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« La meute » : la pièce ultra violente de Catherine-Anne Toupin

Catherine-Anne Toupin roule également sa bosse comme dramaturge depuis des années.
Kelly Jacob

Interprète de la lumineuse Karine dans Boomerang et la provocatrice Shandy dans Unité 9, Catherine-Anne Toupin roule également sa bosse comme dramaturge depuis des années. Auteure de la pièce À Présent, présentée à Montréal en 2005, avant d'être encensée à Londres en 2016 et d'être jouée un peu partout dans le monde, elle jouera sous peu le premier rôle de La Meute, une pièce qu'elle décrit comme ultra violente.

Tu as expliqué à Tout le monde en parle que ton écriture avait été influencée par la réaction de plusieurs téléspectateurs à la colère de Marie Lamontagne dans Unité 9. Comme si le public n'était pas prêt à accepter la violence d'une femme. De quelle façon?

J'avais déjà toute mon histoire en tête et je savais exactement où je voulais m'en aller. La réaction des gens a été l'élément déclencheur de l'écriture elle-même. Je me suis dit que je tenais un bon filon en explorant la violence au féminin et la violence tout court. C'est dans l'air du temps.

Trouves-tu que la violence est plus présente qu'avant?

En ce moment, il y a une forme de violence qui teinte le discours collectif, en s'insinuant dans nos esprits sans qu'on s'en rende compte. Elle change notre rapport aux autres, surtout à ceux qui sont différents de nous. Il y a quelque chose qui gronde. C'est important de s'arrêter et d'en prendre conscience. À force d'entendre des propos inacceptables tous les jours, on devient perméable à ça. Dans la pièce, je présente des personnages victimes et/ou bourreaux qui posent des gestes inacceptables, tellement ils sont désensibilisés.

Ton personnage, Sophie, est une femme de 40 ans sans travail et sans estime d'elle-même, qui fuit quelque chose ou quelqu'un, avant de trouver refuge. Est-ce que les spectateurs découvrent rapidement ce qui la terrorise?

Mon désir, c'est qu'on ne sache rien de la pièce. Je trouve qu'on en a déjà trop dit durant la promotion. Je sème des indices dans la pièce pour créer un suspense, mais c'est seulement durant les 15 dernières minutes qu'on arrive à mettre ensemble les morceaux du puzzle.

Au gîte, elle est accueillie par sa tante Lise et un dénommé Martin. Qui sont-ils?

Deux personnes hyper chaleureuses, drôles et gentilles. Martin traverse une période très difficile : il a perdu son emploi et il a de la difficulté à trouver ses assises dans le monde. Sophie et lui viennent de milieux très différents. Ils n'ont pas grand-chose en commun. Ils apprennent à se découvrir avec leurs bagages lourds, comme deux bateaux qui se croisent dans la nuit. On se demande s'ils vont être un Titanic l'un pour l'autre ou s'entraider.

Est-ce percutant du début à la fin?

Il y a plusieurs moments pendant lesquels on respire. Les trois personnages sont humains, drôles et vrais. Par contre, on sent que quelque chose gronde en dessous et ça nous inquiète. La pièce ne finira pas bien. Les personnages seront transformés par la violence et vont tomber dans un cercle vicieux en commettant des actes inacceptables dont on va être témoin.

Comment décrirais-tu ton style?

J'aime explorer les méandres sombres de l'âme humaine et les pulsions cachées qui sommeillent en chacun de nous. J'aime aussi mettre en scène des personnages qui s'entrechoquent, lorsque leur colère remonte malgré eux à la surface.

Est-ce que le fait d'écrire la pièce à Londres a influencé ton travail?

Absolument. Comme j'étais dans une autre bulle créatrice, je suis allée dans des zones où je n'étais jamais allée auparavant. Aussi, le fait d'être dans un endroit où personne ne pose un regard préconçu sur ce que tu fais permet d'aller ailleurs. Je dirais même que la pièce propose un discours engagé. J'ai été très influencée par le théâtre londonien, très politique, audacieux et engagé. J'allais voir trois ou quatre pièces par semaine. J'avais envie d'aller loin avec ma pièce et que les gens soient déstabilisés.

De quelle façon ton écriture complète ton plaisir de jouer?

Ce sont deux trucs très différents. Être comédien, c'est un travail d'équipe réalisé dans la collégialité. Même si on aborde des choses difficiles, il y a énormément de plaisir sur les plateaux. Dans Unité 9, j'ai beaucoup de fun, même si je tourne des scènes heavy. À l'inverse, quand j'écris, je suis toute seule et je peux passer deux ou trois jours sans rien faire de bon. C'est dégueulasse comme sentiment. C'est un métier très difficile, mais je me force à le faire, parce qu'il y a quelque chose d'essentiel là-dedans. J'adore jouer, mais à un moment donné, j'ai besoin d'avoir une parole qui m'est propre, pour ne pas seulement incarner les idées des autres.

Cet hiver, on te retrouve dans Unité 9. Dirais-tu que Shandy tend vers une violence plus affirmée qu'avant?

Elle est passée du côté obscur de la force. Elle a coupé les ponts avec tout le monde et elle est usée par la violence, les drogues et le système carcéral. Elle a repoussé toutes les mains tendues vers elle. Quand un personnage n'a plus rien à perdre, il devient dangereux. Cet hiver, il y a un épisode en particulier, un de mes préférés depuis le début, où l'on plonge vraiment dans la violence du système. Les filles ont besoin de canaliser leur rage contre quelqu'un. Il y a des gens qui vont payer...

Boomerang a récolté d'importantes cotes d'écoute l'automne dernier, mais plusieurs médias et téléspectateurs ont critiqué le côté cacophonique de la dernière saison, en affirmant que leurs limites avaient été dépassées. Comment réagis-tu à ça?

Je ne regarde pas trop les critiques. Je suis très fière de notre troisième saison, surtout de la ligne dramatique entre Patrick et Karine, à propos de leur séparation. Ceci dit, peut-être que dans certaines scènes, on a un peu trop poussé le fait que tout le monde habite ensemble et essaie de parler plus fort que les autres. C'est possible. En comédie, en voulant faire de notre mieux, on en fait peut-être un peu trop, parfois.

À quoi doit-on s'attendre pour la quatrième saison, qui sera diffusée à l'automne 2018?

Après avoir perdu son foodtruck, à cause d'une histoire de recel, Patrick doit rester chez Pierre et Monique, en respectant un couvre-feu. On retourne donc dans un espace clôt où tout le monde est pogné ensemble, avec deux filles enceintes qui sont pleines d'hormones, deux chums stressés par la venue des bébés et des grands-parents qui essaient de se positionner. On continue sur une belle lancée.

La pièce « La Meute », mise scène par Marc Beaupré, sera présentée à La Licorne du 16 janvier au 17 février 2018. Cliquez ici pour plus de détails.

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