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Jeudi soir, on retrouvait la chanteuse qui transporte, qui émeut.
Peter Lindbergh via Facebook/Isabelle Boulay

Isabelle Boulay ne prend pas la scène à la légère. Être une interprète, dit-elle, c'est «aimer les chansons par-dessus tout et [se] mettre à leur service, leur donner un souffle, une vie».

Jeudi, la dame a pris possession du Théâtre Maisonneuve et a délivré les précieux textes et mélodies de son répertoire, de sa voix aux contours de diamant, inaltérable et majestueuse.

Ces dernières années (2014, 2015, 2017), on avait davantage entendu Isabelle Boulay poétiser ses compliments, comme coach à La voix. Pas qu'on avait oublié la grande interprète qu'elle est, parce que Merci Serge Reggiani (2014), de même que son dernier opus, le joli et varié En vérité, lancé au printemps dernier - et qui donnait d'ailleurs lieu à cette rentrée montréalaise auréolée de la bannière du festival Montréal en lumière – ont continué de consacrer son talent unique. Mais on avait l'impression d'avoir un peu perdu l'essence de l'artiste elle-même dans le labyrinthe bruyant et clinquant de TVA.

Jeudi, c'était flagrant. On retrouvait la chanteuse. Tout simplement. Celle qui chante, qui transporte, qui émeut. Qui irradie loin devant. Sans «machine», devant ou derrière. Avec seulement cette scénographie impressionnante, faite de projections aussi oniriques que colorées, ce cercle projetant des univers abstraits, pour la porter au-delà des sons.

Dans cette mise en scène qui la mettait en valeur, mais aussi très sobre et mature, on a redécouvert la puissance du coffre de Boulay, son intensité, sa vérité. Ses toutes petites histoires racontées entre les morceaux, sa gestuelle investie, son aisance. Sa tendresse, comme sa ferveur, par moments, presque coup-de-poing. On la sait et on la voit entière et passionnée.

Cliché, que d'affirmer qu'une telle force vocale émanant d'une si menue personne jette littéralement au plancher, mais bon sang que c'est vrai.

Vous avez déjà entendu Isabelle Boulay pousser sa bien-aimée Still Lovin You, de Scorpions, qui lui servait à attirer l'attention des garçons à l'adolescence? «Un des plus beaux «sentimentals» que je connaisse», badine-t-elle, référant au contexte de l'anecdote. Du grandiose. De battre, nos cœurs auraient pu s'arrêter.

Or, myrrhe et encens

Les gens adorent Isabelle Boulay. Les «bravos» qui ont fusé de la salle après plusieurs titres, les ovations nourries, l'ont bien démontré.

Ces élans d'enthousiasme ont été généreux sur l'immortelle Jamais assez loin. Plus tard, aussi, sur la douce Mieux qu'ici-bas. Et mon cœur en prend plein la gueule produit toujours ce frisson au corps. De Parle-moi, on n'a pas à parler, la foule s'est aussitôt levée pour manifester son appréciation. S'est enchainée la réclamation d'un rappel en tapements de main cadencés, et la réponse fut Entre Matane et Bâton Rouge, toujours aussi savoureusement country.

Quand elle entonne Reggiani, c'est la manne en retour, la liesse à ses pieds. D'abord, Ma fille. Bien sûr. Ça allait de soi, l'accueil chaleureux aussi. Puis, Si tu me payes un verre, envoûtante. Et redite chez les spectateurs, en apparence immobiles, mais ô combien attentifs.

Il était tranquille, ce parterre de l'enceinte de la Place des Arts. Mais il buvait quand même les paroles de sa reine. Les nouvelles pièces ont été gratifiées d'une réception semblable aux bijoux du passé, ultime preuve d'ouverture d'un public amoureux.

Il faut dire que les auteurs-compositeurs qui ont dorloté Boulay d'or, de myrrhe et d'encens musicaux, récemment, n'ont pas été chiches. Les cadeaux étaient à la hauteur de l'aptitude de celle qui les méritait.

Mon amour, envolée solennelle aux parfums de Brel signée Benjamin Biolay, était parfaite aux balbutiements du programme, alors que se dessinait la contrebasse au cœur de l'obscurité, dans un début d'éclairage rouge foncé. Peu à peu, batterie, claviers, guitare et basse ont jailli de l'ombre avec leurs propriétaires.

Juchée sur la passerelle où elle s'est promenée et a dansé toute la soirée, Isabelle Boulay partageait quand même la vedette avec chacun dans cette disposition qu'elle a elle-même décidée. Ce doit être là une autre qualité d'une interprète d'exception, de distribuer encore et toujours autour d'elle ce qu'elle reçoit.

Autre offrande de Biolay, Toi moi nous, a précédé Le train d'après, d'Alex Nevsky, puisNashville, de Cœur de pirate, qui nous amène à «emprunter les chemins de notre enfance», a décrété Boulay. Discrète sur sa vie privée, la rouquine a rendu hommage à son fiancé mi-français, mi-italien, en introduction d'Una Storia d'amore, en italien. Elle a fait mine de serrer quelqu'un dans ses bras aux dernières secondes de la canzone : le public ou l'amoureux?

L'extrait d'un mot de Carla Bruni, auteure du Garçon triste, dont le clip a alimenté les discussions, a présenté ladite ballade, arrangée par Julien Clerc, ami d'Isabelle.

Charmant épisode que celui de cette cassette remise par Luc Plamondon et Richard Cocciante à une jeune Isabelle Boulay de 21 ans, qui quittait son rôle de Marie-Jeanne dans Starmaniapour voler de ses propres ailes. On a reconnu les premières notes du contenu de l'objet désormais désuet, Je t'oublierai, je t'oublierai.

Parce qu'elle vient de parents ouvriers, l'inspirée enchanteresse se décrit aussi comme une «ouvrière» de la chanson. Devient alors tout indiquée la symbolique Les mains d'or, de Bernard Lavilliers, récit d'une fermeture d'usine de métallurgie dans le sud de la France, drame universel s'il en est.

Il y eut aussi Won't Catch Me Cryin', de Willie Nelson, ainsi qu'En vérité, emblème du nouveau droit emprunté par Isabelle Boulay, toujours dans l'authenticité d'une interprète transcendante, plus grande que grande, habitée et dévouée.

Le 19 festival Montréal en lumière se termine dimanche, le 4 mars.

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