POLITIQUE - Derrière un discours consensuel et amical, une succession d'avertissements. Emmanuel Macron a exposé mercredi devant le Congrès sa propre vision du monde dans un discours solennel, chaudement accueilli par les parlementaires américains, au lendemain de pourparlers compliqués avec le président Donald Trump.
"Nous ne pouvons pas considérer que nos liens vont de soi. Au cœur même de nos valeurs, il y a un risque qui pèse sur elles. Nous ne pouvons pas réussir si nous oublions nos valeurs et notre histoire", a prévenu le chef de l'Etat. "Ce sont vous les Américains qui avez inventé le multilatéralisme. C'est à vous de le défendre et de le réinventer", a-t-il mis en garde, alors que Donald Trump a systématiquement privilégié les relations bilatérales, critiquant notamment le rôle de l'ONU.
"Make our planet great again"
Dans ce discours long d'une quarantaine de minutes, Emmanuel Macron n'a pas hésité à plaisanter sur sa proximité avec son impétueux homologue américain, évoquant même leurs embrassades qui ont surpris les médias d'outre-Atlantique. Saluant longuement l'amitié franco-américaine, exercice imposé pour ce type de discours, le président français n'a pas hésité à aborder les questions qui opposent Washington et Paris, au risque d'incommoder des parlementaires républicains.
Regrettant le retrait des Etats-Unis des Accords de Paris sur le réchauffement climatique, Emmanuel Macron s'est dit certain que Washington rentrera un jour dans le rang. "Il n'y a pas de planète B", a-t-il affirmé sous les applaudissements en répétant son slogan "Make our planet great again", détournement du slogan de campagne de Donald Trump. Nul doute que le président américain, qui avait promis de regarder le discours de son "ami" à la télévision, appréciera la référence.
Tout en soutenant "pleinement" les efforts des Etats-Unis pour obtenir la dénucléarisation de la Corée du Nord et son hostilité à la nucléarisation de l'Iran, le chef de l'Etat français a par ailleurs réaffirmé son souhait de ne pas "créer de nouveaux murs" au Moyen-Orient. Là encore une allusion au mur que veut créer Donald Trump avec le Mexique.
Rappelant que l'accord sur le nucléaire iranien avait été signé à l'initiative des Etats-Unis, Emmanuel Macron a estimé qu'on "ne pouvait pas le jeter" comme Donald Trump a prévu de le faire. En guise de consensus, le président français a promis de soutenir un nouvel accord, plus explicite, sans renoncer au premier.
Un style franc tout en restant amical qui a permis au président français de marquer des points, tout particulièrement auprès des parlementaires hostiles à Donald Trump. "A l'exception des baguettes et du vin, je n'ai jamais envié les Français. Jusqu'à aujourd'hui", a salué Gerry Connolly, élu démocrate de Virginie. "Le président Macron a donné le discours que la plupart des Américains aurait aimé que notre propre président délivre", a-t-il salué.
La guerre commerciale "pas une solution"
Emmanuel Macron a également mis en garde contre les discours populistes, dans une critique en creux du style présidentiel de Donald Trump. "On peut jouer sur les craintes, les colères des gens. Mais cela ne construit rien", a-t-il mis en garde, critiquant "l'isolationnisme" et "le nationalisme". Deux critiques visant notamment les menaces de guerre commerciale brandies par Donald Trump.
"La guerre commerciale n'est pas une solution. Il nous faut des échanges libres et équitables", a plaidé le président de la République. "Une guerre commerciale, à la fin du jour, détruira des emplois, augmentera les prix et ce sont les classes moyennes qui paieront", a-t-il estimé, trouvant un franc soutien auprès des parlementaires américains.
Des positions poliment critiques qui lui ont aussi valu ce commentaire assassin du député républicain du Kentucky Thomas Massie. "Le président français est un socialiste, militariste, mondialiste, scientifique-alarmiste... Le futur obscur du Parti démocrate américain". L'amitié franco-américaine n'échappe pas aux vicissitudes de la politique intérieure. Elle s'en remettra. Fait notable, Donald Trump, lui, n'a pas tweeté pendant le discours de son "ami".
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