ÉDUCATION - Non, les jeunes de 2018 ne passent pas tout leur temps sur leur smartphone, et oui, certains aiment aussi la lecture. Mais un adolescent peut être difficile à convaincre, et il faut parfois user de ruses et autres techniques ludiques pour parvenir à ses fins. Ce qui ne fait pas peur à Marion*, 29 ans, professeure documentaliste dans une petite ville du Nord de la France. Voilà cinq ans qu'elle exerce son métier avec passion, et cherche de nouveaux moyens d'intéresser les 400 collégiens de l'établissement à la lecture.
Samedi 21 avril, elle partage sur Twitter son enthousiasme à propos d'une initiative réussie: les prêts surprises. De petits livres emballés soigneusement, avec seulement quelques indications pour deviner le thème de l'ouvrage. Quelques jours plus tard, son message récolte près de 2800 retweets et plus de 7200 mentions "j'aime".
Une viralité qui a surpris la jeune femme, pour qui l'idée n'est pas nouvelle. "On s'inspire toujours les uns des autres, j'ai dû voir ça dans un mail ou en bibliothèque', assure-t-elle, interrogée par Le HuffPost. Elle se décide à mettre le concept en place une semaine avant les vacances de Pâques, pour une durée limitée et avec une règle: interdiction d'ouvrir le paquet avant d'être arrivé à la maison!
Jouer sur la curiosité
En un heure et demie à peine, les livres sont empaquetés, et les élèves commencent à s'y intéresser. "J'ai eu beaucoup de questions pour savoir ce que c'était... Et des réactions trop mignonnes d'élèves qui me disent que c'est 'super stylé!", raconte, amusée, la professeure documentaliste. Mais plus important encore, c'est l'engouement de collégiens peu ou pas habitués à emprunter des livres "Certains en ont même repris le lendemain!", s'exclame la jeune femme, ravie du succès de l'initiative.
Pour elle, pas de grand mystère derrière l'intérêt soudain des collégiens. "Les prêts surprise, ça joue sur leur curiosité, avec un sentiment d'urgence puisque ça ne durait qu'une semaine. Les élèves essayaient de deviner quel ouvrage ils ont eu, et en plus il y avait le défi de ne pas l'ouvrir au collège", estime Marion, qui parie aussi sur l'effet de groupe que l'initiative a pu déclencher.
Malgré ces résultats encourageants, elle tient à rester mesurée. "Développer le goût pour la lecture chez un élève ça prend beaucoup de temps. Il faut susciter une véritable envie, et la vraie victoire c'est quand je vais voir un élève de 6ème très peu porté sur les livres, qui, en 4ème, va venir en emprunter plus souvent".
"Prof-doc", un métier trop souvent caricaturé
Habituée à organiser des activités pour engager ses élèves (clubs de lecture, quizz, vote pour décider des prochains achats...), la professeure documentaliste aimerait surtout que son métier soit moins caricaturé au quotidien.
"Prof-doc, ça va beaucoup plus loin que de dire "chut" aux élèves qui font du bruit au CDI! L'une de nos missions première est d'enseigner la culture de l'information et des médias lors de sessions de cours à organiser avec les professeurs", explique-t-elle. Ce qui consiste notamment à éveiller l'esprit critique de ces jeunes adolescents et à leur apprendre à détecter de fausses informations: primordial selon elle, à l'heure des théories du complot.
Une tâche qui passe aussi par la lecture, médium indispensable pour développer l'imaginaire de ces futurs citoyens. "Je travaille dans une petite ville de campagne, il y a une bibliothèque mais les élèves ont très peu l'occasion de s'y rendre. Ici, je me sens vraiment utile, car le CDI est parfois leur seule ouverture vers la culture", conclut-elle. Si elle envisage de reproduire l'expérience des prêts surprises prochainement, elle gardera le mystère jusqu'au dernier moment pour ses petits élèves.
*Le prénom a été modifié
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