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Armes imprimées en 3D: il existe déjà un procédé (légal) effrayant aux États-Unis

Il y a d'autres façons de fabriquer une arme à feu à la maison.

Depuis mardi, les États-Unis se questionnent sur l'autorisation ou l'interdiction d'une technologie tout droit sortie de la science-fiction: l'impression en 3D d'armes à feu.

Des élus démocrates ont critiqué la décision de l'administration Trump d'autoriser la mise à disposition des schémas permettant de fabriquer de tels objets. Ces armes "ne portent pas le numéro de série d'un constructeur et peuvent être fabriquées avec des matériaux plastiques qu'il sera impossible de détecter aux contrôles de sécurité".

Cela fait froid dans le dos et permet d'imaginer un futur bien sombre. Mais pour l'instant, on est bien loin de pouvoir fabriquer dans son salon une arme à feu en appuyant sur un bouton. Encore moins une arme à feu performante. Surtout, il y a des moyens moins chers d'assembler un véritable fusil d'assaut chez soi, aux Etats-Unis.

Des armes en plastiques indétectables, chères et peu efficaces

Revenons d'abord sur ce que l'on peut vraiment fabriquer avec une imprimante 3D. Celles destinées au grand public fonctionnent un peu comme une imprimante normale, à deux nuances près. Du plastique remplace l'encre, et celui-ci est disposé en plusieurs couches, empilées les unes sur les autres, ce qui permet de créer une structure en 3D. Il suffit pour cela de télécharger un plan du fichier en 3D, puis de le transmettre à l'imprimante (ce qui n'est pas très difficile, mais demande un peu de connaissances techniques).

Au vu du fonctionnement, vous ne pouvez donc pas imprimer directement une arme toute faite, mais plutôt ses différents éléments. Justement, le plan qui devait être disponible aux États-Unis, mais a été bloqué in extremis, est celui d'une arme spécialement conçue pour être imprimée facilement en 3D, appelée Liberator. Voilà ce qu'il faut assembler une fois la fabrication des pièces réalisée.

Defense Distributed

Et on est loin d'un fusil d'assaut. L'arme ne permet de tirer qu'une seule balle, en tout et pour tout. De plus, même si son créateur, Cody Wilson, a montré le résultat dans des vidéos, la fiabilité du Liberator dépend de l'imprimante 3D. Les modèles de tests ont été réalisés sur une machine qui coûte tout de même la bagatelle de 10 000 dollars.

Certes, il existe maintenant des imprimantes 3D à quelques centaines de dollars. Mais avec une qualité bien moindre. En 2013, la police australienne a fabriqué plusieurs Liberators avec une imprimante à 1700 dollars, rappelle le Guardian. Résultat: le pistolet en plastique explosait littéralement à chaque tentative de faire feu.

Des armes en kit intraçables, cela existe déjà

Surtout, comme le rappelle le journaliste Kyle Mizokami, spécialisé sur les questions de défense et d'armement, il y a des moyens bien plus simples de se procurer une arme actuellement aux États-Unis. En acheter une, évidemment, mais il faut alors la faire enregistrer. On peut aussi imaginer qu'un malfaiteur ou un terroriste pourrait en voler une.

Ou bien, vous pouvez en assembler une. Et à l'inverse de l'impression 3D, tout cela est entièrement légal. Le journaliste précise que c'est même quelque chose de courant chez les fans d'armes à feu américains.

Et cela va même plus loin. Normalement, quand vous achetez une arme en kit, la culasse (la partie principale) a un numéro de série. Mais vous pouvez également acheter une "culasse à 80%". Traduction: la pièce en métal n'est pas finalisée. il suffit alors d'un peu de patience, d'une perceuse et de quelques outils pour transformer cela en une vraie arme à feu. Sans numéro de série, rappelle Quartz.

Le tout peut s'acheter légalement pour quelques centaines de dollars sur internet. Kyle Mizokami a même construit ainsi un fusil d'assaut automatique dans sa cuisine avec cette technique en 2015.

Encore plus fou: l'organisation qui veut démocratiser les armes imprimées en 3D, Defense Distributed, propose en parallèle des fraiseuses semi-professionnelles pour quelques centaines de dollars qui permettent de transformer une culasse 80% en arme à feu sans même avoir besoin de sortir votre perceuse. Le tout est parfaitement légal.

Le plastique, véritable enjeu

Mais alors pourquoi l'impression d'un pistolet en 3D est, elle, illégal? Car une loi vieille de plusieurs décennies interdit non pas de fabriquer une arme sans numéro de série, mais qui puisse passer un détecteur de métal incognito. De facto, une arme en plastique est donc interdite, qu'elle soit imprimée ou non.

Pour se conformer à la loi, l'inventeur du Liberator a placé un petit morceau de métal dans son pistolet en plastique. Mais rien n'oblige une personne qui a téléchargé le plan d'impression à faire de même. D'ailleurs, des journalistes israéliens ont justement pénétré dans le parlement et se sont approchés à quelques mètres de Benjamin Netanyahou avec une arme imprimée en 3D, mais sans canon ni balle (celle-ci étant d'ailleurs en métal).

Le risque principal de ces armes en plastique, appelées parfois "pistolets fantômes", c'est donc qu'elles puissent éviter les contrôles classiques, notamment dans les aéroports.

Et si pour l'instant, le Liberator est loin d'être performant ou facile à produire, il y a fort à parier que les prix des imprimantes 3D vont continuer de baisser, et la qualité des pièces fabriquées s'améliorer. Et à un moment ou à un autre, le problème de ces armes indétectables se posera.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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