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L'orthosomnie, le nouveau trouble du sommeil dont vous pourriez être atteint sans le savoir

Vos applications de sommeil et montres connectées ne vous veulent pas que du bien.
Vous avez du mal à dormir? Vous souffrez peut-être d'orthosomnie.

Pas la peine de chercher à tomber dans les bras de Morphée depuis votre téléphone intelligent. Pour trouver le sommeil, mieux vaut privilégier des méthodes naturelles et oublier les applications permettant de traquer son cycle. Elles pourraient bien, parfois, être la source du problème.

C'est du moins la conclusion d'une étude américaine du Journal of Clinical Sleep Medecine publiée en 2017, relayée récemment par The Independent, et désignant l'orthosomnie comme un nouveau trouble atteignant certaines personnes mesurant leur sommeil via des applications ou appareils spéciaux.

Les applications en question se nomment Sleep Cycle, Sleep Better (parmi d'autres) ou peuvent prendre la forme de montres connectées. Après avoir répondu à plusieurs questions (repas tardif, heure de réveil voulue...) l'utilisateur pose son appareil à côté du lit. Durant la nuit, le dispositif surveille les mouvements du dormeur et dresse un compte rendu de son "activité" (sommeil profond, léger...). Au petit matin le verdict tombe: a-t-on passé une bonne nuit?

Une capture d'écran de l'application "Sleep Better", qui analyse les phases de sommeil et "note" leur efficacité. Tout à gauche, l'écran à remplir au coucher.
sleep better
Une capture d'écran de l'application "Sleep Better", qui analyse les phases de sommeil et "note" leur efficacité. Tout à gauche, l'écran à remplir au coucher.

"Il y a un nombre croissant de patients qui cherchent un traitement après s'être auto-diagnostiqué des troubles du sommeil comme l'insomnie, ou la durée de leur nuit", relate notamment l'étude menée par le docteur américain Kelly Glazer Baron. Obsédés par la "nuit parfaite", ces patients en oublient d'écouter leurs corps.

"Je me sentais conditionnée"

Avec l'application Sleep Better, Amandine, étudiante en ressources humaines à Lyon, pensait trouver un compagnon idéal pour se lever en pleine forme tous les matins. "J'ai trouvé ça super cool au début j'avais l'impression de mieux me réveiller, confie-t-elle au HuffPost. Sauf qu'au bout d'un moment j'ai eu l'impression d'être complètement conditionnée par une machine".

Réveillée un quart d'heure plus tôt tous les matins car le logiciel estime que c'est le moment idéal (une option qu'il est possible d'annuler... en passant à la version payante), elle réalise bien vite que l'impact sur son quotidien est négatif.

"J'en suis venue à redouter de ne pas dormir chez moi, car à chaque fois que je cochais la case "je ne dors pas dans mon lit", l'application me disais que j'avais mal dormi le lendemain. Passer une nuit chez une copine devenait une véritable appréhension, et pareil les soirs de pleine lune. J'étais complètement stressée à force de trop quantifier".

Deux mois plus tard, elle supprime l'application de son téléphone et ne voit plus une soirée passée à l'extérieur comme une entorse à son hygiène de vie, bien qu'il lui arrive de passer de mauvaises nuits.

Hypercontrôle et anxiété

Ce qui n'étonne pas du tout Clémence Peix Lavallée, sophrologue spécialiste du sommeil et créatrice du site Bienrelax.com. "Il est normal d'avoir des période de sa vie où l'on dort moins bien", rappelle-t-elle, habituée à voir débarquer des patient souffrant d'orthosmonie dans son cabinet francilien. Ces symptômes, elle les reconnaît depuis plusieurs années et préfère parler de comportement d'anxiété que de trouble du sommeil.

"Ce sont des personnes en hypercontrôle, accro à la performance et qui utilisent généralement d'autres applications pour mesurer leurs pas, leur tension...", détaille-t-elle. "Pour le sommeil, c'est complètement contradictoire car il s'agit de lâcher-prise! Ils finissent par dérégler leur cycle à force d'essayer de le contrôler après une ou deux mauvaises nuit".

Si elle suspecte parfois un trouble plus sérieux, comme l'apnée du sommeil, il lui arrive d'envoyer ces patients au Centre du Sommeil mais les résultats reviennent bien souvent négatifs.

Guérir de l'orthosomnie

Alors, pour différencier l'orthosomnie, l'anxiété générée par un contrôle excessif de son sommeil, d'un véritable trouble du sommeil; Clémence Peix Lavallée donne des pistes.

"Il faut se poser trois questions:

  • Est-ce que je m'endors en moins de vingt minutes ?
  • Est-ce que je me réveille plus d'une fois par nuit ?
  • Est-ce que je suis en forme durant la journée ?

Si l'on répond oui à l'une de ces questions et que c'est récurrent, alors il faut consulter un spécialiste".

La sophrologue conseille de se reconnecter à son corps, ce qui peut passer par plusieurs techniques de respiration. "Les patients d'orthosomnie aiment suivre les règles, alors je leur donne des exercices de cohérence cardiaque rigoureux, à pratiquer matin, midi et soir. Il s'agit d'inspirer pendant cinq secondes, puis d'expirer pendant cinq secondes, le tout sur trois minutes".

Bien heureusement, les patients qui développement de l'orthosomnie guérissent facilement de ces nouveaux troubles après quelques séances de sophrologie, affirme Clémence Peix Lavallée.

Bien qu'elle ne déconseille pas formellement l'usage de ces applications, elle rappelle que celles-ci n'ont jamais été validées scientifiquement parlant (cet article, en anglais, du magazine Inverse prouve bien les divisions du monde médical à ce sujet), et ne font qu'utiliser les données du détecteur de mouvement du téléphone. "On adorerait pouvoir prescrire une application magique qui aide à mieux dormir, mais ça n'existe pas encore", conclut-elle.

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