communiqué là-dessus, mais les discussions vont avoir lieu dans les rassemblements et les activités militantes. Dans les activités du Parti libéral, le discours qui est colporté, c'est que la Coalition Avenir Québec ce sont des extrémistes [sur la question de l'immigration]», affirme M. Fafard-Théorêt.

Les deux jeunes analystes ne croient pas que les candidats se prononcent sur les projets de cimetières parce que ce serait «un suicide politique». N'empêche, la présence accrue de musulmans pratiquants à Sherbrooke choque une partie de la population.

D'autant plus que les opposants n'ont pas encore eu de forum pour s'exprimer sur la question puisque le conseil municipal ne s'est pas réuni depuis que le décès tragique d'une petite syrienne a ravivé l'intérêt pour de nouveaux lieux de dernier repos.

«Il suffit qu'une personne se présente au conseil et dise la "cut" qui serait reprenable, et ça pourrait partir un débat», affirme M. Laverdure.

Celui-ci ajoute toutefois qu'il ne croit pas voir une opposition comme celle constatée à Saint-Apollinaire.

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