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L'Estrie sera le «test» pour François Legault et la CAQ lors des élections provinciales

L'absence d'enjeux majeurs au niveau local fait de l'Estrie l'endroit idéal pour prendre le pouls du Québec.
Le centre-ville de Sherbrooke.
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Le centre-ville de Sherbrooke.

Le HuffPost Québec est en tournée pour approfondir les enjeux qui préoccupent les acteurs et les citoyens de diverses régions du Québec, dans le cadre des élections provinciales. Cap sur... l'Estrie!

SHERBROOKE — L'Estrie s'avère un terrain intéressant pour tester l'intérêt du Québec pour les différents partis. En l'absence d'enjeux locaux majeurs ou de candidats vedettes dans la plupart des circonscriptions, c'est la campagne nationale qui déterminera les résultats dans les Cantons-de-l'Est. Et la Coalition avenir Québec (CAQ) s'enligne pour un balayage.

Par un après-midi ensoleillé du mois d'août, le quotidien sherbrookois semble peu affecté par les élections. Même si, quelques jours plus tôt, la Wellington a accueilli plusieurs politiciens lors de l'événement «Bouffe ton centro».

Dans le journal local et à la radio, on parle certes des candidats. Mais c'est Raïf Badawi, dont la famille est installée à Sherbrooke, qui retient l'attention à cause des tensions entre le Canada et l'Arabie saoudite. Ou encore les factures payées en double par l'administration municipale.

L'absence de dossiers chauds — hormis la voie de contournement du chemin de fer à Lac-Mégantic — fait de l'Estrie un terrain parfait pour tester la popularité des partis politiques selon Jesse Fafard-Théorêt et Éric Laverdure, deux étudiants en sciences politiques à l'Université de Sherbrooke qui ont récemment lancé une nouvelle émission d'analyse politique à la radio étudiante CFAK.

«Il n'y a rien de particulier à l'Estrie qu'on ne trouvera pas dans d'autres régions. Je pense que ça va être la région test pour la CAQ, au sens où ils se demandent s'ils peuvent remporter cinq comtés sur cinq. Et c'est ce qu'ils ont dit qu'ils veulent faire», affirme M. Fafard-Théorêt.

Les Cantons de la CAQ?

Jusqu'à présent, les Cantons-de-l'Est suivent fidèlement la tendance nationale. L'ensemble des circonscriptions sont devenues un champ de bataille entre la CAQ et les députés libéraux sortants, selon le site Qc125.com.

Au moment de l'entrevue, la CAQ menait partout sauf à Sherbrooke, autrefois le fief de l'ex-premier ministre Jean Charest et aujourd'hui représentée par le ministre Luc Fortin. Depuis la mise à jour du 15 août, les libéraux ont pris une légère avance dans Saint-François et Orford.

M. Laverdure souligne toutefois le faible nombre de membres de la CAQ, alors que le PLQ a une machine électorale très bien huilée.

«La CAQ est un jeune parti. Il n'y a pas eu d'assemblée d'investiture, par exemple, alors il y a eu moins de mobilisation que ce qu'on a pu voir du côté du Parti québécois ou des libéraux», affirme-t-il.

On veut des ministres!

Pour Jesse Fafard-Théorêt, le PLQ a toutefois un problème majeur: la faiblesse de ses candidats, outre le ministre Fortin.

«Depuis quelques temps, on vote plus pour un ministre que pour un parti. [...] Les chambres de commerce veulent l'argent et ça passe par une enveloppe ministérielle», dit-il, citant en exemple l'élection de ministres conservateurs au fédéral dans les circonscriptions historiquement péquistes et bloquistes du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Les deux analystes étudiants ne voient pas de candidats libéraux comparables à Bruno Vachon, homme d'affaires et ex-conseiller municipal, ou André Bachand, ancienne étoile du Parti progressiste-conservateur sur la scène fédérale. Tous deux se présentent pour la CAQ et seraient ministrables, selon MM. Laverdure et Fafard-Théorêt.

Une corde sensible: l'immigration

Un des points forts de la CAQ en Estrie serait sa position sur l'immigration. Depuis l'arrivée de réfugiés syriens en 2015, les discours anti-islam et et anti-immigration auraient la faveur d'un plus grand nombre de personnes.

«On voit plus de hijabs maintenant. Ça choque des gens»- Jesse Fafard-Théorêt

Par le passé, la communauté musulmane estrienne a été l'objet de vandalisme islamophobe de la part d'un membre du groupe anti-immigration Les Insoumis, rappelle M. Laverdure.

Son collègue réplique toutefois que c'est un couteau à double tranchant pour la CAQ.

«Ces gens-là, souvent, ils jappent beaucoup mais ils ne votent pas», dit-il.

Et les anglos?

Depuis plusieurs années, M. Legault tente de convaincre les électeurs anglophones de quitter le Parti libéral du Québec, qui récolte la grande majorité de leurs appuis à chaque élection. Le dernier coup de sonde de la firme Léger Marketing indique d'ailleurs que 62% des anglophones voulaient appuyer le PLQ en juin, contre 15% pour la CAQ.

C'est peine perdue selon Royal Orr, journaliste, commentateur et anciennement fondateur d'Alliance Québec.

Olivier Robichaud

«L'attachement au Canada, c'est encore la principale question qui mobilise la communauté anglophone. C'est une question existentielle pour nous. Pas dans le sens qu'on se ferait persécuter, mais dans le sens de la vitalité de la communauté», dit-il.

M. Orr est aujourd'hui domicilié dans le village de Hatley, à mi-chemin entre Sherbrooke et la frontière américaine. Il ne croit pas que François Legault, avec son passé péquiste, puisse rassurer les anglophones qui seraient tentés de voter pour son parti.

Même son de cloche du côté de Gerald Cutting, président de la Townshipper's Association, un organisme de développement communautaire pour les anglophones des Cantons-de-l'Est.

M. Cutting entrevoit même déjà une confrontation légale avec un éventuel gouvernement caquiste si M. Legault persiste dans sa volonté d'éliminer les élections scolaires.

«Les commissions scolaires sont les seules institutions qui restent pour la communauté anglophone. [...] On va défendre nos droits constitutionnels», lance-t-il.

Seul point positif pour M. Legault: une victoire péquiste semble écartée, ce qui minimise les risques d'une ruée massive des anglophones vers le PLQ pour bloquer la route à Jean-François Lisée. Et les critiques envers le gouvernement libéral de Philippe Couillard ne sont pas absentes chez les Anglais, loin de là.

Ce qui fait dire à Royal Orr que, au bout du compte, les anglophones pourraient bien rester à la maison le 1er octobre.

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