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La cuisine de rue est une catastrophe à Montréal

Onze détenteurs de permis ont répondu au HuffPost Québec et ils avaient tous des critiques sévères à l'égard du programme.
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Pas rentable. Mal géré. Ridicule. De nombreux propriétaires de camions de «bouffe» de rue ont des mots très durs à l'égard du programme de cuisine de rue de Montréal. Plusieurs pensent abandonner le projet.

La Ville de Montréal a lancé jeudi un nouvel appel de candidatures en vue d'octroyer les permis de cuisine de rue pour la saison 2018. Le HuffPost Québec a contacté la trentaine de détenteurs de permis actuels et a reçu onze réponses. Tous avaient des critiques sévères à l'égard du programme.

«Pour nous, cet été, on a connu la saison la plus difficile depuis 2013. Les emplacements avec la Ville, ça fonctionne de moins en moins», affirme Pascal Salzman, propriétaire du Cheese Truck.

«J'ai trois camions: le King Bao, le Pheonix 1 et le Queen B. Aucun n'a fait de l'argent dans les rues cette année. On est vraiment dans le rouge pour le centre-ville», ajoute Olivier Berkani.

M. Berkani prédit que la cuisine de rue sera une chose du passé d'ici deux ans. Le Pinokio et L'Assommoir ont cessé ou songent à cesser leurs activités alors que d'autres propriétaires pourraient délaisser la rue pour se concentrer sur les festivals et les événements corporatifs.

Des sites peu rentables

M. Salzman affirme que ses ventes ont diminué de moitié par rapport à 2016. Selon le restaurateur, la météo a pu être un facteur, mais le principal problème se trouve dans les sites choisis par la Ville pour stationner les camions.

Les emplacements avec la Ville, ça fonctionne de moins en moins. C'est une question de nous mettre aux bons endroits.Pascal Salzman, propriétaire du Cheese Truck

Même son de cloche du côté d'Annie Clavette, propriétaire du restaurant Le Gras Dur et des camions DAS Truck, Burger Truck et Bacon Truck.

«On est toujours à peu près à 50 m du pôle où ce serait le mieux. [...] Mercredi, ça m'a coûté 40$ et ça m'a rapporté seulement 180$ de ventes, moins les taxes. Ça ne remplace pas l'essence, le propane, les salaires, les assurances, le permis MAPAQ, etc.», affirme-t-elle.

Par exemple, un site très prisé, le petit lot gazonné entre le CHUM et le square Viger, a été modifié. Cet été, les camions ont dû se stationner sur la rue Viger plutôt que directement aux abords du parc.

«Maintenant, il faut que les clients traversent une rue très achalandée et il n'y a pas de table à pique-nique. Le "spot" est zéro propice. Ç'a été le calvaire», affirme Pierre-André Doiron, propriétaire du Gaspésie.

Des commentaires semblables ont été reçus de la part des propriétaires du Duck Truck, du Phoenix 1, de L'Assommoir, du Tuk Tuk, du Winneburger, de Gaufrabec et du Dim Sum Mtl.

Sites occupés par la construction

Selon les divers propriétaires contactés, le système actuel manque de flexibilité. Contrairement aux années passées, les opérateurs de camions doivent payer chaque fois qu'ils décident de sortir dans la rue. Plutôt que de payer 1200$ pour la saison estivale, ils paient 300$ et dépensent jusqu'à 45$ supplémentaires chaque fois qu'ils sortent, selon les emplacements.

Ils doivent réserver leur site et leur plage horaire deux semaines à l'avance. Les annulations doivent être faites 48h à l'avance. Du coup, plusieurs perdent carrément leur argent si la météo change.

Pire, dans plusieurs cas, les propriétaires se sont rendu compte sur place que le site réservé était occupé par un chantier de construction ou par un événement ponctuel. Ils ont alors été redirigés vers un autre emplacement, mais trop tard pour profiter pleinement de l'achalandage du midi. Leur argent n'a pas été remboursé.

«Ça m'est arrivé une douzaine de fois cette année», déplore le propriétaire du Winneburger, Jacques Séguin.

Cuisine de rue à Montréal

Plusieurs propriétaires déplorent une diminution des ventes alors que le prix du permis, une fois les sorties tenues en ligne de compte, a plus que doublé. Il aurait même quintuplé pour les camions qui sortent le plus.

L'OBNL qui gère le calendrier des emplacements, l'Association des restaurateurs de rue du Québec, n'a pas répondu à la demande d'entrevue du HuffPost Québec.

Du côté de l'administration municipale, on affirme que la situation sera évaluée et commentée à une date ultérieure.

«Robert Beaudry, le responsable du développement économique et commercial au comité exécutif de la Ville, rencontrera son équipe dans les prochains jours pour avoir un état des lieux complet et voir quelles solutions pourront être apportées l'an prochain», indique l'attaché de presse du comité exécutif, Youssef Amane.

Comme à Toronto

Lundi, la propriétaire de Gaufrabec, Anissa Benomar, s'est présentée devant le nouveau conseil municipal de Montréal pour réclamer une réglementation plus souple, à l'image de ce qui se fait à Toronto.

Dans la Ville Reine, la cuisine de rue a été fortement déréglementée. Il n'y a pas d'emplacement spécifique avec un horaire préétabli. Les propriétaires doivent seulement respecter le zonage et les règles qui interdisent, par exemple, la présence d'un camion à moins de 30 mètres d'un restaurant.

La plupart des restaurateurs contactés par le HuffPost Québec étaient ouverts à un changement de ce genre, même si certains estiment que le modèle actuel peut fonctionner s'il est géré plus adéquatement. Ils souhaitent toutefois que l'aspect gastronomique de la cuisine de rue montréalaise reste inchangé.

À Toronto, l'offre est ridicule. Ce n'est pas bon, ce qu'ils vendent.Olivier Berkani

«Mais tu peux aller te chercher un hot dog à 3h du matin. À Montréal, il y a plein de contraintes que la ville nous impose qui vont à l'encontre de ce que c'est, la bouffe de rue. Tu en veux à midi pour les bureaux et en soirée pour les fêtards.»

À Montréal, les heures d'activité des camions sont de 6h à 23h. Les arrondissements peuvent réduire cette période encore davantage.

La mairesse Valérie Plante a invité Mme Benomar à rencontrer M. Beaudry pour peaufiner le programme de cuisine de rue. Mme Plante a souligné qu'il était encore temps d'apporter certains correctifs.

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