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La femme aux 30 chats refuse d'abandonner 

Elle poursuit le juge qui l'a «condamnée».
Stéphane Tremblay

Déboutée en Cour supérieure et en Cour d'appel, Nathalie Doucet de Saint-Eustache refuse de laisser mourir ses chats. Elle sort de nouveau les griffes et accuse le ministère de la Justice d'avoir brimé et violé ses droits fondamentaux.

La femme de 49 ans invoque les articles 5, 7 et 8 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec pour faire casser une injonction à vie qui lui a été imposée par le juge Luc Lefebvre de la Cour supérieure du Québec. «J'ai envoyé un avis de fraude contre la Ville de Saint-Eustache et le juge Lefebvre a statué que j'étais fautive et que la Ville avait raison.»

L'article 5 de la charte stipule que «toute personne a droit à la vie privée». L'article 7 mentionne que «la demeure est inviolable» et l'article 8 souligne que «nul ne peut pénétrer chez autrui sans son consentement exprès et tacite».

«Comment voulez-vous que ce fondement de la justice et de la paix au Québec me soit accordé si je dois laisser entrer n'importe quand les inspecteurs de la Ville pour s'assurer que je respecte l'injonction, et ce pour le reste de ma vie.»

«Uniquement la semaine dernière, ils sont venus à trois reprises. Si ce n'est pas de l'abus de pouvoir ou de l'intimidation, je me demande bien c'est quoi», renchérit avec véhémence celle qui vit seule et consacre toutes ses économies à ses «amours».

Nathalie Doucet estime ne plus être en sécurité chez elle. «Je ne dors plus seule à la maison. Je me cache lorsque ça sonne à la porte et pourtant je n'ai rien à cacher. Je suis traitée comme une criminelle alors que je n'ai rien fait de plus que de garder des chats qui étaient destinés à une mort certaine en liberté.»

Ce qui exaspère Mme Doucet, c'est que ses chats ne dérangent personne n'ayant jamais sorti à l'extérieur.

100 000 $ pour ses chats

L'aventure a débuté en 2005, lorsqu'elle a retrouvé sur son terrain des chatons errants dont la mère était morte.

Nathalie Doucet a décidé de transformer son garage en un refuge félin. Elle avait 30 chats en 2013, elle en a 22 aujourd'hui. Mais depuis l'injonction, elle ne peut en garder que deux.

«J'en ai 20 d'hébergés temporairement chez une amie depuis le dernier jugement. Il était impossible de les faire adopter étant trop vieux et impensable de les faire euthanasier. La preuve, depuis qu'ils ont quitté la maison, ils ont été malades, un stress trop grand pour ces petites bêtes», mentionne la gorge nouée celle qui précise que chaque chat a son nom, son carnet médical et ses rendez-vous pour le toilettage. En 13 ans, Nathalie Doucet estime avoir dépensé plus de 100 000 $ pour ses chats.

«J'ai hébergé et stérilisé ces chats parce qu'il n'y a pas de service de stérilisation ni de fourrière à Saint-Eustache. Et au lieu de me remercier, le maire et les conseillers me poursuivent avec l'argent des contribuables. Imaginez comment cette saga judiciaire a coûté aux gens. Moi, ma facture d'avocats s'élève à plus de 20 000 $ et ce n'est pas fini.»

Infirmière dans une clinique privée, la résidente de Saint-Eustache demandait à la Ville que les chats meurent de leur propre mort et ensuite elle promettait de ne plus en avoir.

La Ville de Saint-Eustache a plutôt préféré s'adresser aux tribunaux soulignant qu'un règlement municipal interdit à un résident de garder plus de deux chats et deux chiens dans sa maison.

Québec dit oui aux chats, jusqu'à 49 même

Nathalie Doucet ne comprend toujours pas la décision du juge Lefebvre en première instance, décision qui a été reconduite par les trois juges de la Cour d'appel.

C'est que depuis l'entrée en vigueur en 2015 de la loi provinciale sur le nouveau statut juridique des animaux de compagnie, Mme Doucet détient un permis du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) pour la détention de «15 à 49 chats et/ou chiens. Le MAPAQ m'a encore envoyé il y a deux semaines mon renouvellement», de dire Mme Doucet.

La SPCA aussi, après vérification, avait conclu que les lieux étaient salubres.

Le HuffPost Québec a visité les lieux pour constater qu'il n'y avait aucune senteur nauséabonde d'urine de chat ou d'excréments au sol. Tout était propre dans le garage annexé à la résidence principale.

Mme Doucet déplore que la Ville ne tienne pas compte de la propreté des lieux ou du fait que les chats sont bien nourris et bien soignés.

«Je nettoie les lieux matin et soir. Tous les gens qui viennent ici disent qu'ils mangeraient par terre tellement c'est propre.»

C'est Me Anne-France Goldwater, qui représentait, pro bono, la dame aux chats en appel. Tout comme l'appelante, Me Goldwater était persuadée que la loi provinciale avait préséance sur la loi municipale. Mais les tribunaux les ont rappelées à l'ordre.

Nathalie Doucet souhaite maintenant que la Commission de la charte des droits et libertés de la personne du Québec prenne le dossier en main afin que «cette décision inhumaine du juge» soit infirmée dans le but de lui permettre de retrouver ceux qu'elle surnomme affectueusement «mes petits enfants».

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