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Marie-Ève Munger incarnera la Juliette de Shakespeare à l’Opéra de Montréal

Entretien avec la soprano québécoise qui revient à la maison pour quelques représentations.
Courtoisie

Menant une carrière faste partout en Europe et aux États-Unis depuis plus d'une décennie, la soprano originaire de Saguenay, Marie-Ève Munger, foulera la scène de l'Opéra de Montréal pour la toute première fois de sa carrière en tenant le premier rôle féminin de Roméo et Juliette, du 19 au 26 mai.

Est-ce que chanter à Montréal a une signification particulière?

C'est très spécial pour moi de revenir à la maison. J'ai grandi ici comme artiste, en étudiant à Montréal. Puisque j'ai débuté ma carrière en France, avant de poursuivre dans le reste de l'Europe et aux États-Unis, je trouve ça génial de revenir ici pour chanter devant mes parents et mes amis. Il y a même deux autobus pleins qui descendent du Saguenay pour venir me voir!

Quel est le défi principal de Juliette en version opératique?

Celui de jouer une jeune fille de 16 ans, fraîche et naïve, qui grandit très vite et qui doit faire des choix déchirants. Aussi, musicalement et vocalement, c'est un marathon. Ça demande pratiquement deux chanteuses en une : dans le premier acte, je dois chanter plus légèrement et dans la virtuosité, alors que c'est plus dramatique et lyrique vers la fin. On suit le voyage émotionnel du personnage. Tous les obstacles qu'elle traverse se traduisent par une maturité vocale grandissante. C'est très difficile à chanter. Et comme il n'y a qu'un seul tableau durant lequel je suis absente, en cinq actes, ça demande beaucoup d'endurance.

À 37 ans, comment faites-vous pour rendre crédible un personnage de 16 ans?

Je travaille physiquement pour amener la fraîcheur d'une jeune fille. C'est un travail de comédien du début à la fin. Cela dit, à l'opéra, aucune chanteuse de 16 ans ne pourrait chanter ce genre d'œuvre. Ça prend une maturité vocale importante, sinon, on se blesse. Par ailleurs, l'opéra n'est pas un art réaliste comme le théâtre l'est souvent : personne dans sa vie ne chante de longues phrases sur de grands airs. C'est un code que le public doit accepter.

Aurons-nous droit à un cadre traditionnel ou à une adaptation?

L'Opéra de Montréal a choisi de raconter cette histoire le plus fidèlement et le plus intensément possible. On n'essaie pas de réinventer la roue, mais de rendre l'histoire la plus vraie possible. On est à l'époque de Shakespeare, au 16e siècle, avec de grandes colonnes, un superbe balcon, un très beau décor, des batailles d'épées, des collants pour les hommes et de grandes robes pour les femmes. Les corsets sont un peu adaptés pour nous permettre de respirer, mais je trouve ça agréable d'avoir une résistance sur la cage thoracique en chantant.

Retournons en arrière un peu. Comment le chant est entré dans votre vie?

Le chant populaire est apparu très vite : dès l'âge de cinq ans, je faisais partie du chœur de ma mère. Et à huit ans, je participais à tous les concours de chant qui existaient, pour le plaisir. Au milieu de l'adolescence, je travaillais déjà comme chanteuse pop pour les grands spectacles estivaux au Saguenay-Lac-Saint-Jean, comme QuébecIssime et Ecce Mundo. Et tous les week-ends, je chantais de la grosse pop dans les mariages pour faire danser les gens.

Pourquoi avez-vous étudié le chant classique?

À l'époque, au cégep d'Alma, c'était la seule option offerte. Depuis toujours, je chantais par instinct. Mais je me suis laissée prendre au jeu complètement. Un de mes profs de chant m'a fait découvrir un monde inattendu! En deuxième année, on a monté l'opéra de Puccini Suor Angelica et j'ai compris la force viscérale de l'opéra. J'ai eu un moment d'épiphanie et compris que je voulais faire ça de ma vie! L'opéra est une performance humaine super intense, tellement riche et complexe.

Courtoisie

Avez-vous déjà pensé faire du chant lyrique et du chant populaire?

À une époque, je le faisais. Le matin, à l'université, je chantais du Mozart et du Schubert, et le soir, je participais à des revues musicales au Casino de Montréal pour gagner ma vie. Mais à la fin de mon bacc, j'ai frappé un mur! Vocalement, je n'avançais plus. Il fallait vraiment que je fasse un choix. J'avais encore des contrats en musique pop, mais quand j'ai reçu une bourse pour faire ma maîtrise en chant lyrique, j'ai décidé de tenter ma chance pour vrai en classique. L'opéra, c'est tellement riche que tu ne finis jamais d'apprendre et de travailler. Tu peux jouer le même rôle 20 fois de façons différentes. On est toujours en recherche.

Après vos études à l'Université McGill, quel a été votre premier rôle majeur?

J'ai fait plusieurs premiers rôles dans des plus petites maisons et des plus petits rôles dans de grandes maisons. Durant mes études, je rêvais un jour de chanter le dernier air d'Ophélie dans l'opéra Hamlet d'Ambroise Thomas. Et, il est arrivé très tôt dans ma vie. Après une première audition désastreuse à l'Opéra de Paris, j'ai gagné le premier prix d'un concours. Après ça, j'ai fait plusieurs auditions, dont une pour chanter le fameux air d'Ophélie. C'est le premier rôle qu'on m'a offert! J'étais un peu sur le cul. Ça m'a permis de faire mon entrée dans les maisons régionales en France.

Comment vous adaptez-vous à cette vie de valises dans plusieurs villes d'Europe et d'Amérique du Nord?

J'adore découvrir de nouveaux endroits, mais pas en tant que touriste. Peu importe où j'arrive, j'ai l'impression de me faufiler parmi les gens pour découvrir leur ville. Par contre, je déteste vivre dans une valise plus que tout. Quand il faut mettre dans une valise tout ce qui sera nécessaire pour le nord des États-Unis et le sud de la France, sans dépasser les limites de poids, parce qu'on ne rentre pas à la maison entre deux contrats, c'est vraiment compliqué. Mais une fois ma valise défaite, je m'adapte très rapidement.

Pendant des années, vous retourniez au Saguenay pour participer aux productions de la Société d'art lyrique du Royaume. Pourquoi était-ce important pour vous?

C'est là que j'ai commencé. J'étais encore à l'université quand j'ai tenu mes premiers rôles avec eux. Et quand j'avais 25 ans, le directeur artistique a démissionné, et ils m'ont demandé de l'aide pour monter un show. J'ai finalement occupé ces fonctions pendant trois ans. J'ai vraiment compris à quel point le travail des directeurs de théâtre et de compagnies d'opéra est difficile. C'était une super expérience. Je me verrais bien diriger une compagnie un jour, mais je ne suis pas là encore.

Quels sont les contrats majeurs qui vous attendent après Montréal?

Le lendemain de ma dernière représentation ici, je débute des répétitions pour l'Opéra comique de Paris, où je serai durant deux mois. Ensuite, je serai à l'Opéra lyrique de Chicago, l'une des grandes maisons d'opéra américaines. Je suis super excitée d'y chanter!

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