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Un G7 sans Trump? Des experts disent que sa présence est souhaitable malgré la guerre des tarifs

La vision du monde du président américain est incompatible avec celle des autres pays membres.
Le premier ministre canadien Justin Trudeau, la chancelière allemande Angela Merkel et le président américain Donald Trump lors du G7 de 2017 en Italie.
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Le premier ministre canadien Justin Trudeau, la chancelière allemande Angela Merkel et le président américain Donald Trump lors du G7 de 2017 en Italie.

OTTAWA — Le président américain Donald Trump a peut-être une vision du monde incompatible avec celle de ses homologues étrangers, mais sa présence est tout de même souhaitable au G7, ont affirmé les délégués de la plupart des pays membres interrogés par le HuffPost Canada.

Samedi dernier, le ministre français des Finances Bruno Le Maire s'est dit extrêmement déçu qu'une clause de sécurité nationale ait été utilisée pour justifier l'imposition de tarifs sur l'acier et l'aluminium au Canada et à l'Union européenne, qui sont les alliés politiques et militaires les plus stables des États-Unis.

«[Le climat] a été tendu et difficile», a affirmé Le Maire à la sortie d'une réunion tenue à Whistler en présence des autres ministres des Finances du G7. «Cette réunion a plutôt été un G6 plus un. Nous regrettons que le travail accompli à ce niveau soit menacé par les décisions de l'administration américaine sur le commerce et les tarifs.»

«Si les États-Unis veulent renouer le dialogue avec leurs alliés historiques, c'est à eux de faire le premier pas et de montrer leur volonté de coopérer par des signes clairs de désescalade», a-t-il écrit sur Twitter mardi.

À titre de pays hôte, le Canada a refusé d'imposer quelque condition que ce soit à la participation des États-Unis. Donald Trump est bel et bien attendu dans Charlevoix vendredi et samedi, a confirmé un haut fonctionnaire.

Les déclarations à l'effet qu'un G6 serait plus productif sans le président américain envoient un mauvais message, affirme pour sa part Cameron Ahmad, porte-parole du premier ministre Trudeau. «Nous sommes déterminés à tenir un G7 aussi productif que possible.»

Les sujets qui seront abordés lors de ce sommet – tels que la croissance économique et l'avenir du travail, l'égalité des genres, les changements climatiques, la protection des océans ainsi que la paix et la sécurité – ont été choisis en fonction de leur capacité à faire l'objet d'un consensus. Or, le contexte actuel de guerre commerciale risque de dominer les échanges.

«Il y aura forcément des points de désaccord, car il y en a toujours, mais nous prévoyons les aborder franchement et en profondeur», conclut Ahmad.

Un sommet plus productif sans Trump

Si Trudeau ne peut se permettre de désinviter Trump, son absence serait plus productive, estime pour sa part Fen Hampson, professeur émérite à l'Université Carleton.

«ll n'est pas possible de désinviter quelqu'un. Mais ce sommet donnerait de meilleurs résultats si Trump décidait de ne pas y assister. À cet effet, il pourrait utiliser comme prétexte la préparation de sa rencontre avec le leader nord-coréen. Cela permettrait aux pays les plus durement touchés par sa guerre commerciale d'entreprendre des discussions stratégiques et d'établir un front commun.»

En revanche, le vice-président de l'Institut canadien des affaires mondiales croit qu'il est important que les États-Unis prennent part au G7 afin que ce forum ne ressemble pas à un «comité des plaintes». Même si la rencontre des dirigeants de vendredi et samedi tourne au désastre, Colin Robertson estime que «la présence des États-Unis est importante dans la mesure où ce pays participe à toutes les réunions préparatoires, ce qui assure une continuité pour l'avenir».

Les principales démocraties libérales de la planète ont exclu la Russie de leur club d'élite en 2014, redonnant ainsi au G8 le nom de Groupe des sept. Ce forum de pays industrialisés rassemble le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie et le Japon depuis plus de 40 ans. Des représentants de l'Union européenne y sont également invités.

Toutefois, exclure les États-Unis serait un coup d'éclat aux conséquences potentiellement nuisibles. «Ils devraient maintenir le G7 sous sa forme actuelle et garder espoir jusqu'à ce qu'un président adopte un point de vue différent», affirme Robertson.

«On peut essayer d'enchaîner Gulliver, mais si ce Gulliver ne se laisse pas enchaîner, il est tout de même important de l'attirer dans la pièce.»

Merkel s'attend à des controverses

Les déclarations finales des sommets du G7 sont le plus souvent consensuelles, or les États-Unis ont été mis à l'écart de sommets similaires ces derniers temps. Lors de la Réunion du Conseil de l'OCDE au niveau des Ministres, tenue les 30 et 31 mai, le président de l'assemblée a souligné que tous les membres reconnaissent l'importance du multilatéralisme comme facteur de paix et de prospérité, à l'exception d'un membre qu'il s'est abstenu de nommer, soit les États-Unis.

Mercredi, Angela Merkel a dit s'attendre à des « controverses » lors du G7, souhaitant du même coup que les membres ne diluent pas la portée de leurs engagements dans le seul espoir de rallier Donald Trump. «Il ne peut y avoir un compromis juste pour le compromis», a-t-elle prévenu. Selon la chancelière allemande, une déclaration finale faite par le Canada à titre de pays hôte serait plus honnête qu'une déclaration commune.

À Ottawa, la première secrétaire de l'ambassade d'Allemagne Eva Ricarda-Willems a souligné l'engagement de son pays envers le multilatéralisme. Par voie de communiqué, la République fédérale a indiqué jeudi dernier qu'elle considère les tarifs américains sur l'acier et l'aluminium comme une «violation des règles du commerce international [...] qui risque de mener à une spirale descendante nuisible à toutes les parties».

Du côté de l'ambassade de France, le conseiller aux communications Éric Navel a également souligné l'engagement de son gouvernement envers le multilatéralisme. Le président Emmanuel Macron était justement à Ottawa ce mercredi pour une rencontre bilatérale préparatoire avec Justin Trudeau, quelques semaines après une offensive de charme peu fructueuse auprès de Donald Trump. Macron n'a pas réussi à empêcher les États-Unis de quitter l'accord sur le nucléaire iranien, tandis que Trudeau attend patiemment que Trump finalise la renégociation de l'ALÉNA.

«Personne ne veut vraiment expulser les Américains»

Un diplomate souhaitant garder l'anonymat a affirmé au HuffPost que plusieurs autres sujets devront être abordés avec les États-Unis. Outre le commerce international, il est probable que la Corée du Nord soit à l'ordre du jour. «Nous sommes parfois en désaccord sur certains sujets, mais il est important que les États membres du G7 maintiennent le dialogue au sujet de valeurs fondamentales comme les droits humains et la démocratie.»

Selon un autre diplomate souhaitant garder l'anonymat, le G7 est une alliance à long terme de pays «capables d'aborder leurs différends politiques avec franchise et maturité».

À l'ambassade d'Italie, le premier secrétaire Francesco Corsaro a lui aussi réitéré l'appui de son gouvernement envers le Groupe des sept : «Nous voulons que le G7 reste le G7».

«Personne ne veut vraiment expulser les Américains», en conclut le professeur Hampson. «Les États-Unis restent la plus importante économie mondiale et le chef de file des grandes alliances occidentales. Mais quand ce pays se comporte de manière inappropriée, prendre une pause n'est pas une si mauvaise idée.»

Ce texte initialement publié sur le HuffPost États-Unis a été traduit de l'anglais par Pierre-Etienne Paradis pour le HuffPost Québec.

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