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«Eye on Juliet» de Kim Nguyen: les deux solitudes

«Je voulais partager mes idées sur un certain état des choses mondiales.»

Présenté à la dernière Mostra de Venise, le sixième long-métrage de fiction du réalisateur québécois se situe entre le drame romantique et la réflexion philosophique. Captivante, étonnante, cette œuvre filmée en anglais et en arabe raconte l'incommunicabilité à l'ère du virtuel. Entrevue.

On joint Kim Nguyen au téléphone. Le cinéaste est à Bruxelles pour le montage de son prochain opus, The Hummingbird Project, qui met en vedette Jesse Eisenberg, Alexander Skarsgård et Salma Hayek, et dont la sortie en salle est prévue pour l'automne 2018. Le réalisateur de Rebelle n'hésite pas à revenir sur la genèse de Eye on Juliet, une œuvre qu'il résume comme un conte moderne sur la solitude.

«Je voulais partager mes idées sur un certain état des choses mondiales, raconte Kim Nguyen. Je voulais parler de la solitude au XXIe siècle, une solitude qui n'a pas de frontière et qui paradoxalement s'illustre aujourd'hui par l'omniprésence des réseaux sociaux et l'abondance des applications de rencontre.»

«Eye on Juliet» de Kim Nguyen: les deux solitudes

L'histoire est celle du solitaire Gordon (Joe Cole), un simple opérateur d'hexapode, sorte de robot dirigé à distance en forme d'araignée. Son travail consiste à surveiller de son QG aux États-Unis un pipeline situé à 6 000 km dans une zone désertique au cœur d'un pays arabe non identifié. C'est là qu'il fait la connaissance de Ayusha (Lina El Arabi), une jeune femme qui espère s'enfuir avec son amant avant que ses parents la marient de force à un autre homme plus âgé.

«Leur rencontre fortuite via un petit robot va susciter chez Gordon l'envie d'extirper cette jeune fille de sa destinée, explique Kim Nguyen. Même s'ils sont issus de milieux complètement différents, ils vont réussir à entreprendre une relation à travers la caméra de la machine. Il y a beaucoup de choses dans ce film comme les drones ou le thème de la surveillance. On ne peut pas non plus s'empêcher de penser aux tensions que traverse le Moyen-Orient.»

Rapprocher deux êtres que tout sépare

Au-delà de la distance, les caractères de deux personnages s'opposent. Gordon est un Américain sans attache évoluant dans une Amérique post-industrielle à la dérive. Quant à Ayusha, les traditions et les lois religieuses viennent rattraper son histoire d'amour interdite. Au fil du récit, c'est par la lentille en verre de l'hexapode que tout se décide.

«Les aspects politiques ou géographiques du film sont une trame de fond pour une exploration sur la solitude de nos sociétés. J'ai vu en Afrique du Nord la difficulté qu'ont les jeunes hommes et les jeunes femmes à se rencontrer. Chez nous, en Amérique, on voit bien que les technologies ne peuvent pas cacher la grande solitude que vivent beaucoup de gens derrière des applications comme Tender ou Snapchat. Même si les réalités sont différentes, il y a, je crois, cette envie pour tout le monde de se retrouver entre humains», dit le réalisateur.

À Venise, le film de Kim Nguyen a polarisé la critique. «C'était bizarre, se souvient-il. Dans les grands festivals internationaux, le consensus semble avoir pris une place importante, alors quand une œuvre arrive avec des critiques qui vont d'un extrême à l'autre, ça ne passe pas toujours comme on le voudrait. En ce qui me concerne, je suis très content de mon film qui m'a apporté plusieurs défis formels à surmonter comme cette volonté de rapprocher deux êtres que tout sépare.»

Eye on Juliet (Regard sur Juliette) – Kim Nguyen – Les Films Séville – Drame sentimental – 90 minutes – Sortie en salle le 20 mars 2018 – Canada, France, Maroc.

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