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Une ségrégation entre riches et pauvres s'installe à Montréal

La classe moyenne est en train de disparaître de la métropole québécoise.
Guy Banville via Getty Images

Les plus grandes villes du Canada sont en voie de devenir des îles d'isolation culturelle, alors que les inégalités économiques s'agrandissent et que leurs quartiers deviennent de plus en plus polarisés, préviennent des chercheurs.

Le résultat, soutiennent-ils, pourrait être une société fracturée, méfiante où un terrain d'entente entre différents groupes serait difficile à trouver.

Selon des données compilées par des chercheurs menés par le professeur de l'Université de Toronto, David Hulchanski, les quatre grandes villes canadiennes - Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary - voient leurs quartiers occupés par des citoyens de la classe moyenne disparaître, remplacés par des quartiers de plus en plus isolés entre des endroits considérés riches et d'autres pauvres.

Tenants in the Toronto neighbourhood of Parkdale protest rent hikes and evictions amid the city's rapidly rising housing costs on March 16, 2017.
Carlos Osorio via Getty Images
Tenants in the Toronto neighbourhood of Parkdale protest rent hikes and evictions amid the city's rapidly rising housing costs on March 16, 2017.

Grâce au dernier recensement, les chercheurs ont découvert que cette tendance des dernières décennies, soit un changement profond, se poursuivait.

En 1980, 60% des citoyens qui ont rempli le recensement à Toronto vivaient dans des quartiers occupés par la classe moyenne. En 2015, ce pourcentage n'était que de 28%, ont noté les chercheurs.

Ces quartiers ont été remplacés par des secteurs riches (de 12% à 21%) et pauvres (de 28% à 51%).

Une tendance similaire, mais moins prononcée, s'est aussi installée à Montréal, Vancouver et Calgary.

Selon le professeur Hulchanski, Toronto «n'est plus une ville de quartiers - c'est une collection d'îles isolées par le revenu», a-t-il écrit dans un blogue signé en compagnie de Michelynn Laflèche de United Way.

Les banlieues vivent aussi ce phénomène. Par exemple, la région de Peel, près de Toronto, a vu des quartiers pauvres exploser de 2% à 52% entre les recensements de 1980 et 2015.

Voici un graphique montrant l'augmentation des inégalités dans les régions métropolitaines du Canada entre 1970 et 2015, compilé par l'organisme Neighborhood Change. Depuis l'an 1970, les inégalités ont grimpé de 17% à Montréal, et de 6% depuis l'an 2000.

This chart shows inequality rising in all four of the largest metro areas in Canada since 1970, with Toronto experiencing the greatest increase in inequality.
NeighbourhoodChange.ca
This chart shows inequality rising in all four of the largest metro areas in Canada since 1970, with Toronto experiencing the greatest increase in inequality.

«Ce que vous voyez, c'est la séparation des gens, a expliqué au HuffPost Canada Mme Laflèche, vice-présidente de la stratégie de recherche et politique chez United Way de Toronto et York. Il y a 30 ans, les gens vivaient joue contre joue, les familles à revenus élevés, moyens et faibles.» Cela générait «un sens commun d'appartenance, un sens commun de qui l'on est», quelque chose que nous perdons dans les villes aujourd'hui, soutient Mme Laflèche.

Alors qui, ou quoi, peut-on blâmer? Il y a quatre causes larges de la disparition des quartiers à revenus moyens selon le professeur Hulchanski.

  • Un marché de l'emploi en changement. Comme plusieurs pays développés, le Canada a noté une baisse dans les emplois manufacturiers syndiqués et bien payés, remplacés par des emplois moins payants dans le secteur des services.
  • Un marché immobilier inabordable. Dans les dernières décennies, les villes se sont désintéressées de la construction et de la demande en logements sociaux et abordables, laissant la problématique dans les forces du marché.
  • Taxes et transferts. Dans les années 1990, le Canada a subi des coupes majeures en dépenses sociales, et depuis, il y a eu des successions de baisses d'impôts. Les baisses en dépenses sociales ont touché particulièrement les pauvres, alors que les baisses d'impôts ont disproportionnellement favorisé les riches.
  • Discrimination: Le nombre croissant de minorités visibles chez les immigrants dans les dernières décennies a fait de la discrimination plus qu'une problématique de bien-être pour les familles canadiennes. «Les immigrants racisés en particulier rapportent qu'ils subissent des niveaux de discrimination beaucoup plus élevés en ce qui concerne l'embauche et l'avancement en entreprise», a soutenu Mme Laflèche.

Qu'est-ce qui peut être fait pour améliorer la situation?

La première étape, selon Mme Laflèche, est l'atténuation.

«Nous avons besoin d'améliorer les revenus de ceux qui réussissent moins bien, par exemple en créant des échelles de carrière plutôt que des emplois sans avenir», affirme-t-elle.

Mme Laflèche demande des programmes pour «stimuler et promouvoir le développement économique local qui sert les gens déjà là dans les quartiers pauvres».

Ceux qui sont entrés sur le marché il y a 20 ans ont maintenant un avantage que les nouveaux acheteurs d'aujourd'hui n'auront jamais.Michelynn Laflèche, vice-présidente de la stratégie de recherche et politique chez United Way

Le pays a besoin également d'une nouvelle approche au logement, dit-elle, alors que le secteur exacerbe l'inégalité. «Ceux qui sont entrés sur le marché il y a 20 ans ont maintenant un avantage que les nouveaux acheteurs d'aujourd'hui n'auront jamais», note-t-elle.

Pour diminuer la pression sur les coûts du logement, «nous devons nous allier au secteur privé pour construire des logements abordables», plaide-t-elle.

«On ne peut changer tout ça du jour au lendemain»

Les emplois précaires sont une problématique qui doit également être réglée, selon elle. Le Canada a construit un filet social, comme l'assurance-emploi, qui permet à des gens de passer à travers les moments difficiles. Aujourd'hui, nous avons peut-être besoin de nouveaux programmes pour répondre à de nouveaux problèmes.

«Comment fait-on pour que les bénéfices de la croissance économique soient partagés à un plus grand nombre de personnes?», demande Mme Laflèche.

«On ne peut changer tout ça du jour au lendemain, ça s'est produit au cours des 30 dernières années... Et ça devra être une approche à plusieurs volets pour le régler.»

Ce texte initialement publié sur le HuffPost Canada a été traduit de l'anglais.

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