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Debbie Lynch-White était évidemment fébrile à l'idée de dévoiler au grand jour le fruit de ses efforts des dernières années...
Paméla Lajeunesse

La Bolduc elle-même aurait peut-être eu peine à y croire. Un nombre impressionnant d'invités de toutes les générations ont vibré au rythme des turluttes de la célèbre chansonnière québécoise, à la Place des Arts, lundi soir, alors que le tapis rouge était déroulé avec faste devant le Théâtre Maisonneuve pour la première du film La Bolduc.

Très attendue depuis plus d'un an, l'œuvre du cinéaste François Bouvier (Paul à Québec, Maman last call) raconte l'histoire de l'auteure-compositrice-interprète née Mary Travers, qui prend ici les traits de Debbie Lynch-White.

Émile Proulx-Cloutier (son mari Édouard Bolduc), Rose-Marie Perreault (sa fille Denise), Yan England (Fred Calvert, son gendre), Paul Doucet (Jean Grimaldi), Serge Postigo (son impresario, Romeo Beaudry) et Bianca Gervais (Juliette Newton) campent les membres de la famille et de la garde professionnelle de La Bolduc.

Debbie Lynch-White était évidemment fébrile à l'idée de dévoiler au grand jour le fruit de ses efforts des dernières années, lundi. La comédienne a notamment dû apprendre à jouer du violon et, bien sûr, à turluter pour les besoins de la production.

«Je suis très fébrile, très excitée, très heureuse, je suis fière du film, j'ai hâte que les gens le voient. Je pense qu'ils vont l'aimer. J'ai hâte de le partager. On est rendus là, à le donner», a souligné Debbie Lynch-White, qui a déjà vu sa vie être un tantinet transformée par La Bolduc.

«C'est sûr que La Bolduc va me suivre toute ma vie. Je pense qu'on va m'en parler longtemps. C'est le genre de rôle qui colle à la peau. Mais c'est un beau rôle et j'en suis très heureuse. Tout le courage dont elle a fait preuve, l'espoir qu'elle a donné aux gens, son côté bonne vivante m'ont beaucoup inspirée. Même si on vit des épreuves et qu'on a des obstacles, l'important, c'est la façon dont on se relève. La Bolduc en a vécu, des affaires, et on le voit dans le film. Des fois, ça relativise un peu nos petits problèmes...»

Tapis rouge du film «La Bolduc»

Féministe malgré elle

Le réalisateur François Bouvier a travaillé, de son propre aveu, «pendant quatre ou cinq ans» sur La Bolduc, en menant des projets à la télévision le reste du temps, comme les deux dernières saisons de Ruptures.

Une première version du scénario du long-métrage avait d'abord été livrée par les auteurs Frédéric Ouellet et Benjamin Alix, qui ont été en charge des premières recherches historiques liées à La Bolduc. Après quoi, François Bouvier s'est approprié cette trame.

«Il n'y a pas tant de choses qui ont été écrites sur La Bolduc et, bizarrement, ce qui est écrit est un peu contradictoire», a expliqué le maître d'œuvre de La Bolduc.

Au final, le film épouse la structure biographique traditionnelle, respectant la chronologie des événements tels que survenus dans la vie de La Bolduc et son entourage, mais n'a rien d'une musicographie, a précisé François Bouvier.

«Je disais toujours à Debbie qu'on racontait l'histoire d'une mère de famille qui est devenue chanteuse, et non le contraire, a dépeint ce dernier. Ce n'est pas une chanteuse qui est aussi mère de famille. Il y a deux ou trois pôles dramatiques comme celui-ci, dans un cadre historique : on parle de religion, de la pression des curés, de la société, du féminisme.»

Dans La Bolduc, le parcours de l'interprète des classiques Ça va venir, découragez-vous pas, La Bastringue et J'ai un bouton sur le bout de la langue est exposé en parallèle avec celui de la femme politique Thérèse Casgrain, militante assumée, qui a concrètement - et de son plein gré - fait avancer la cause des femmes dans la société à l'époque de la gloire de La Bolduc, dans les années 20, contribuant notamment à l'obtention du droit de vote pour les femmes. Thérèse Casgrain est ici personnifiée par Mylène Mackay.

«La Bolduc, elle, était féministe sans le savoir et sans même le vouloir, a ajouté François Bouvier. Ce qui était important, c'était de raconter l'histoire de cette mère de famille qui devient une méga star malgré elle, et qui est en conflit avec sa fille [qui voulait devenir actrice, ce que sa mère désapprouvait, ndlr]

«On a présenté La Bolduc au Festival du film de l'Outaouais [présentement en cours, ndlr]. Il y avait des descendants de La Bolduc qui étaient là, et ils disaient tous que ça correspondait exactement à ce qu'on avait dit sur leur aïeule. Eux ne voyaient pas de contorsions ou d'aberrations historiques», a fièrement informé François Bouvier.

Révolution involontaire

En incarnant Édouard Bolduc, Émile Proulx-Cloutier a, de son côté, donné une voix à un homme qui a été ébranlé par l'évolution des mentalités... alors que cette évolution se jouait sous son toit, et qu'il en était un des principaux acteurs.

«Ce gars-là n'avait personne à qui parler de ce qu'il vivait, a signalé Émile Proulx-Cloutier. Il prend en pleine gueule, de plein fouet, les changements qui vont frapper le Québec quelques décennies plus tard. Lui, il les reçoit beaucoup plus tôt que tout le monde, et d'une façon radicale : non seulement sa femme se met à travailler et à gagner plus que lui, mais elle devient aussi une superstar, hyper connue, qui amène beaucoup, beaucoup d'argent à la maison. C'est un changement de vie drastique et une perte de repères, pour lui.»

«Mine de rien, La Bolduc, c'est comme l'histoire d'une révolution involontaire, a continué le comédien. Quand la société change, les plaques tectoniques bougent, nos comportements doivent s'ajuster, et ça crée forcément des moments où on est un peu perdus. Le timing est incroyable, parce qu'on a tourné tout ça bien avant l'automne 2017 [et le mouvement #MoiAussi, ndlr]. Ce n'est pas du même ordre mais, cet automne, beaucoup d'hommes se posaient la question : «Mais dorénavant, comment il faut se comporter? Pourquoi ce qui était acceptable avant ne l'est plus?» Tout à coup, devant la rapidité de l'histoire, il y a des gens qui ont le mal des transports, et c'est normal.»

«Édouard Bolduc n'est pas face à un changement collectif ; il est dans un changement qui ne frappe que lui. Et sa femme n'avait pas le projet de changer le monde ; elle avait le projet de... manger. Juste la base! Sur le plan de l'art dramatique, c'était très intéressant.»

Proulx-Cloutier voit également dans le cheminement de La Bolduc un reflet précurseur de l'actuelle discussion sur la place des femmes en musique.

«On a souvent tendance à dire qu'il faudrait faire davantage de place aux femmes, ce qui est vrai. Mais on oublie toujours de raconter que l'Abraham de la chanson québécoise, ce n'est pas un homme : c'est elle! La Bolduc est arrivée avant Vigneault, avant Leclerc, avant tout le monde. Et il n'a pas fallu que la France nous dise qu'elle était bonne pour qu'elle existe...», a complété l'artiste, mentionnant par ailleurs qu'au-delà des recherches documentaires, il tenait d'abord et avant tout à rendre «crédible, attachant, réel» le couple qu'il faisait vivre avec Debbie Lynch-White.

«Je voulais que ça soit deux vrais humains, réels, avec des nuances, des contradictions, qui ont du vrai plaisir ensemble, une sensualité, une profonde affection l'un pour l'autre, et non juste des petites figurines de l'ancien temps.»

La Bolduc prendra l'affiche le vendredi 6 avril. Le disque de la trame sonore du film, composée des chansons de La Bolduc, est déjà disponible, depuis la fin 2017.

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