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Le théâtre québécois a du rattrapage à faire en termes de diversité

La porte s'ouvre aux acteurs de la diversité. Mais tranquillement.
Getty Images/iStockphoto

«Je suis Québécois, et mes parents sont originaires d'Haïti. Comme comédien, je me suis toujours dit: je ne serai pas confiné à des rôles de chef de gang de rue, ou de chauffeur de taxi.»

Invité parmi 24 autres acteurs de communautés culturelles du Québec, ou venus de l'étranger, Jean-Jacques Simon attend son tour de jouer, lors d'un atelier en mai au Théâtre du Nouveau Monde. C'est la première fois que le TNM organise l'événement, en coopération avec l'Union des artistes et l'organisme Diversité Artistique Montréal.

Objectif: leur faire rencontrer une dizaine de metteurs en scène, parmi les plus réputés au Québec, que ce soit Olivier Kemeid, Yves Desgagnés, ou Alice Ronfard.

Jean-Jacques Simon
Monique Laberge
Jean-Jacques Simon

«Le Québec a du retard, convient Lorraine Pintal, directrice du TNM. Surtout si on pense à des metteurs en scène comme Peter Brook, qui dans son travail en France donnait une grande place aux gens issus des minorités visibles, il y a presque 50 ans déjà! Ici, nous sommes habitués à choisir la relève dans une filière bien définie, soit les finissants des écoles de théâtre. Or, les gens de la diversité y sont encore sous-représentés.»

Et pourtant, ils sont nombreux à tenter leur chance, et ce, avec un riche bagage d'expériences. Gilbert Laumord a étudié quatre ans au Danemark, à l'école nationale de théâtre. De retour en Guadeloupe, il s'est plongé dans les légendes, les contes, la tradition orale de son pays. Il rêve de revenir en scène, et complète un doctorat à l'UQAM.

Luiza Cocora vient de Roumanie. «J'avais une carrière comme comédienne dans mon pays, raconte-t-elle. J'ai gagné plusieurs prix, mais des changements de vie m'ont amenée à Montréal. Ici, j'ai fait un bac en production cinéma, réalisé deux courts métrages, histoire de me réinventer, mais j'aimerais tellement faire les deux, théâtre et cinéma!»

«Étrangement, poursuit Nelly Zarfi, une comédienne née en France, ça semble plus facile au Québec de percer dans le milieu anglophone. Je me prépare d'ailleurs à jouer For Colored Girls, une pièce qui donne voix à dix femmes de couleur, aux États-Unis.»

Nelly Zarfi
MONIQUE LABERGE
Nelly Zarfi

Pour une diversité de rôles

L'atelier commence doucement, par du travail corporel, des mouvements dans l'espace orchestrés par la chorégraphe Jocelyne Montpetit, qui s'inspire du théâtre japonais. En après-midi, on leur demande de préparer de courtes scènes, tirées de tragédies grecques. Deux par deux, ils interpréteront Médée, Antigone, Créon, Lysistrata.

Ce n'est pas une audition formelle. N'empêche, le trac est bien présent. «C'est une grande chance d'être au TNM, mais en même temps, je n'ai jamais joué de tragédie grecque classique, alors j'étais très stressée, confie Alice Tran, québécoise d'origine vietnamienne. Une amie m'a dit: "Fonce, ils ont envie de savoir qui qui tu es comme artiste"».

«Je vais jouer Médée, s'emballe Luiza Cocora. En relisant la scène, je me suis dit: "tiens, elle aussi venait d'ailleurs, elle n'était pas grecque." Dans Shakespeare aussi il y a plein de ces personnages, des rôles que nous pouvons interpréter.»

Jean-Jacques Simon constate que les temps changent. À la télévision, on lui confie des rôles de jeune professionnel, avocat, cadre. «On dirait que c'est plus lent au théâtre. Mon rêve, c'est qu'on arrive à du color blind casting. Ce n'est pas parce que je suis Noir ou métissé que je ne peux pas jouer Hamlet, ou un personnage d'une pièce de Tremblay.»

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