QUÉBEC – La Cour supérieure a décidé de maintenir la suspension de l'article 10 de la Loi sur la neutralité religieuse, puisqu'il causerait un «tort irréparable» aux femmes musulmanes qui portent un voile intégral pour des motifs religieux.
Dans une décision rendue jeudi obtenue par le HuffPost Québec, le juge Marc-André Blanchard a conclu que l'article charnière de la loi, qui prévoit que les services gouvernementaux au Québec doivent être livrés et reçus à visage découvert, semble violer les Chartes des droits et libertés du Québec et du Canada.
Pour moi, c'est évident que cela cause un tort irréparable. Me Catherine McKenzie
Une suspension temporaire avait été accordée en décembre dernier par le juge Babak Barin parce que le gouvernement du Québec n'avait pas encore défini les lignes directrices des demandes d'accommodements religieux. La loi devait entrer en vigueur le 1 juillet.
La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a dévoilé quelques critères en mai dernier, tout en précisant que la décision finale se prendrait au cas par cas. Elle a aussi précisé que les personnes qui se sentiraient lésées devraient formuler une demande à chaque organisme public.
Des conséquences bien réelles
Me Catherine McKenzie, qui représente les parties plaignantes, s'est dite «entièrement satisfaite» de ce jugement. Elle avait déposé plusieurs affidavits qui démontraient l'impact que la loi aurait sur la vie des femmes portant le niqab.
L'article 10 aurait pu empêcher certaines femmes d'aller chercher leur enfant à la garderie, d'aller à l'école ou encore de prendre l'autobus, soutient l'avocate. Elle croit que le fait de présenter une demande d'accommodement à chaque organisme est un «préjudice additionnel» pour elles.
«Pour moi, c'est évident que cela cause un tort irréparable [aux niqabées] et je ne pense pas que le gouvernement l'a contesté de façon forte», ajoute Me McKenzie, qui représente le Conseil national des musulmans canadiens, l'Association canadienne des libertés civiles et Marie-Michelle Lacoste, une Québécoise convertie qui porte le niqab.
La ministre Vallée n'était pas disponible dans l'immédiat pour réagir.
Une étudiante de McGill soulagée
Fatima Ahmad, une étudiante de l'Université McGill qui porte le niqab, aurait eu besoin de se dévoiler chaque fois qu'elle aurait voulu prendre les transports en commun, puisqu'elle a une carte d'identité avec photo.
En entrevue, la jeune femme se dit soulagée d'apprendre qu'elle n'aura pas à présenter une demande d'accommodement pour tous les services publics dont elle va bénéficier.
Même si elle porte le niqab depuis seulement deux ans, il n'était pas question pour elle de renoncer à son voile. «Je n'ai jamais pensé à revenir au hijab. Je n'ai pas commencé à porter le niqab pour l'enlever. Ce n'était pas un choix pour moi», soutient l'étudiante.
Après l'adoption de la Loi sur la neutralité religieuse, en octobre 2017, l'Université McGill a fait suivre un courriel qui indique que la pièce législative n'aura «pas d'incidence» sur ses politiques et ses pratiques. Fatima Ahmad est l'une des seules – ou la seule – étudiante qui porte le niqab dans l'institution.