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La cousine d’Yves St-Denis allègue avoir été agressée quand elle était adolescente

Le député d’Argenteuil s’est retiré du caucus libéral après des allégations d’inconduite sexuelle.
Nathalie St-Denis, vue dans une photo d'identification à l'université, allègue que son cousin, le député Yves St-Denis, l'a agressée sexuellement en 1988.
Courtoisie/Assemblée nationale/Getty
Nathalie St-Denis, vue dans une photo d'identification à l'université, allègue que son cousin, le député Yves St-Denis, l'a agressée sexuellement en 1988.

QUÉBEC – Une cousine du député d'Argenteuil, Yves St-Denis, l'accuse d'attouchements sexuels, il y a de cela 30 ans, après une soirée arrosée alors qu'elle était mineure. Elle s'est confiée au HuffPost Québec, alors que des révélations refont surface au sujet du politicien.

M. St-Denis nie les accusations mises de l'avant par sa cousine. Mardi, le député d'Argenteuil s'est vu forcé de quitter le caucus libéral, à la suite de révélations d'inconduite sexuelle envers une employée.

Nathalie St-Denis n'avait que 16 ans lorsqu'elle a déménagé dans son premier appartement à Montréal à l'été 1988. Elle se souvient qu'elle y était depuis quelques semaines lorsque son cousin Yves, 24 ans, lui aussi originaire des Laurentides, et elle ont pris contact par téléphone parce qu'il était en ville.

Nathalie a été adoptée lorsqu'elle était bébé par la famille St-Denis. Depuis quelques années, elle utilise son deuxième prénom mais a demandé à HuffPost d'être identifiée par son nom légal. Elle n'a aucun lien de sang avec Yves St-Denis, qui est le neveu de son père adoptif.

C'est probablement parce que j'ai crié et qu'il a eu peur que les voisins entendent, qu'il a fini par descendre l'escalier et foutre le camp.Nathalie St-Denis

Les deux cousins ont donc convenu de se rencontrer en 1988 pour sortir au centre-ville de Montréal.

«Pour moi, c'était juste mon cousin, raconte Nathalie en entrevue téléphonique. Je travaillais dans un McDo. Je n'avais pas d'argent, donc pour moi, c'était cool de pouvoir sortir sur [la rue] Crescent [à Montréal].»

Elle le voyait au Jour de l'An tous les ans. «C'était le cousin qui faisait rire tout le monde, celui qui prenait beaucoup de place dans une réunion de famille, celui qui jouait de la musique, celui qui chantait. C'était comme la vedette des partys de famille.»

C'est donc sans arrière-pensée, dit-elle, qu'elle a accepté l'offre de son cousin Yves ce soir-là. Même si les faits remontent à plusieurs années, elle se souvient qu'il lui a payé plusieurs verres, puisqu'elle n'avait pas l'âge légal pour boire.

«Aucun doute» qu'elle aurait été violée

À la fermeture des bars, Nathalie dit se souvenir avoir demandé à son cousin comment il allait rentrer chez lui, vu qu'il avait consommé. Il lui a dit qu'il s'attendait à dormir chez elle, dit-elle. Même s'il ne lui en avait pas parlé avant, elle n'avait aucun soupçon, puisqu'il est son cousin.

C'est au moment où son cousin a «insisté» pour dormir dans son lit qu'elle s'est posée des questions sur ses intentions. Au moment de se coucher, elle prétend qu'il s'est collé en cuillère sur elle et qu'il l'a ensuite caressée.

«Il a passé sa main du haut jusqu'en bas, de mes seins jusqu'à mon vagin. Là, je me suis levée et je l'ai poussé... Il faisait deux fois ma taille», allègue Nathalie. Elle dit avoir tenté de le forcer à quitter son appartement, mais il refusait de bouger.

«C'est probablement parce que j'ai crié et qu'il a eu peur que les voisins entendent, qu'il a fini par descendre l'escalier et foutre le camp.»

Elle dit qu'il ne fait «aucun doute» qu'il l'aurait violée si elle ne s'était pas débattue du haut de ses 16 ans.

Nathalie St-Denis se souvient d'avoir terminé cette soirée d'été en 1988 sur la rue Crescent à Montréal.
Getty Images
Nathalie St-Denis se souvient d'avoir terminé cette soirée d'été en 1988 sur la rue Crescent à Montréal.

Le HuffPost a présenté les allégations de Nathalie au député St-Denis mardi en soirée. Il confirme être sorti avec sa cousine dans quelques bars, ce soir-là, et se souvient d'avoir possiblement été chez elle par la suite. Mais il soutient ne l'avoir jamais touchée de façon sexuelle ou inappropriée.

«Je ne me rappelle pas de grand-chose. Je n'ai pas agressé cette fille-là. Je suis retourné chez nous [après la soirée]. Je ne sais pas comment elle peut dire ça. Je suis bouleversé. Vraiment», a-t-il dit mercredi matin au téléphone.

Il soutient aussi qu'il n'a «jamais» eu d'ambiguïté entre sa cousine Nathalie et lui.

À plusieurs reprises pendant l'entrevue de près d'une heure, il a tenté de discréditer la version de sa cousine, sous prétexte qu'elle avait eu un passé houleux.

Il remet aussi en doute sa version des faits parce qu'elle avait bu. «Elle, elle avait pris un verre solide, ça je le sais. Mais moi, j'ai fait attention, je conduisais. Je ne pouvais pas être chaud, là», soutient M. St-Denis.

«Imaginez-vous, une histoire de même sort... Les gens vont douter de moi. Je suis mort. Ça n'a pas d'allure. Puis ce n'est pas vrai, en plus. Est-ce qu'elle est allée à la police? Pourquoi elle n'est pas allée à la police porter plainte?»

Nathalie dit ne pas y être allée à l'époque parce qu'elle était certaine que la police n'allait pas prendre son cas au sérieux, puisque qu'il n'y a pas eu viol.

«Je veux dire la vérité pour changer quelque chose»

Près de 30 ans plus tard, la voix de Nathalie tremble quand elle parle de cet incident. «Il savait que je n'avais aucun recours en ville, j'étais toute seule. Je ne connaissais personne, même pas ma coloc.»

Elle soutient que sa colocataire – avec laquelle elle partageait sa chambre – était partie chez ses parents pour la fin de semaine au moment des événements.

Nathalie dit avoir parlé de l'incident à sa colocataire par la suite, mais le HuffPost n'a pas été en mesure de la contacter pour confirmer la version des faits. Elle en a aussi parlé à son frère, mais il n'avait pas répondu à nos nombreuses demandes d'entrevue au moment de publier.

Nathalie dit avoir voulu dénoncer la situation alors que les médias ont levé le voile, cette semaine, sur des comportements inappropriés de la part de son cousin. Elle insiste pour dire qu'elle ne veut pas mettre la famille St-Denis, avec qui elle a peu de contacts, dans l'embarras.

Je veux dire la vérité pour changer quelque chose, pas pour me montrer ou me venger.Nathalie St-Denis

«Je ne cherche pas à être connue, moi! Je crois juste faire un bon geste... "Me Too" à l'échelle locale quoi... trop de gens se taisent et ma jeunesse a été pourrie par ça. Je veux dire la vérité pour changer quelque chose, pas pour me montrer ou me venger», a-t-elle écrit dans un courriel subséquent au HuffPost.

Mercredi, M. St-Denis a partagé avec le HuffPost un enregistrement qu'il a capté à l'insu des parents de Nathalie lors de sa conversation avec eux, le matin-même. M. St-Denis a tenté de discréditer le témoignage de Nathalie de cette façon.

Il a aussi fait mention d'une épisode, environ deux ans après l'incident en question, où les deux ont repris contact alors que Nathalie avait besoin d'argent. Un fait qu'elle confirme. M. St-Denis lui a donné des sous et croit qu'elle ne l'aurait pas approché de la sorte pour qu'il l'aide s'il n'avait «pas été fin avec elle».

M. St-Denis s'est retiré du caucus du Parti libéral du Québec mardi matin, après qu'une employée politique du cabinet de la ministre Christine St-Pierre l'a accusé de lui avoir envoyé une photo sexuellement explicite avant l'élection provinciale de 2014.

L'employée, qui s'est confiée au journaliste Louis Lacroix du 98,5 FM, dit avoir reçu une photo qui semblait montrer M. St-Denis en train de se faire faire une fellation. Elle l'aurait reçue après une conférence téléphonique qui réunissait les candidats des Laurentides.

M. St-Denis s'est défendu en disant que ce n'était pas une photo de lui, mais bien une photo d'un film porno. Il prétend aussi que la femme était une amie à l'époque et que ça avait été fait dans un contexte de blague.

«Un très grand respect» pour les femmes

Le député soutient aujourd'hui que c'était une grande erreur de jugement de sa part d'avoir une photo pornographique à une collègue. «Je suis vraiment un blagueur et oui, j'avais des blagues déplacées parfois. Je fais attention depuis quelques années. J'ai appris.»

La Presse rapporte qu'il aurait également transmis des photos dégradantes à deux jeunes employées de la permanence du parti, qui ont depuis quitté leur emploi.

M. St-Denis soutient que ses relations avec les femmes ont toujours été irréprochables.

«Malgré ce qu'on a dit sur moi, j'ai un très grand respect pour les femmes, madame. Un très grand respect. Je ne cache pas que j'ai été célibataire, je suis un homme à femmes, mais j'ai un très grand respect pour les femmes. Vous ne pouvez même pas vous imaginer.»

Yves St-Denis soutient qu'il a un caractère bouillant, mais qu'il a toujours été respectueux à l'égard des femmes.
Assemblée nationale du Québec
Yves St-Denis soutient qu'il a un caractère bouillant, mais qu'il a toujours été respectueux à l'égard des femmes.

Le député d'Argenteuil, qui en est à son premier mandat, aurait aussi des excès de colère à l'endroit des employées du gouvernement. S'il reconnait avoir un tempérament bouillant, il insiste pour dire qu'il n'est «pas un méchant garçon» pour autant.

Nathalie dit vouloir briser son silence pour démontrer que M. St-Denis a eu un comportement inapproprié bien avant son entrée en politique.

«Je crois que ce personnage profondément tordu sexuellement ne devrait pas être dans un poste où il représente qui que ce soit – du moins, pas le 50% qui est féminin.»

Correction : Une version précédente de l'article laissait entendre que Nathalie et Yves St-Denis s'étaient revus en personne deux ans après la présumée agression. Elle soutient que la transaction s'est faite à distance.

Vous avez des informations supplémentaires à transmettre au sujet d'Yves St-Denis? N'hésitez pas à contacter notre journaliste au catherine.levesque@huffpost.com en toute confidentialité.

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