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Méditer pour guérir l'anorexie

«Par la méditation, on apprend à accueillir et accepter toutes les parties de nous. Ça fait vraiment du bien ! Et les pilules ne font pas cela.»
Mari Photographe

Être rationnel et pratiquer la méditation, oui c’est possible. Fiez-vous au Dr. Sophie Maffolini qui grâce à la pratique bienfaisante a pu se débarrasser, entre autres, de ses troubles alimentaires.

La Québécoise qui soigne le Grand Nord au quotidien vient de lancer un livre pour traiter tout le Québec avec ce qui est devenu sa prescription numéro un : la méditation pleine conscience. Entretien.

Méditation et relaxation sont souvent associées. À tort ou à raison? Et la relaxation est-elle la seule chose qu’on peut vraiment en tirer?

La méditation peut amener de la relaxation, mais pas toujours ! Et les bienfaits de la méditation vont bien au-delà de la relaxation. Lorsqu’on médite, on s’entraîne à demeurer « éveillé » et vigilant à notre expérience du moment présent, sans jugement. Parfois, cela peut avoir un effet relaxant, ce qu’on observe souvent lors de pratiques comme le scan corporel, durant lequel on visite consciemment chaque partie de notre corps en y observant les sensations qui s’y trouvent.

La méditation assise, par exemple, peut être loin d’être relaxante lorsque demeurer simplement assis sans bouger peut être un défi : notre dos peut être douloureux en posture assise, on a du mal à être confortable et à se « relaxer » dans la posture. Mais malgré tout, il y a énormément à tirer d’une méditation assise !

MÉDITER SANS COMPLEXE

La Dr. Sophie Maffolini propose dans un tout nouveau livre de 280 pages un doux accompagnement de 28 jours dans une méditation de pleine conscience. Elle y tout d’abord énumère les bases : où, quand, comment, et pendant combien de temps méditer, quelques mythes et bienfaits de la pratique puis vous invite chaque jour a amorcer une nouvelle réflexion, en parsemant le tout d’anecdotes personnelles. C’est simple, sympathique et accessible à tous.

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À ce jour, il y a des milliers d’études sur la méditation, et en particulier sur la méditation de pleine conscience, sur laquelle les scientifiques se sont concentrés ces dernières années. Comme ce domaine de recherche est encore nouveau, des études supplémentaires et plus rigoureuses sont encore nécessaires, mais les résultats jusqu’à maintenant sont très prometteurs pour le domaine de la santé,tant mentale que physique.

Diriez-vous, dans votre cas, que c’est la méditation ou la relaxation par la méditation qui vous a permis de guérir de l’anorexie sur laquelle vous vous ouvrez dans votre livre?

Personnellement, c’est la méditation et non la relaxation par la méditation qui m’a permis de guérir de l’anorexie. Et via différents aspects. En premier, la méditation m’a aidée grandement à diminuer mon niveau de stress et d’anxiété. Rapidement, de manière collatérale, j’ai arrêté d’avoir des compulsions alimentaires.

Mais j’avais toujours des pensées obsessionnelles envers la nourriture et une relation malsaine avec mon image corporelle. La méditation m’a aidée pour cela à différents niveaux.

Principalement grâce au scan corporel, j’ai renoué progressivement avec mon corps, que je haïssais depuis tant d’années. En visitant mon corps de l’intérieur plutôt que de le voir simplement dans la glace, j’ai appris à l’aimer, chaque jour un peu plus.

On ne choisit pas la première pensée qui traverse notre esprit. Mais on a le pouvoir de choisir la deuxième.Dr Dophie Maffolini

En entraînant mon attention, je suis aussi devenue plus vigilante aux pensées qui traversaient mon esprit, pensées qui souvent étaient très négatives envers mon corps, ou sinon obsessionnelles envers la nourriture. On ne choisit pas la première pensée qui traverse notre esprit. Mais on a le pouvoir de choisir la deuxième. Grâce à la pleine conscience, je suis devenue plus consciente des « premières pensées » et j’arrivais à briser le cercle vicieux des ruminations négatives. Me défaire des pensées obsessionnelles a été ce qui m’a pris le plus de temps, mais quelle libération j’ai ressentie ensuite !

Et quel a été le processus pour en arriver à vous défaire de vos troubles alimentaires?

Cela m’a pris d’abord plusieurs années à accepter que j’avais besoin d’aide. J’ai essayé plein de choses pour guérir : j’ai lu des dizaines et dizaines de livres de croissance personnelle, j’ai été jusqu’en Inde en me disant « tous les Dieux du yoga sont ici, je devrais bien avoir l’illumination de la guérison »...mais non.

J’étais un médecin malade et je ne voulais pas prendre de médicament, j’ai donc essayé plein de choses.Dr. Sophie Maffolini

J’étais un médecin malade et je ne voulais pas prendre de médicament, j’ai donc essayé plein de choses, pour ne pas dire, presque tout essayé. J’ai souvent eu la pensée « ça va finir par s’en aller tout seul », mais plus la pression extérieure augmentait (ce qui est inévitable dans le parcours d’un étudiant puis résident en médecine), plus mon trouble alimentaire empirait.

Ma guérison a commencé quand j'ai pris la décision de prendre soin de moi pour vrai. À partir de ce moment, mon processus de guérison a été comme une toile d'araignée magique qui me menait aux bonnes personnes, aux bons livres, aux bons endroits, au bon moment. Premièrement, j'ai dû prendre la décision d'arrêter temporairement ma résidence en médecine, pour commencer ma guérison. Prendre cette décision n'a pas été facile et c'est grâce au médecin du Programme d'aide aux médecins du Québec que je suis arrivée à arrêter. C'est ce médecin qui m'a suggéré d'aller lire sur la pleine conscience. Et ça a été une épiphanie.

Je me suis entourée de différents professionnels : une nutritionniste, une psychologue, un ostéopathe, mon médecin de famille. J'ai appris encore plus sur les troubles alimentaires, et surtout, beaucoup sur moi-même ! Mais ce qui m'a le plus aidée, et qui m'a permis de guérir complètement, c'est la méditation de pleine conscience. Je me suis mise à méditer, méditer, et méditer plusieurs heures par jour pendant plusieurs mois, et chaque jour, j'allais mieux.

La pleine conscience m'a aidée à réapprendre à manger, comme une enfant, bouchée après bouchée.Dr. Sophie Maffolini

sophiemaffolini

Après 7 semaines d’arrêt-santé, je suis retournée au travail, mais j’ai continué à prendre soin de moi en conservant une routine matinale qui me faisait du bien et me permettait de me nourrir d’abord avant d’aller soigner les patients. Chaque matin, je me levais à 4h30 pour méditer, faire du pilates, et de l’écriture. C’est grâce à la persévérance dans ces habitudes qui me faisaient du bien que j’ai guéri. Huit mois après le début de mon arrêt de travail, j’étais complètement guérie de l’anorexie. Et je le suis toujours 5 ans et demi plus tard.

Lors de mon processus de guérison, j’ai aussi dû réapprendre à manger complètement. Mes signaux de faim et de satiété étaient complètement bousillés par quatre années de maladie. La pleine conscience m’a aidée à réapprendre à manger, comme une enfant, bouchée après bouchée. En mangeant en pleine conscience, j’ai appris à réécouter mes signaux de faim et de satiété. J’ai aussi redéveloppé une relation saine avec la nourriture.

La méditation peut-elle vraiment être un meilleur moyen qu’un autre pour guérir de ses troubles alimentaires? Et pourquoi?

J’aime voir la méditation comme un moyen complémentaire à ce qu’on connaît déjà pour nous aider à aider les patients (et souvent, soi-même). Elle présente pour moi plusieurs avantages : l’humain qui médite fait le choix de prendre ce temps pour lui, il devient maître de lui-même, plutôt que d’espérer les doigts croisés qu’une pilule magique le guérisse. Ça demande plus de travail, mais je crois que ça a un impact plus profond.

Par la méditation, on apprend à accueillir et accepter toutes les parties de nous. Ça fait vraiment du bien ! (Et les pilules ne font pas cela.)Dr Sophie Maffolini

Méditer est une façon de s’aimer, en faisant le choix conscient de s’arrêter et se connecter à nos sensations corporelles, notre respiration et tout ce qu’il y a en nous. Lorsqu’on a un trouble alimentaire, on rejette plusieurs parties de nous, et parfois même, on se rejette tout en entier. Par la méditation, on apprend à accueillir et accepter toutes les parties de nous. Ça fait vraiment du bien ! (Et les pilules ne font pas cela.)

La méditation a un impact positif tant sur le corps, le cœur que l’esprit. Elle promeut une santé globale en jouant sur toutes les facettes de l’humain.

En tant que médecin, vous êtes en quelque sorte obligée d’être rationnelle dans vos fonctions. A-t-il été difficile de vous abandonner à la méditation?

Non, pour moi, ça a été vraiment naturel. Et je ne sens pas que je me suis « abandonnée » à la méditation, mais plus que j’ai fait le choix conscient de m’arrêter pour méditer. La méditation de pleine conscience est très terre-à-terre et concrète. Ce n’est pas une pratique ésotérique. J’avais certainement une ouverture aux pratiques méditatives (j’ai voyagé beaucoup en Inde et essayé plein de choses pour guérir dont répéter un mantra une heure par jour pendant un an), mais la méditation de pleine conscience peut rejoindre même les plus rationnels de ce monde parce qu’elle nous invite simplement à observer notre expérience du moment présent, sans jugement.

Faut-il vraiment des années de pratique, une visite chez un moine en Inde et une retraite silencieuse pour arriver à une méditation réussie, une méditation qui guérit?

Non, pas du tout ! Des programmes de réduction du stress par la pleine conscience de 8 semaines seulement s’avèrent avoir des effets très positifs dans la vie des participants. Le défi ensuite est de poursuivre la pratique méditative au long cours. J’invite toujours les participants de mon programme en ligne de pleine conscience à poursuivre leur pratique méditative à la fin du cours, comme partie intégrante de leur routine bien-être. Et je médite moi-même chaque jour, pour cultiver mon bien-être intérieur.

En tant que spécialiste autant de la santé que de la méditation, quelles sont les bénéfices autres que la relaxation que vous observez chez ceux qui vous suivent dans votre pratique de pleine conscience?

La méditation peut contribuer entre autres à améliorer notre attention, ce qui est toujours gagnant alors qu’on est constamment stimulé par toutes sortes de distractions. Elle contribue à la réduction et à une meilleure gestion du stress, qui affecte tant de personnes aujourd’hui. Les programmes de réduction du stress par la pleine conscience sont d’ailleurs de plus en plus reconnus et sont maintenant « prescrits » par des médecins à leurs patients. Cela est arrivé plus tardivement au Québec qu’aux États-Unis, mais on en reconnaît aujourd’hui les bienfaits pour les patients. Ces programmes sont d’ailleurs maintenant offerts aux étudiants en médecine.

La méditation contribue également à une meilleure gestion des émotions. Souvent, nous ne voulons pas ressentir les émotions négatives, nous ne voulons pas les vivre. Par la méditation, nous nous entraînons à accueillir toutes les émotions, qu’elles soient positives ou négatives. La méditation aide aussi à une meilleure gestion de la douleur, principalement chez les patients avec des douleurs chroniques.

La méditation peut contribuer à diminuer l’anxiété et les symptômes dépressifs. Les programmes de réduction du stress par la pleine conscience préviennent également les rechutes dépressives chez les personnes ayant fait trois épisodes dépressifs ou plus.

En s'adonnant régulièrement à la méditation, on développe naturellement une meilleure connaissance de soi, une meilleure écoute (nécessaire pour développer des relations interpersonnelles saines) et une meilleure connexion à soi. En se connectant à soi de manière régulière, on arrive à faire des choix qui sont plus alignés à soi, on prend des décisions plus efficacement. En améliorant notre attention, on devient aussi plus efficace dans les tâches que l'on fait et on devient plus productif.

Ceci n'est qu'un survol et les bienfaits de la pratique méditative sont nombreux, mais pour en retirer quelque chose, on doit s'adonner à la méditation de manière régulière. La méditation devient alors partie intégrante de notre hygiène personnelle. Et on doit persévérer, jour après jour.

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