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Pourquoi il est très probable que nous soyons les seuls êtres intelligents de la galaxie

Ça peut sembler déprimant, mais c'est une bonne nouvelle, affirment les auteurs d'une nouvelle étude.
ESO

Il y aurait environ 100 milliards d'étoiles dans la galaxie et des centaines, voire milliers de milliards de galaxie dans l'univers. En tout cas, dans la partie visible de celui-ci.

Si, ne serait-ce qu'une partie de ces astres disposent d'une planète habitable, il serait donc extrêmement improbable que nous soyons les seuls êtres intelligents à portée de vue dans l'espace. Mais dans ce cas, "où sont-ils donc", ces extraterrestres? Cette question a été posée par le physicien Enrico Fermi, l'un des créateurs de la bombe atomique, dans les années 50.

Depuis, ce "paradoxe de Fermi" a fasciné nombre de scientifiques. Dans une étude publiée début juin, trois chercheurs y font une réponse en se basant avant tout sur les mathématiques, rapporte Universal Sci. "'Où sont-ils?' Selon toute probabilité, extrêmement loin de nous, et probablement derrière notre horizon cosmologique et inatteignable pour toujours".

D'après les calculs des chercheurs, il y a 52% de chances que nous soyons la seule espèce intelligente dans la galaxie. Quant à tout l'univers observable, la probabilité est de 38%. Cela peut sembler déprimant, mais c'est en réalité une bonne nouvelle, affirment les auteurs.

Une équation...

L'un des trois auteurs, le chercheur en neurosciences Anders Sandberg, a publié en 2017 une autre étude où il évoquait l'hypothèse d'une "hibernation" d'extraterrestres. Il précisait à l'époque ne pas être totalement convaincu par sa supposition. "La raison la plus probable qui explique que nous ne voyons pas d'extraterrestres, c'est simplement qu'ils n'existent pas ou sont très éloignés de nous", affirmait-il.

C'est justement ce qu'il entend prouver avec cette nouvelle étude. Pour cela, avec ses deux confrères, il s'est intéressé à une équation fameuse, inventée par l'astronome Frank Drake 10 ans après l'énoncé du paradoxe de Fermi. Le but de "l'équation de Drake" est d'estimer le nombre possible de civilisations extraterrestres présentes dans la galaxie.

Pour calculer cela, il faut prendre en compte un grand nombre de variables: le nombre d'étoiles créé dans l'univers chaque année. Combien d'entre-elles possèdent une planète. Parmi ces planètes, combien sont "habitables", donc propices à la vie telle que nous la connaissons. Sur combien de planètes habitables la vie est effectivement apparue, puis a évolué vers une forme intelligente capable d'envoyer un signal dans l'espace. Le tout pondéré par une dernière inconnue: la durée de vie moyenne d'une civilisation intelligente.

Wikimedia

Depuis son invention, elle a été énormément utilisée par des scientifiques pour essayer de déterminer combien de civilisations devraient normalement être présentes dans notre galaxie ou dans l'univers observable.

... Impossible à résoudre

Sauf qu'il y a beaucoup d'inconnues dans ces calculs. Et c'est justement la critique des auteurs de l'étude. Si l'équation de Drake est une astuce permettant de naviguer dans un océan d'ignorance (qui comprend tout de même l'univers et l'origine de la vie), la manière dont certaines hypothèses permettant d'expliquer le paradoxe de Fermi sont parfois "suspectes", estiment les trois chercheurs.

Car souvent, les scientifiques définissent, arbitrairement, une valeur pour chaque inconnue. Ou font une sorte de moyenne. Si, par exemple, les plus optimistes affirment qu'il y a 90% de chance qu'une planète gravite autour d'une étoile alors que les plus pessimistes estiment qu'elles ne sont que de 22%, alors on pourrait être tenté d'utiliser la moyenne, soit 56% de chance.

Une vue d'artiste imaginant une des exoplanètes rocheuses découvertes autour de l'étoile Trappist-1, située à 39 années-lumière de la Terre
ESO
Une vue d'artiste imaginant une des exoplanètes rocheuses découvertes autour de l'étoile Trappist-1, située à 39 années-lumière de la Terre

Une mauvaise façon de faire, selon les auteurs. Car si certains modèles permettent d'être très confiants, de nombreux autres sont très pessimistes. Dans cette étude, les trois chercheurs ont donc mis au point un algorithme qui tente de prendre en compte tous les scénarios possibles pour chaque paramètre.

En analysant les études classiques publiées sur le sujet sans rien changer à part cette méthode (plutôt qu'une moyenne), la probabilité que nous soyons seuls dans la galaxie est de 30%, alors qu'avec une simple moyenne, elle est infinitésimale, presque impossible.

La vie, une rareté

Les auteurs sont ensuite allés un peu plus loin, en analysant plus en détail les probabilités que la vie apparaisse sur une planète et qu'elle évolue vers une forme d'intelligence suffisante pour envoyer un signal radio dans l'espace.

En prenant en compte de nombreuses études en génétique et en planétologie, ils se sont aperçus que de nombreux modèles pourraient faire de l'apparition de la vie une chose très rare. Ils ont donc intégré ce niveau d'incertitude nouveau à l'équation de Drake, dans les paramètres correspondant.

Résultat: les chances que nous soyons la seule civilisation dans la galaxie sont de 52%. Et dans l'univers observable, de 38%. "Cela ne veut pas dire que nous sommes seuls, simplement que c'est scientifiquement très plausible et que cela ne devrait pas nous surprendre", notent les auteurs. Bref, que le paradoxe de Fermi n'est pas si paradoxal que cela.

Et même si nous avions des voisins, encore faudrait-il être capable de détecter un signal de leur part. Cela implique de nouvelles équations avec d'autres inconnues: distance par rapport à nous, âge de la civilisation, etc. En rajoutant ces paramètres, la probabilité que nous ayons l'impression d'être seuls dans la galaxie est située entre 53% et 99,6% (pour l'univers observable, entre 39% et 85%).

Dissoudre le paradoxe de Fermi, un optimisme

Faut-il donc arrêter de scruter les étoiles à la recherche d'un hypothétique signal extraterrestre, comme le fait le SETI, un organisme américain créé par Frank Drake il y a 50 ans? Au contraire, pour réduire cette gigantesque incertitude, il faut continuer à accumuler des faits scientifiques dans tous les domaines, de l'astrophysique à la biologie.

La Voie lactée au dessus des télescopes de l'Observatoire européen austral.
A. Duro/ESO
La Voie lactée au dessus des télescopes de l'Observatoire européen austral.

Le principal enseignement de tout cela, selon les auteurs, plutôt optimistes, est le suivant: le paramètre limitant, "se situe plutôt dans le passé que dans le futur". Or, l'une des réponses les plus classiques données au paradoxe de Fermi parle justement du futur.

Si nous n'avons toujours pas vu d'extraterrestres alors qu'il semblerait logique que la vie intelligente se soit développée ailleurs, c'est parce qu'ils n'ont pas vécu assez longtemps pour cela. Conclusion: il y aurait une sorte de "grand filtre", empêchant toute espèce intelligence de s'étendre dans l'espace et/ou de survivre avec une technologie suffisante pendant assez longtemps. Et nous serions en train de foncer en plein dans ce grand filtre, cette barrière invisible.

Pour les auteurs de l'étude, leurs travaux montrent que le paradoxe de Fermi "apporte seulement de faibles preuves pour deviner si nous courrons vers l'extinction ou si les communications ou le voyage interstellaires sont impossibles. Nos observations augmentent plutôt notre croyance que la vie est quelque chose de rare". Une réponse un peu déprimante, mais en même temps optimiste face aux grands dangers qui guettent l'humanité, à l'instar du réchauffement climatique. Un peu paradoxal.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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