Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Pour s'endormir rapidement, ils ont trouvé une méthode infaillible: les vidéos ASMR

Ont-ils trouvé le marchand de sable?
Sophie Filippova via Getty Images

Ont-ils trouvé le marchand de sable? Pour s'endormir le soir, ils ont découvert une méthode infaillible et sans le moindre effet secondaire. Il leur suffit de s'allonger, d'aller faire un tour sur Youtube, de lancer une ou deux vidéos et le tour est joué. La particularité de celles-ci? Elles leur procurent ce qu'on appelle l'ASMR.

"Cela me permet de réduire au moins par deux mes insomnies", nous raconte par exemple Clara, 24 ans, qui estime n'avoir besoin que d'une petite quinzaine de minutes pour s'endormir devant de telles vidéos. Et elle est loin d'être seule dans ce cas.

82% des consommateurs de vidéos ASMR les utilisent pour trouver le sommeil, selon une étude publiée en 2015 par deux psychologues dans la revue PeerJ. Une petite recherche dans Youtube, en français comme en anglais, permet également de s'apercevoir du nombre incroyable de vues qu'obtiennent ces vidéos entièrement consacrées au fait d'endormir et de relaxer les utilisateurs.

CaptureYoutube

Comme une petite explosion dans la tête

L'ASMR, pour Autonomous Sensory Meridian Response, traduisible par "Réponse Automatique des Méridiens Sensoriels", caractérise un phénomène que seule une partie de la population semble pouvoir ressentir. Derrière son nom aux allures très scientifiques, aucune preuve rigoureuse de son existence, neurologique ou psychologique n'a encore été apportée. Difficile, donc, de définir ce sentiment de plaisir que certains comparent à un "orgasme du cerveau".

Certains évoquent des fourmillements dans la tête qui peuvent s'étendre jusqu'à la colonne vertébrale, d'autres un frisson intense. Parfois on parle d'un état de transe, d'un plaisir qui semble transcender nos sensations habituelles. "C'est comme des bulles dans la tête [...] C'est comme une petite explosion, et ensuite des petits éclats et de petites étoiles qui descendent le long du dos", expliquait en 2012 sur ViceGentleWhispering, l'une des "artistes ASMR" de Youtube les plus connues avec plus de 1,2 million d'abonnés.

Pour atteindre ce nirvana, les Youtubeurs usent de tous les moyens auditifs possibles et imaginables: chuchotements, murmures au creux de l'oreille grâce à des micro binoraux, tapotements, crépitements, fausses coupes de cheveux ou manucures, pages qui se tournent...

"J'ai réalisé que c'était un super somnifère"

Et pour certains donc, ces vidéos provoquent un tel bien-être qu'elles les conduisent tout droit dans les bras de Morphée.

C'est le cas de Max, 24 ans, qui nous avait déjà raconté sa passion pour l'ASMR quelques années plus tôt. À cette époque, il évoquait ressentir "une sensation très agréable au niveau du crâne. Ça m'hypnotise. Je reste sans bouger, juste à me concentrer sur la sensation que ça me procure. Ça me détend, m'aide à m'endormir". Depuis, il a en quelques sortes systématisé le processus et se plonge dans ses vidéos préférés une fois sous la couette le soir.

"Au début, je regardais des vidéos ASMR pour me relaxer et pour la sensation agréable que ça me procurait, pas pour dormir. Mais c'est en en regardant le soir au lit avec mon smartphone que j'ai réalisé que c'était un super somnifère", raconte-t-il au HuffPost.

Clara a le même âge et ses premiers souvenirs de ressenti d'ASMR remontent à quand elle était toute petite. "J'invitais des copines à dormir et on se racontait des histoires en chuchotant avant de s'endormir. Et tous mes souvenirs d'ASMR, avant même de savoir ce que c'était, sont liés à la voix d'une personne. Par exemple, une voix de prof relaxante, ou des gens qui chuchotent à la bibliothèque... Après, ça pouvait être associé à une gestuelle qui m'''hypnotisait' un peu", se souvient-elle.

Ce n'est que quelques années plus tôt qu'elle découvre l'ASMR, en tombant sur un article en ligne. Elle comprend alors immédiatement de quoi il s'agit. Petit à petit, elle découvre des chaînes Youtube qui lui plaisent et lui correspondent. Ses sons préférés? Les chuchotements très bas et les tapotements, ainsi que les sons répétitifs.

Au départ, elle ne pensait pas que ces vidéos allaient être une solution hyper efficace d'endormissement. "Je profitais juste de pouvoir ressentir cette sensation qui est tellement agréable", souligne-t-elle.

Par exemple, ça ne m'aurait pas dérangé de rester une heure à écouter de l'ASMR sans m'endormir tellement c'est agréable. "Après, il se trouve que ça relaxe au point de s'endormir, donc c'est encore mieux. Maintenant, je le sais, donc je peux l'utiliser comme une façon de m'endormir, mais en tout cas, quand j'en écoute, je pense en premier à prendre un moment pour moi, à me faire plaisir", poursuit la jeune femme.

En moyenne, sauf quand elle est vraiment nerveuse ou stressée, il ne lui faut qu'en moyenne 15 minutes pour trouver le sommeil.

Modification de l'activité cérébrale

Clémence Peix Lavallée, experte en gestion du stress et créatrice du site Bien Relax, n'est pas étonnée par ces témoignages. En effet, bon nombre de ses patients font appel à ces vidéos ASMR pour s'endormir eux aussi. "Il s'agit d'un phénomène d'addiction lié à la jouissance", estime-t-elle, contactée par Le HuffPost. "Regarder ces vidéos produit de l'hypnose, de l'excitation physique, sensorielle, à partir d'une hyper-focalisation par le canal auditif", poursuit-elle.

Des témoignages qu'elle reçoit de ses patients, cette spécialiste du sommeil affirme qu'il se passe bel et bien quelque chose au niveau du cerveau, mais aussi au niveau hormonal. Selon elle, l'ASMR permet la diminution du stress en abaissant le taux de cortisol, la détente en augmentant la sérotonine et l'addiction en produisant de la dopamine.

"Tout l'intérêt pour le cerveau de ces vidéos, c'est le son binaural", explique-t-elle. Ce type de son, qu'on dit aussi "en 3D", donne l'impression d'être perçu dans le cerveau. Un son entre par une oreille, mais pas par l'autre et le cerveau doit alors calculer lui-même la différence de fréquence entre les deux. "Les sons binauraux modifient l'activité cérébrale. Ils favorisent une fréquence particulière, qui peut être une porte d'entrée du sommeil", poursuit la spécialiste.

"Si je n'en écoutais pas, j'aurais toujours des difficultés à m'endormir"

Quel que soit le mécanisme scientifique de ces vidéos sur le corps de ceux qui les regardent, les effets sont là, et ils sont bénéfiques. Clara, qui a des problèmes de sommeil depuis toute petite, admet qu'elle serait "déstabilisée" si elle "ne pouvait plus en regarder". "C'est un moyen très immédiat d'accéder à la relaxation, je n'ai aucun effort à faire. Je suis sans doute devenue plus 'accro' avec le temps. Mais en fait, ce qui se passerait si je n'en écoutais pas, c'est que j'aurais toujours des difficultés à m'endormir, comme par le passé. En gros, je n'ai jamais trouvé de substitutif aussi efficace et surtout inoffensif (pas d'effet secondaire)", raconte-t-elle.

Max, qui ne va pas jusqu'à se dire accro non plus, parvient à s'endormir sans regarder de vidéos ASMR. D'ailleurs, s'il ne peut pas dormir chez lui pour une raison ou pour une autre, il fait sans. Mais il sait qu'en "cas de petite insomnie, l'ASMR [l]'aide beaucoup". Ce qui lui arrive occasionnellement. "Cela me permet clairement de trouver le sommeil plus facilement. En général, une fois le portable posé sur la table de chevet, je dirais que je m'endors dans les 5-10 minutes", souligne-t-il.

Pour Clémence Peix Lavallée, tous les moyens pour se relaxer sont bons à prendre, surtout quand ils sont aussi inoffensifs que celui-ci. "Toute technique qui apaise et permet de se sentir bien devrait être utilisée. En plus, il s'agit là d'un phénomène naturel du corps, expérimenté par des gens normaux qui ont une vie normale", affirme-t-elle. Alors, pourquoi s'en priver?

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

VOIR AUSSI:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.