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Pourquoi «Queer Eye» de Netflix est bien plus qu'une simple émission de relooking

Des bons conseils, de l'humour et des «yaaasss!»... mais aussi un regard touchant sur l'Amérique de Trump.
Getty Images

Envoyer cinq homos spécialistes des dernières tendances à la rescousse d'un pauvre hétéro qui se laisse totalement aller: annoncé en janvier 2017, le principe de l'une des toutes premières émissions de télé-réalité de Netflix sentait le concept dépassé à plein nez.

Avec ses experts en mode, coiffure, décoration d'intérieur, cuisine et culture, "Queer Eye" avait de quoi faire redouter un énième "Nouveau look pour une nouvelle vie", avec une touche de "Maison France 5" et louche de "Masterchef". Le tout enrobé dans un océan de clichés.

Arrivé discrètement sur la plateforme de vidéo à la demande ce 7 février, le résultat final est tout autre et s'attire les compliments de la critique comme de beaucoup de téléspectateurs américains. Après avoir visionné la saison 1 et ces huit épisodes, Le HuffPost comprend pourquoi.

Des ingrédients clés

L'idée même de "Queer Eye" n'est pas nouvelle, Netflix propose ici un reboot de "Queer Eye For the Straight Guy", émission à succès diffusée pendant cinq saisons sur le câble américain au milieu des années 2000.

Le nouveau programme reprend logiquement tout ce qui avait fait le succès de l'émission originale et qui plaît dans les émissions de relooking. On retrouve d'abord les rires en découvrant les vêtements informes, les yeux écarquillés devant le contenu d'un frigo, puis les moments plus intimes où se révèlent les origines d'un mal-être, avant de finir par des larmes de joie en voyant la transformation finale et le pouvoir qu'elle a sur la confiance en soi.

"Queer Eye" apporte en plus de cela sa marque de fabrique en jouant à 200% la carte LGBT (enfin G, plus qu'autre chose). La saison se déroule dans une ambiance survoltée, rythmée à grands coups de "yaaasss!", où l'on s'amuse des clichés pour mieux se les approprier ou les démonter. Mais la série sait aussi être plus sérieuse sur le sujet comme elle le montre lors d'un épisode particulièrement émouvant, entièrement consacré à un coming-out difficile.

Un environnement pertinent

L'un des relookeurs l'affirme dès les premières minutes de la saison 1: "L'émission originale se battait pour que nous soyons tolérés, cette fois notre combat est de faire en sorte que nous soyons acceptés". En 2018, alors que les personnalités et personnages LGBT sont plus visibles que jamais, diffuser un programme mettant simplement en lumière le fait que les hommes homosexuels existent aurait effectivement été d'une platitude sans nom.

Contrairement à "Relooking Extrêmes" et consorts, le programme de Netflix ne veut pas seulement divertir en apprenant aux candidats à mieux s'habiller ou mieux manger. L'idée semble d'aussi inviter à la réflexion et de prendre de la hauteur, en intégrant l'évolution du contexte social et politique aux États-Unis et en abordant des problématiques actuelles qui dépassent les frontières de la communauté LGBT.

Alors que la série originale se déroulait principalement à New York, "Queer Eye" a choisi de poser ses valises à Atlanta, la capitale du très conservateur et rural État de Géorgie. Dans une Amérique profondément divisée, ce déménagement génère des rencontres avec des candidats à l'opposé de ce que représentent et pensent les membres du groupe.

L'équipe -qui se veut beaucoup plus diverse avec un expert noir et un autre musulman- vient à la rescousse d'un candidat chez qui ils découvrent une casquette rouge "Make America Great Again", le slogan du président républicain, et des panneaux "Votez Trump/Pence". Les relookeurs, surnommés le "Fab5", se retrouvent plus tard dans une famille très religieuse. Un autre séquence s'ouvre sur le mauvais canular d'un policier blanc qui crée un malaise désagréablement palpable chez l'expert afro-américain. À chaque fois le sujet source de tension est abordé dans l'épisode, des ravages de certains discours religieux aux violences policières.

Mais télé-réalité oblige, tout est bien qui finit bien: les conversations de fond ne durent que cinq à 10 minutes sur quarante-cinq et chacun semble toujours en ressortir toujours grandi, davantage à l'écoute de l'autre. Un programme dégoulinant d'optimisme, certes, mais qui a tout de même le mérite de mettre l'accent sur le dialogue comme début de solution à toute méfiance. Et, à l'heure où les États-Unis s'écharpent sur leurs politiques, leurs valeurs ou leurs armes comme jamais, c'est étonnement agréable.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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