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Semaine nationale de la santé mentale: une ex-policière se vide le coeur

Après une carrière de 20 ans dans la Gendarmerie royale du Canada, Josée Querry raconte sa descente aux enfers.
Josée Querry discute du trouble de stress post-traumatique sur son blogue Histoire d'une fille et le TSPT.
Facebook/Histoire d'une fille et le TSPT
Josée Querry discute du trouble de stress post-traumatique sur son blogue Histoire d'une fille et le TSPT.

Josée Querry croyait être invincible. Mais les images de désespoir d'une mère pendue trouvée dans un garde-robe par ses huit enfants, celles d'un homme criblé de balles avec le visage dans une mare de sang, ou encore celles d'une adolescente de 14 ans terrifiée après avoir été violée derrière un centre commercial sont soudainement remontées à la surface pour venir hanter son quotidien et ce, plus de 20 ans après ces troublants événements.

«Ma première affectation, alors que je n'avais que 30 secondes d'expérience dans la police, a été la macabre découverte d'un homme avec une balle dans la tête avec comme principale hypothèse le meurtre», se souvient-elle dans les moindres détails, signe qu'elle venait certes d'être ébranlée.

Impossible également d'oublier toute la violence qui sévissait alors dans la réserve micmaque d'Elsipogtog au Nouveau-Brunswick.

«Les Autochtones étaient souvent en colère contre la police. Les policiers étaient constamment attaqués par les Autochtones qui lançaient des cailloux, incendiaient les véhicules de patrouille et frappaient à coup de bâtons les policiers», ajoute celle pour qui cette réserve de 3000 habitants, située dans sa région natale, était sa première destination après sa formation dans la GRC. Elle n'était âgée que de 23 ans.

«Je revois aussi les terrifiantes images d'un Autochtone qui ouvre le feu sur le poste de police avec une arme semi-automatique.»

La matricule 46133 a elle-même été prise en otage par un imposant et dangereux cambrioleur de banque. «L'homme de 6'2'' a tenté de me désarmer avant de m'empoigner par l'arrière en serrant ses bras autour de ma gorge pour m'étrangler. Je me sentais partir, mais heureusement un citoyen est venu à ma défense en frappant l'homme et ensemble nous sommes parvenus à le maîtriser», explique-t-elle sans broncher ni même remuer les sourcils.

Ou encore la fois où elle a reçu à la tête une bouteille de bière lancée du deuxième étage d'un immeuble. «Je saignais abondamment. Je croyais que je venais de me faire tirer.»

La prochaine intervention sera une intervention de trop. Un premier pas vers le précipice, même si à l'époque elle se disait bien «trop forte» pour démontrer une faiblesse, pas même un soupçon de crainte.

«Une femme qui venait d'être sauvagement battue avec les poumons perforés, la clavicule cassée et le visage complètement défiguré refusait de porter plainte pour violence conjugale. J'ai finalement obtenu une déclaration assermentée d'elle, mais son mari a promis de me tuer un jour. Et je sais qu'il est capable de m'assassiner à mains nues», de dire Mme Querry la voix tremblotante, pour la première fois, dans cette entrevue accordée au HuffPost Québec.

Je ne l'ai jamais dit, mais je dormais avec mon arme dégainée.

Ce qui devait au départ être une intervention somme toute ordinaire, surtout pour une policière, aura été le début de la fin d'une femme d'ambition qui vient de toucher le fond du baril.

«Je ne l'ai jamais dit, mais je dormais avec mon arme dégainée. Il avait un lourd et violent passé judiciaire, cet homme que j'ai surnommé Joseph. J'avais peur.»

Ses crises de panique ne cesseront d'augmenter, devenant de plus en plus inquiétantes. «Je me réveillais en sueur en pleurant, car je rêvais que j'arrivais face-à-face avec Joseph et que mon arme ne fonctionnait pas», raconte-t-elle les yeux mouillés.

La GRC déroule le tapis rouge

Malgré ces terribles cauchemars et une peur constante vécue durant toutes ces années à patrouiller la réserve micmaque, la femme de carrière n'a jamais cru bon de demander de l'aide pour exorciser ses démons.

Au contraire, elle demande un transfert au Québec pour relever de nouveaux défis... et travailler plus fort.

Elle devient enquêteure et ensuite chef d'équipe dans une enquête internationale contre le terrorisme, en partenariat avec le FBI. «C'était la plus grosse enquête de ma vie. Je faisais notamment de l'infiltration et de l'écoute électronique.»

«Là je travaillais. Je ne dormais que deux à trois heures par nuit et retournais au boulot sans relâche.»

En 2013, le deuxième signe d'une femme épuisée qui se dirige vers un trou noir.

«Je me voyais un jour devenir la big boss de la GRC.»

Au lieu de ralentir la cadence, Josée Querry vit à un rythme effréné, ajoutant à ses journées déjà bien remplies une maîtrise en administration, un élément important pour espérer un jour gouverner le plus prestigieux corps policier au pays.

TSPT: une maladie destructrice

C'est en 2015 que la femme passionnée par son métier frappera le mur pour mettre un premier genou au sol, sans toutefois s'agenouiller complètement.

«Je vomissais constamment, relate-t-elle. Mon visage paralysait sur un côté, mais je ne pouvais m'arrêter car j'avais du monde à gérer au bureau.»

Refusant d'admettre qu'elle était sur le point de s'écrouler au sol, la «super woman» prendra deux jours de congé qui se transformeront en une retraite médicale après un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT).

«Je n'ai plus jamais remis les pieds à la GRC, pas même pour aller chercher mes affaires personnelles.»

Aujourd'hui âgée de 45 ans, elle accepte difficilement d'être tombée au combat.

«Dans la police, on nous apprend bien des choses, mais pas de côtoyer la mort d'aussi près et d'aussi souvent», fait-elle valoir.

Je me disais que si j'avais les deux jambes cassées, j'aurais une vraie raison de m'absenter du bureau. Pas la maladie mentale.

Découragée et se sentant démunie, elle a volontairement voulu faire un accident en voiture en se dirigeant vers des pylônes sur l'autoroute. «Je me disais que si j'avais les deux jambes cassées, j'aurais une vraie raison de m'absenter du bureau. Pas la maladie mentale. Pas la maladie imaginaire. Pas la maladie remplie de préjugés. Pas la maladie de la honte. Pas la maladie encore taboue, même auprès des premiers répondants», lance celle qui dit ne pas avoir mis à exécution son plan suicidaire pour l'amour de ses deux filles, sa raison de vivre. «Je ne voulais pas me tuer et faire de la peine à mes magnifiques enfants, mon exceptionnel mari qui me comprend et mes formidables parents qui sont là pour moi depuis le début.»

Conférencière, auteure et blogueuse

Le 1er février, date officielle de sa retraite, Josée Querry a dû mettre une croix sur sa carrière qui dictait son bonheur. «Je dois maintenant me trouver une autre passion. Moi qui s'identifiais à mon stimulant métier de policière.»

Depuis quelques mois, elle occupe ses journées avec un blogue s'adressant aux gens souffrant de TSPT.

Je veux livrer un message d'espoir à l'effet que la vie doit continuer. Je recommence à sourire alors qu'avant tout était négatif.

Soutenue par un psychiatre, un psychologue et une forte médication, la résidente de Montréal souhaite aider. «Je souhaite écrire un livre pour dire aux gens de pas hésiter à demander de l'aide. Si j'avais su, j'aurais levé la main pour recevoir de l'aide bien avant et aujourd'hui je serais à mon bureau à relever des défis dans un métier que j'aimais d'amour», livre-t-elle la gorge nouée par l'émotion.

Cette mère de famille aimerait beaucoup s'adresser directement aux jeunes policiers en formation à Nicolet «pour leur dire que ce n'est pas gênant d'admettre que même un policier qui fait son tough peut avoir besoin d'aide pour traverser une dure épreuve. Nous sommes tous des humains.»

À la GRC, on assure prendre au sérieux chaque cas avec un programme spécialement conçu pour les gendarmes aux prises avec un problème de santé mentale.

«Nous avons des services qui comprennent les services d'aide aux employés, un système de soutien par les pairs, des évaluations de santé, des services de psychologie, des débreffages en cas de stress dû à un incident critique, une formation en santé mentale, une gestion de l'incapacité et des soins de santé complémentaires», mentionne Tania Vaughan, porte-parole de la GRC.

Notons que Josée Querry sera en conférence à la Légion royale canadienne de Saint-Jean-sur-Richelieu, le 9 mai, pour la 67e Semaine nationale de la santé mentale, ayant pour thème «Agir pour donner du sens».

Les vidéos de Josée Querry sont un exemple de courage, de combativité et de persévérance sans ignorer sa fragilité d'une âme meurtrie et d'un coeur souffrant.

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