Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
Au Québec, le gouvernement provincial a accepté de se pencher sur l'idée d'une taxe dans le cadre de sa politique de prévention en santé.
Jim Young / Reuters

Montréal se penchera lundi sur une motion pour réclamer au gouvernement fédéral une taxe d'accise sur les boissons sucrées. Le but est de réduire la consommation de celles-ci dans le but de freiner l'épidémie d'obésité et réduire les cas de diabète de type 2. Mais... est-ce efficace?

Oui, répond sans équivoque Corinne Voyer, directrice de la Coalition poids.

«Pourquoi on vise les boissons sucrées? Parce que c'est la seule pratique alimentaire bien documentée qui contribue non seulement à l'obésité, mais aux maladies cardiovasculaires, à la carie dentaire et au diabète de type 2», affirme-t-elle.

Mme Voyer s'est présentée devant les médias jeudi pour appuyer Marvin Rotrand, initiateur de la motion montréalaise. Elle était accompagnée de représentants de la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC, du Regroupement pour un Québec en santé et de l'organisme Capsana, initiateur du Défi Santé.

Plusieurs recherches menées au Canada et à l'international dressent un lien entre les boissons sucrées et divers problèmes de santé. Ces boissons comprennent les boissons gazeuses, les boissons aux fruits, les boissons énergisantes, les eaux aromatisées, les thés sucrés, les boissons sportives comme le Gatorade ainsi que les laits aromatisés et les yogourts à boire comme le Yop.

M. Rotrand souligne qu'une étude de l'Université Waterloo estime qu'une taxe sur les boissons sucrées éviterait plus de 13 000 décès dus à des maladies liées à l'obésité au cours des 25 prochaines années. Les recettes fiscales et les économies pour le système de la santé se chiffreraient à plus de 55 milliards de dollars sur la même période.

Est-ce que ça marche?

Plusieurs études montrent que les taxes ont un effet réel sur les achats de boissons sucrées. Les Mexicains – qui demeurent les plus grands consommateurs de Coca Cola au monde – ont imposé une taxe en 2013. Ils ont réduit leurs achats de boissons gazeuses et autres produits sucrés de 17% après quelques années. La ville californienne de Berkeley a connu des résultats semblables.

Mais... est-ce que cela réduit les taux d'obésité ou de diabète? Peu de recherches existent à ce sujet, principalement parce que la mesure est encore trop récente. Les estimations de l'Université de Waterloo sont une projection basée sur une réduction potentielle du tour de taille due à une réduction escomptée de la consommation de sucre.

La même recherche souligne que la consommation de boissons sucrées par habitant a déjà diminué de 13,2% au cours des dernières années, en l'absence de taxation spécifique. L'achat de boissons gazeuses a diminué de 27%.

Cette diminution s'est faite alors même que les taux d'obésité continuent de grimper au pays et au Québec. Une note émise par l'Institut économique de Montréal en 2012, qui s'appuyait sur des chiffres semblables, estime donc qu'une taxe sur les boissons gazeuses n'aura aucun effet sur la santé publique.

«Une taxe sur les boissons sucrées ne serait qu'un geste politiquement motivé, s'attaquant de manière arbitraire à un bouc émissaire commode», affirme le Dr David Gratzer dans la note de l'IEDM.

L'Institut souligne qu'une diminution légère du nombre de calories ingérées serait compensée par une modification du métabolisme du consommateur. Celui-ci serait également porté à remplacer sa boisson sucrée par d'autres options caloriques.

Les chercheurs de l'Université de Waterloo soulignent tout de même que les boissons sucrées continuent à elles seules de faire en sorte que le Canadien moyen dépasse chaque jour la limite recommandée de consommation de sucres libres.

Une option populaire

L'idée de taxer ces produits pour en réduire la consommation semble pourtant naturelle pour certains. En plus du Mexique, le Royaume-Uni et plusieurs autres pays ont introduit de telles mesures, tout comme certaines villes des États-Unis.

Au Québec, le gouvernement provincial a accepté de se pencher sur l'idée d'une taxe dans le cadre de sa politique de prévention en santé, après s'y être initialement opposé.

Le gouvernement fédéral n'a toutefois pris aucun engagement jusqu'à présent, se limitant aux questions d'étiquetage des aliments.

M. Rotrand a déjà proposé une motion semblable au conseil municipal de Montréal en 2014. À l'époque, le maire Denis Coderre s'y était opposé. M. Coderre a toutefois changé son fusil d'épaule lors de la récente campagne électorale en proposant une taxe de 5%.

La Loi 122, qui accorde un pouvoir de taxation aux municipalités, ne permet pas de taxer les biens de consommation. D'où l'idée d'une motion pour réclamer une taxe d'accise fédérale.

Lionel Perez, qui a pris les rênes du parti de M. Coderre après la défaite du 5 novembre dernier, affirme que son parti soutiendra la motion de M. Perez. Il proposera même un amendement pour s'assurer que les municipalités reçoivent une portion des revenus de la taxe.

Quant à Projet Montréal, aujourd'hui au pouvoir, le parti avait appuyé M. Rotrand en 2014.

La taxe d'accise diffère d'une taxe de vente comme la TPS et la TVQ. Elle est appliquée au producteur plutôt qu'au consommateur. Ce qui signifie que des boissons dont le sucre est ajouté au comptoir, comme le café, seraient exemptées.

À voir aussi:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.