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Mois des fiertés: où en est la communauté LGBT en Israël?

Si la majorité des Israéliens adoptent une position progressiste face à leurs concitoyens homosexuels, les actes homophobes et transophobes ne décroissent pas.
Marche des fiertés à Tel Aviv, 8 juin 2018.
Corinna Kern / Reuters
Marche des fiertés à Tel Aviv, 8 juin 2018.

Vendredi 8 juin, Tel Aviv vivait pour la vingtième fois de son histoire un événement devenu entre-temps une tradition. Touristes ou locaux, ce sont plus de 250 000 personnes, dans un pays de 8,5 millions d'habitants, qui ont pris d'assaut les rues de la ville pour célébrer la marche des fiertés dans « la ville blanche » parée pour l'occasion aux couleurs de l'arc-en-ciel.

Plus généralement, Israël célèbre comme ailleurs en ce moment le mois des fiertés avec des manifestations et événements variés dans les universités, les centres culturels, les institutions locales ou nationales du pays. À cette occasion, revenons rapidement sur la situation de la communauté LGBT dans l'Etat hébreu.

Dans un certain nombre de domaines, la situation en Israël est similaire à celle existant dans la majorité des pays occidentaux. La loi pénalisant l'homosexualité, issue du mandat britannique, a été invalidée par la Cour suprême israélienne dès 1963 et définitivement abrogée en 1988. Après la dépénalisation est venue l'égalité, partielle, des droits et les années 1990 et 2000 ont vu l'adoption de lois interdisant la discrimination sur la base de l'identité sexuelle dans le monde du travail et dans l'administration, ainsi que d'autres alourdissant les peines en cas de crime homophobe, tandis que la Cour suprême annulait progressivement les dispositions discriminatoires dans d'autres domaines.

Les sondages d'opinion montrent que la population israélienne est très majoritairement favorable à l'égalité des droits pour les couples de même sexe.

Parallèlement à ces avancées légales, la société israélienne a aussi petit à petit offert une place plus importante aux membres de la communauté LGBT. Aujourd'hui, des personnalités ouvertement gaies sont actives dans les médias israéliens, dans le monde de la culture (Dès 1998, Israël gagnait l'Eurovision en étant représentée par Dana International, une transsexuelle dont la carrière continue aujourd'hui) , mais aussi au sein du monde politique, ou même à l'armée, qui interdit la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et dont l'état-major compte un membre ouvertement gai.

Les sondages d'opinion montrent également que la population israélienne est très majoritairement favorable à l'égalité des droits pour les couples de même sexe, notamment en ce qui concerne le mariage et l'adoption. Dans les faits, comme les mariages en Israël sont sous la responsabilité des religieux (rabbins, imams, prêtres), le chemin semble encore long avant que ces derniers acceptent de marier des couples homosexuels. En attendant, l'Etat israélien reconnaît les mariages contractés à l'étrangers, solution intermédiaire qui ne satisfait qu'à moitié la communauté LGBT locale.

Sur d'autres points, l'Etat hébreu est même en avance par rapport au reste du monde. Ainsi, depuis avril 2018, les homosexuels et bisexuels peuvent donner leur sang sans précondition, grâce à un procédé de vérification innovant. De même, l'armée israélienne non seulement accueille les transsexuels en son sein sans discrimination, mais elle prend aussi en charge les traitements médicaux dont ses soldats transsexuels pourraient avoir besoin.

Israël aime se présenter comme une exception dans le Moyen-Orient, comme une sorte d'enclave européenne en Asie. Force est de constater que, sur la question des droits de la communauté LGBT, l'attitude de l'Etat hébreu est résolument plus proche de celle de la majorité des pays européens que de celle des pays qui l'entourent. Associée à au dynamisme de Tel Aviv, cette ouverture a permis de faire de la vie blanche un centre de vie gaie de premier plan. Mais, malgré cela, la situation est loin d'être parfaite et les images venant de Tel Aviv cachent mal une situation nationale plus contrastée.

A l'occasion du mois des fiertés, un journal israélien titrait, parlant de la situation des citoyens israéliens LGBT « Deux pas en avant, un pas en arrière ». Et cela correspond bien à un sentiment de frustration partagé dans la communauté.

Si la majorité des Israéliens adoptent une position progressiste face à leurs concitoyens homosexuels, les actes homophobes et transophobes ne décroissent pas. La communauté LGBT israélienne n'oublie pas non plus les deux attentats qui l'ont frappée durant la dernière décennie, un visant le foyer gay de Tel Aviv en 2009 et où deux personnes ont perdu la vie, et l'autre frappant la marche des fiertés à Jérusalem en 2015, résultant en la mort d'une participante de seize ans.

Le gouvernement actuel, qui repose sur une coalition alliant des partis de droite laïques et des partis religieux et ultra-orthodoxes, n'est pas un grand soutien de la communauté gaie en Israël.

Ces incidents ne découragent pas les associations LGBT israéliennes, très actives et bien structurées, qui continuent de multiplier leurs efforts pour organiser des événements dans un nombre croissant de villes du pays et pour sensibiliser sur leurs droits. Mais ils montrent qu'il existe encore un sentiment d'opposition parmi des pans de la société, certes minoritaires mais actifs, sans même parler des communautés ultra-orthodoxe ou arabe du pays, où le sujet reste tabou.

Or, que ce soit en ce qui concerne la luttfe contre l'homophobie ou en ce qui concerne l'avancée vers l'égalité des droits, les associations LGBT israéliennes trouvent que les dirigeants du pays n'agissent pas assez. Et de fait, le gouvernement actuel, qui repose sur une coalition alliant des partis de droite laïques et des partis religieux et ultra-orthodoxes, n'est pas un grand soutien de la communauté gaie en Israël.

Certes, après avoir longuement louvoyé, un ministre a récemment annoncé vouloir faciliter l'adoption pour les couples de même sexe. Mais, la coalition au pouvoir, qui compte en son sein des députés ouvertement homophobes, a toujours refusé de voter les projets de lois venant de l'opposition pour améliorer les conditions de vie de la communauté LGBT.

Marche des fiertés à Tel Aviv, 8 juin 2018.
Corinna Kern / Reuters
Marche des fiertés à Tel Aviv, 8 juin 2018.

Dans ce contexte, les représentants de cette communauté n'hésitent pas à critiquer violemment le gouvernement, qu'ils accusent notamment d'avoir un double discours, vantant leur situation dans le reste du monde pour améliorer l'image du pays, mais ne faisant pas assez en interne.

Il y a deux ans, les associations LGBT ont ainsi obtenu que des fonds prévus pour venter la marche des fiertés à l'étranger soient réaffectés pour soutenir les organisations gaies locales, en menaçant de ne rien organiser l'année suivante, ce qui aurait représenté un manque à gagner immense pour le pays et pour son image.

Si l'incident est apparu aux yeux de certains comme la preuve de l'hypocrisie du gouvernement, investissant plus pour l'image de la communauté LGBT à l'extérieur du pays que pour ses conditions de vie concrètes, son dénouement est venu illustrer l'efficacité des représentants de cette communauté et leur capacité à faire entendre leur voix dans la société israélienne.

Aux luttes nationales est venu dernièrement s'ajouter un nouveau défi pour les LGBT israéliens. Ces dernières années, les mouvements gais dans le monde, qui sont généralement orientés à gauche, voire très à gauche, ont pris des positions de plus en plus critiques vis-à-vis d'Israël, au point qu'il devient souvent difficile d'affirmer des sentiments pro-israéliens lors d'événements LGBT en dehors d'Israël.

Alors que leur combat en Israël est un succès incomplet mais indéniable, les homosexuels israéliens doivent donc en mener un nouveau dans le reste du monde. De plus en plus acceptés comme gais par les Israéliens, ils doivent à présent aussi se battre pour être acceptés comme Israéliens par la communauté LGBT.

En conclusion, il ne fait aucun doute que, par rapport à 1998, date de la première marche des fiertés à Tel Aviv, les Israéliens LGBT ont connu une amélioration sensible de leur situation. Après tout, un rythme « deux pas en avant et un pas en arrière » permet quand même d'avancer.

Mais alors que le nombre de pays assurant une égalité complète à leurs citoyens gais augmente constamment, la communauté LGBT israélienne commence à s'impatienter face aux atermoiements des pouvoirs publics sur place. De plus, cas unique au monde, la communauté LGBT israélienne se retrouve en porte à faux par rapport aux communautés étrangères en raison de son identité nationale.

Malgré leur plutôt bonne situation actuelle, les organisations LGBT en Israël ont donc encore de nombreux défis devant elles. Mais ces vingt dernières années ont aussi permis l'émergence d'une génération d'activistes engagés et qui ont bien l'intention de faire valoir leurs droits, que ce soit en Israël ou dans le reste du monde.

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