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«Quelle famille!» de François Massicotte: un air de déjà-entendu

François Massicotte avait l'inspiration plutôt inégale lors de ses dernières séances d'écriture...
Facebook/François Massicotte

Dans son dernier spectacle, Jugez-moi, lancé en 2013, François Massicotte consacrait un long segment à ses enfants, dont trois (deux à l'époque) ont été adoptés. Il balançait alors une réflexion inspirée des commentaires qu'émettent souvent les gens lorsqu'ils constatent que sa progéniture n'est pas de la même origine ethnique que la sienne.

«(...) Ma blonde m'a trompé deux fois avec P.K Subban, et on les garde, parce que ça nous ramène un gros chèque à chaque mois», clamait-il, du ton un peu au-dessus de ses affaires qu'on lui connait. Nous retranscrivions alors cette ligne mot à mot dans notre critique, ici.

Mercredi, c'était soir de première de Quelle famille!, le septième one man show de Massicotte, au Théâtre St-Denis. Il n'y avait pas une demi-heure d'écoulée à la prestation que l'artiste reprenait presque exactement la même blague en référence à PK Subban.

Voilà qui s'avérait d'entrée de jeu un brin décevant. Peut-être est-ce là une boutade récurrente dans le quotidien de François Massicotte, mais pour les spectateurs qui paient pour se dilater la rate, ce remâchage de contenu est un peu difficile à avaler. Et ce n'était pas tout puisque, plus tard, il allait ressusciter un autre numéro de Jugez-moi, celui de cette fausse vente de garage où il donne un double sens à ses vieux objets. Décidément...

La présence de quatre chérubins sous son toit enlève-t-elle du temps à l'humoriste pour pondre du matériel 100% inédit? Quoi qu'il en soit, avec Quelle famille! – oui, comme la série de Janette Bertrand et Jean Lajeunesse à la fin des années 60 -, Massicotte reste dans sa zone de confort en voguant sur le thème, vous l'aurez compris, de la famille. Une notion qu'il a déjà largement explorée dans le passé, mais dans laquelle il est résolument à l'aise, la matière première l'occupant à temps plein.

Convenu

François Massicotte est loin d'être dépourvu de talent : il est un as du stand up brut, a l'esprit présent comme pas un et sait dégainer avec une tournure efficace à chacune de ses phrases, ou à peu près.

«Tu sais comment c'est, t'achètes un billet pour une première et tu arrives à temps pour une supplémentaire», a-t-il glissé à propos de la difficulté à stationner, dans son mot de bienvenue au parterre, qui se révélait pourtant prometteur.

Certains de ses punchs sont réellement efficaces, et l'homme est pleinement à l'aise sur scène. Puis, les gens l'aiment : ça riait beaucoup, fort et sincèrement, mercredi, et le St-Denis n'était pas bondé que d'amis connus en cette rentrée médiatique.

Sauf que ses sujets convenus, déjà traités à maintes reprises – souvent par lui-même - et amenés sans grande recherche rendront sa plus récente proposition tout à fait banale aux oreilles de quiconque s'intéresse le moindrement aux derniers courants en humour. On est loin de la finesse d'un Louis-José Houde ou d'un Fabien Cloutier, ou de l'audace d'une Mariana Mazza.

Car on préfère évidemment quand un humoriste se réinvente et brûle de visiter de nouvelles avenues dans ses projets. François Bellefeuille a annoncé vouloir jaser de sa paternité dans Le plus fort au monde, sa deuxième offrande, mais il le fera du ton de son personnage de scène, décalé et constamment hérissé, ce qui lui garantit d'emblée un angle unique.

Peut-être que, arrivé à sa septième tournée comme François Massicotte, Bellefeuille aura lui aussi plus de mal à creuser son propre bassin, concédons-le. Mais dans un contexte où nos comiques jouent du coude pour se tailler une place au soleil et la conserver, où le public se trouve devant un choix quasi infini de talents à découvrir, il existe bien peu d'excuses pour justifier de récupérer des gags, et même des thématiques, d'un précédent opus. C'est au moins l'effort qu'on exige de nos artistes. Sinon, à quoi bon?

Tranches de vie

François Massicotte donne beaucoup dans la tranche de vie, par les temps qui courent, tout comme sa conjointe, Bianca Longpré, qui surfe depuis quelques mois sur un projet de son cru intitulé Mère ordinaire. Ses anecdotes impliquant leurs tout-petits obtiennent un succès monstre sur les réseaux sociaux. À grands coups de «Vous aimez? Partagez!», Longpré résonne, et fort, sur Facebook, en détaillant longuement, photos à l'appui, les incidents, défauts mignons et mots d'enfants de ses précieux.

Le style coup-de-poing de la blogueuse du HuffPost Québec lui attirant des détracteurs, mais aussi plusieurs fidèles, le concept Mère ordinaire se décline maintenant dans une série de conférences, et plusieurs mamans de toutes les générations se reconnaissent dans ses propos. Visiblement, nos mères ont besoin de ventiler. Caroline Allard et ses Chroniques d'une mère indigne avaient lancé la vague il y a quelques années, les (Z)imparfaites ont suivi, et Bianca Longpré a fièrement repris le flambeau, à sa façon. De toutes les tribunes qui causent actuellement maternité sur le web, Mère ordinaire est certainement la plus populaire.

François Massicotte s'est en quelque sorte allié à sa compagne dans cette entreprise, et lui aussi exprime maintenant ses grandes splendeurs et petites misères de tous les jours sur la toile. Les abonnés aux pages Facebook du tandem reconnaîtront, dans Quelle famille!, des épisodes déjà racontés en moult détails dans différents statuts devenus viraux, comme cet extrait où Massicotte dépeint sa difficulté à contribuer aux tâches de la maisonnée ou à faire l'épicerie adéquatement, ainsi que le récit d'un séjour en camping.

«Si tu n'as pas de liste, tu reviens avec trois semaines de collations pis un souper». C'est ainsi qu'il décrit les aptitudes des pères lorsque vient le temps d'arpenter le supermarché, eux qui seraient, dit-il, incapables de savoir ce que sont des ravioles, ou simplement de trouver le pain 12 grains dans les rangées.

L'évocation de l'entrée à la maternelle de sa fillette et ses réticences devant les obligations entraînées par la composition des lunchs avaient été entendues au dernier Festival Juste pour rire. Puis, on prédit sans hésitation une levée de boucliers si les plaisanteries éculées de François Massicotte sur les «Germènes» (qui sont apparemment mariées avec des «Gérard», comme dans «Gérard-ment pris une décision») devaient se mettre à circuler hors de ses salles de spectacles. En ces temps où la rectitude politique nous guette à tout instant, ses allusions au fait qu'il ait adopté sa marmaille du Centre jeunesse de Montréal pourraient aussi lui valoir une volée de bois vert («Il faut encourager les produits du Québec. Achetez local, qu'ils disent, produits du terroir...»), au même titre que ses «explications» pleines d'autodérision sur la bipolarité (dont il est atteint).

Parmi ses bons coups, Massicotte se permet plusieurs flèches à Gilbert Rozon et Éric Salvail. Il aurait notamment croisé un faux Gilbert Rozon dans une maison hantée pendant sa virée d'Halloween, mardi. Bravo pour l'absence d'hypocrisie. On aurait aussi pris plus de moments comme ces «griefs» intentés aux «familles parfaites». Hélas, François Massicotte avait l'inspiration plutôt inégale lors de ses dernières séances d'écriture.

François Massicotte présente Quelle famille! en tournée et s'arrêtera à Québec le 14 novembre, et reviendra à Montréal le 20 janvier 2018. Plus de détails au francoismassicotte.com.

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