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«Terrace House» sur Netflix: Vous ne verrez jamais de jeunes gens aussi «parfaits» que dans cette télé-réalité japonaise

Un fossé culturel aussi fascinant que divertissant à observer.
Vous ne verrez jamais de jeunes gens aussi
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Vous ne verrez jamais de jeunes gens aussi

On se rappelle tous du caractère particulier de Joanie dans "Occupation Double Bali". Ce n'est pas dans "Terrace House" que vous risquez d'assister à une telle scène. Si ces deux émissions sont qualifiées de télé-réalité, la seconde (qui a repris avec la troisième saison de "Opening New Doors" le 31 juillet) n'a rien à voir avec ce que vous avez déjà pu voir auparavant.

Diffusée sur Netflix, "Terrace House" est une série japonaise qui a révolutionné la télé-réalité dans ce pays et qui compte de plus en plus d'adeptes dans le monde. Le concept est simple, six jeunes (trois garçons, trois filles), apprennent à se connaître et partagent une maison ensemble (ils font une colocation, en somme). Contrairement aux télé-réalités auxquelles nous sommes habitués, ici chacun peut aller et venir librement, travailler, étudier, sortir, partir en vacances et même quitter la maison définitivement s'il le souhaite. Dans ce dernier cas de figure, ils sont alors remplacés par un autre candidat. Ils ne sont pas non plus coupés de quoi que ce soit. Ils ont internet, le téléphone et peuvent eux-même suivre leur propre show... sur Netflix.

Autre particularité de "Terrace House", le panel de commentateurs. Au nombre de six eux aussi, ils commentent plusieurs fois par épisode ce à quoi nous venons d'assister. Réunis dans un salon, ils y vont chacun de leurs petites théories, rigolent ensemble, sont aussi surpris que nous... En fait, ils sont comme nous, mais dans l'émission. Ces interludes sont aussi savoureux à regarder que le show en lui-même. Ils viennent rythmer les épisodes de 30 minutes chacun.

Ces différences de format prouvent bien qu'il existe une réelle différence culturelle entre Japonais et Occidentaux. Qu'il s'agisse de leurs relations amicales ou amoureuses, de leur rapport à l'alimentation et à la propreté, ou encore de leurs ambitions professionnelles, tout, chez les participants de "Terrace House", donne cette impression de perfection et de contrôle de soi.

  • Des ambitions affichées

L'un des premiers aspects marquants de cette série est l'importance vouée par la plupart des candidats à leur carrière ou à leurs études. Ou tout simplement, à leurs ambitions. C'est l'un des sujets récurrents entre les participants autour de la table. "Et toi, quelle est ton ambition?", s'interrogent-ils. À chaque fois, la réponse relève d'une importance cruciale.

Dans les saisons à Tokyo et Hawaï, c'est même l'objet de deux discussions assez houleuses entre les colocataires. Dans les deux débats, l'un des candidats estime qu'un autre ne se donne pas les moyens de réussir. Des échanges dignes de ce qu'un parent pourrait dire à son enfant pour le gronder de ne pas faire ses devoirs sérieusement.

"Le travail est le principal vecteur de reconnaissance et de réussite sociale au Japon", explique auprès de Slate Fabien Vautrin, directeur artistique d'une maison d'édition de mangas. "Si vous ne participez pas à l'effort commun national en travaillant ou en élevant vos enfants, vous êtes vite considéré comme un parasite. La pression est à tous les échelons de la société", poursuit-il.

Ainsi, l'un rêve de devenir architecte et même d'entrer à Harvard. Dans la saison à Hawaï, un autre candidat participe à "Terrace House" avec pour objectif de construire un café de ses propres mains et de ne pas quitter l'émission tant que son projet n'est pas finalisé. Beaucoup jonglent entre études, travail et passions. Il n'est pas rare de les voir multiplier les emplois (dans la saison "Boys and girls in the city", à Tokyo, l'une des candidates est employée de bureau le jour, barista la nuit).

  • Le soin apporté à la cuisine

La perfection "Terrace House", c'est aussi l'incroyable minutie apportée à la cuisine et à la préparation des repas tout au long des différentes saisons de la série. Si bien qu'on se croirait parfois à s'y méprendre dans les cuisines d'un grand restaurant.

Comme le souligne L'Obs, les plats réalisés par les participants sont filmés version macro. Bento, ramen, sushis, curry japonais, nikujaga, omuraisu, petits-déjeuners divers et variés, chaque assiette est passée à la loupe. Si vous regardez cette télé-réalité en mangeant une pizza surgelée, vous risquez de culpabiliser d'avoir cédé à la facilité.

La présentation et le contenu des assiettes font l'objet d'une attention toute particulière. Ainsi, lorsque les participants organisent un rendez-vous amoureux, les pique-niques ou bento préparés sont réfléchis dans les moindres détails et sont un atout de séduction.

  • La propreté des lieux

Les lieux d'habitation des participants de "Terrace House" respirent hygiène et propreté. Rien ne dépasse. La vaisselle est toujours faite. On pourrait parfois croire que leur villa est un musée ou une devanture Ikea.

Rien à voir avec le laisser-aller des télé-réalités de chez nous.

N'avez-vous pas envie de prendre votre petit déjeuner à cette table? (Dans Terrace House: Aloha State)
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N'avez-vous pas envie de prendre votre petit déjeuner à cette table? (Dans Terrace House: Aloha State)

Jamais, dans leur maison, vous ne verrez les colocataires chaussures aux pieds. D'ailleurs, dans la saison qui se déroule à Tokyo, le jeune métis Arman, originaire d'Hawaï, débarque dans la maison avec ses chaussures. Ses nouveaux compagnons n'attendent pas une minute pour le lui faire remarquer. "Désolé, je viens d'Amérique", répond-il en allant immédiatement ranger ses chaussures à l'entrée.

Au Japon, il est en effet coutume de se déchausser lorsqu'on rentre chez soi, mais aussi dans les sanctuaires, les temples, certaines écoles et lieux publics.

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  • Une discipline relationnelle

Mais l'aspect le plus fascinant de la culture japonaise concerne les rapports amoureux, comme amicaux, entre les participants.

Dans cette télé-réalité, ne vous attendez pas à des effusions d'amour. Un petit baiser ou deux mains entrelacées seront le clou du spectacle. Et pour assister à une telle scène, il vous faudra attendre de nombreux épisodes. Dans la société nippone, "sortir avec quelqu'un", au sens romantique du terme, est un long processus. Cette série le montre bien: il faut plusieurs rendez-vous et une déclaration officielle des sentiments -le "kokuhaku", rappelle Slate-, avant que deux participants ne s'échangent qu'un simple baiser.

"Tomber amoureux, c'est tout un problème au Japon", selon Muriel Jolivet, professeure de sociologie donnant des cours à l'université Sophia de Tokyo, contactée par Slate. "Les jeunes se demandent comment s'y prendre, car faire la cour à une femme a un côté humiliant dans une société où la moitié des mariages étaient encore arrangés au début des années 1970. Quand on agit seul, il y a forcément un risque de se faire repousser. Certains pensent même que c'est embêtant, que ça demande trop d'énergie."

On assiste ainsi à des scènes assez surréalistes pour le public français. Des déclarations ressemblant à des demandes en mariage, par exemple. On y apprend aussi qu'au Japon, "se tenir la main est une grande étape" dans la relation amoureuse, comme le soulignent les membres du panel qui commentent les épisodes. Et entre colocataires, on s'interroge sur les détails d'un baiser: "Un french? Combien de temps?", "Pas aussi intense que ça", "T'as mis la langue?", "Mais non. Je ne l'ai pas fait", "Sur les lèvres? Un baiser gentil."

Dans le domaine amical aussi, la série offre des moments parfois intenses. Vous le verrez, régulièrement, une tierce personne décide de se mêler d'un "conflit" entre deux autres habitants. À partir du moment où celle-ci estime qu'un comportement est incorrect et irrespectueux, elle n'hésite pas à interpeller directement la personne concernée pour lui faire part de sa vision des choses, quitte à la sortir de son sommeil la nuit, car la discussion n'attend pas.

En règle générale, la résolution du conflit se termine par une réunion très solennelle entre tous les colocataires, autour de la table de la cuisine.

Tentés? Il ne vous reste qu'une chose à savoir avant de vous lancer dans les différentes saisons disponibles pour les abonnés de Netflix: apprenez-bien le mot "Konbanwa", car c'est ainsi que chaque épisode commence.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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