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Intégration des immigrants: mettre la main à la pâte avant de mettre son grain de sel

«Si tu mets ta main dans la pâte qui pétrit, quand le gâteau sera prêt, tu vas avoir ta part», explique Papa Noël Sow.

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RIVIÈRE-DU-LOUP – Lorsqu'on lui demande pourquoi il a décidé de rester vivre à Rivière-du-Loup, Papa Noël Sow répond du tac au tac : «On ne change pas une recette gagnante!»

Papa Noël s'est établi à Rivière-du-Loup après avoir rencontré sa conjointe au Mali, d'où il vient.
Catherine Levesque
Papa Noël s'est établi à Rivière-du-Loup après avoir rencontré sa conjointe au Mali, d'où il vient.

L'entrepreneur originaire du Mali n'était pas étranger à la culture québécoise lorsqu'il a mis les pieds dans le Bas-Saint-Laurent pour la première fois. À Bamako, d'où il vient, des Québécois qui effectuaient un stage ou qui travaillaient dans le coin lui ont partagé des aspects de leur culture. Et pas n'importe lesquels: «J'écoutais la Petite Vie en Afrique!»

Bien sûr, il y a eu des hauts et des bas en arrivant au Québec, dit-il. Sans diplôme, il a dû trimer dur pour se tailler une place dans la communauté et faire vivre sa famille, en faisant le ménage dans des bars, en travaillant dans des usines ou comme homme à tout faire. En parallèle, il s'est investi dans la communauté, en organisant mille et une activités – si bien que les Louperivois l'ont adopté aussitôt.

Au moment de notre rencontre, il était encore fatigué de la veillée africaine qu'il avait organisé la veille. Son initiative en a inspiré d'autres, puisqu'une cliente régulière est entrée dans la boutique pour acheter du tissu coloré qu'elle utiliserait pour une «soirée africaine» chez elle. Un peu plus tard, un couple rentre acheter des épices dans sa boutique après une soirée passée avec des amis – ils avaient adoré la marinade inspirée de la cuisine de Papa Noël.

Un «partageur de culture

La nouvelle boutique africaine de Papa Noël a pignon sur la rue Lafontaine à Rivière-du-Loup depuis huit mois et déjà, elle ne passe pas inapercue. D'abord, en raison de son nom – Papa est un prénom au Mali et il est né un 25 décembre – et parce qu'elle permet de voyager en Afrique sans prendre l'avion.

«Je me dis: quelqu'un qui veut réellement s'intégrer va en région. Dans ma tête, c'est ça. J'aurais pu aller à Montréal ouvrir ma boutique parce qu'il y a plein de Noirs! Une boutique africaine à Rivière-du-Loup, il y en a qui me disent: "Y'est-tu fou, lui, là! Y'est-tu malade? Il va vivre de quoi?"»

Au-delà des considérations monétaires, Papa Noël se définit comme un «partageur de culture»

Le vrai père Noël, c'est celui avec la bedaine et la barbe. Le vrai Papa Noël, il existe. C'est moi!

«Les autres ont pris le temps de m'intégrer, ils ont pris le temps de me côtoyer, ils ont pris le temps de me connaître. Ma boutique, c'est ma façon de dire merci et d'embarquer avec les Québécois», poursuit-il.

À l'entrée de sa petite boutique, une statue d'un père Noël noir trône à côté de livres de recettes sur le couscous et les tajines. À quelques pas de là, une sculpture formée de branches d'arbre qui rappelle un homme qui est déposée sur un tronc d'arbre aux contours du continent africain. «Un homme qui survole l'Afrique. C'est moi!» s'amuse-t-il à dire, en précisant que l'œuvre n'est pas à vendre.

Puisqu'il y a de plus en plus d'enfants métis – comme les siens – dans le Bas-du-Fleuve, il souhaite également ériger une bibliothèque avec des histoires et des contes africains que des parents pourraient emprunter.

Tous la main dans la pâte

Les Québécois sont-ils intolérants? Papa Noël soupire en esquissant un sourire. Il a répondu à la question maintes et maintes fois, mais répond tout de même avec une métaphore.

«Quand on fait un gâteau, il faut pétrir la pâte. Si tu mets ta main dans la pâte qui pétrit, quand le gâteau sera prêt, tu vas avoir ta part. Si tu t'assois, tu le laisses pétrir et que tu veux ta part... ce n'est pas comme ça que ça marche. Il faut travailler d'abord avec les autres, voir ce qu'ils font, où ils s'en vont et comme ça, tu pourras aider.»

«L'intégration, ça se fait de façon réciproque, poursuit-il. Il ne faut aller s'asseoir dans son coin et se disant que les autres vont venir te voir. Non. Il faut aller voir les autres. Parce que quand tu ne connais pas, tu peux juger. Mais quand tu vas voir les autres, tu t'en vas côtoyer les autres, ils vont savoir qui tu es.»

Une affiche à l'entrée de la boutique de Papa Noël sur la rue Lafontaine.
Catherine Levesque
Une affiche à l'entrée de la boutique de Papa Noël sur la rue Lafontaine.

C'est d'autant plus vrai en région, où il ne passe pas inaperçu. «Il n'y a pas 25 000 Noirs ici, à Rivière-du-Loup. Tu vas voir les Blancs, tu vas voir les Québécois, tu n'as pas le choix. Ça, c'est l'intégration. C'est d'amener l'autre à partager et à apprendre. Mais quand tu restes dans la même gang, tu n'évolues pas!»

Les gens se parlent encore moins, alors que tous ont les yeux rivés sur leur téléphone intelligent, déplore-t-il.

«Il va falloir que le monde se réveille, il va falloir qu'on se dise les vraies choses. Il va falloir que le monde se parle, comme les gens faisaient il y a cent ans, il y a deux cents ans! Les gens se côtoyaient, se disaient bonjour.»

Mettre son grain de sel

Une famille de touristes qui passait dans le coin s'arrête à la boutique. Ils regardent le beurre de karité de la mère de Papa Noël, fixent les décorations faites par ses amis un peu partout sur le continent, observent les feuilles de thé sur les étagères. Les enfants repartent chacun avec un petit souvenir.

«Le vrai père Noël, c'est celui avec la bedaine et la barbe. Le vrai Papa Noël, il existe. C'est moi!» lance-t-il, empli de fierté.

L'entrepreneur a attendu plusieurs années avant de pouvoir réaliser son rêve et d'ouvrir sa boutique, si bien qu'il a accueilli plus de 300 personnes lors du lancement. Maintenant, il reçoit même des offres pour se lancer en politique! Mais il n'en est pas question, assure-t-il.

Il se permet tout de même de saupoudrer un petit conseil aux nouveaux arrivants.

«C'est très important que chaque immigrant qui arrive ici puisse mettre ça dans sa tête : les gens ont travaillé dur pour que cette vie soit possible. Alors il faut que les autres mettent leur main dans la pâte, sans demi-mesure, sans chercher à comprendre. Et après, ils pourront mettre leur grain de sel dans la communauté.»

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