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La dernière danse du chanteur Johnny Clegg

Le Sud-Africain reconnu pour son art, mais aussi pour son soutien à Nelson Mandela, a entamé un long voyage.
Courtoisie

Après quatre décennies à créer de la musique, l'auteur-compositeur-interprète sud-africain Johnny Clegg, alias le Zoulou blanc, propose une dernière tournée intitulée The Final Journey. Cet artiste de 64 ans, qui a défié le régime de l'Apartheid en Afrique du Sud et fait la promotion de la réconciliation, offre un concert à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des arts, jeudi soir.

Reconnu à travers le monde pour son art, mais aussi pour son soutien à l'ancien président Nelson Mandela, Johnny Clegg propose en ce moment un concert d'adieu. Depuis le début juin, il a entamé un long voyage qui lui permettra de visiter plusieurs villes en Amérique du Nord, en Europe, aux Émirats arabes unis, et bien entendu en Afrique. Jusqu'à présent il a livré une vingtaine de spectacles. Mentionnons les villes de Londres, Dubaï, et Boston.

«Une décision difficile»

Souffrant d'un cancer du pancréas - diagnostiqué il y a deux ans -, il a décidé de profiter d'une période de rémission pour partir en tournée, le temps d'une dernière danse.

«Ce fut une décision difficile à prendre, indique-t-il d'entrée de jeu. J'ai eu une carrière gratifiante à bien des égards, même à un moment où cela semblait carrément impossible. J'ai envie de boucler correctement la boucle avec mes fans. Je vais conclure avec élégance ce que j'ai commencé quand j'étais jeune adolescent.»

«Mes spectacles sont très physiques, avec beaucoup de danses, renchérit-il. Je veux faire mes adieux pendant que j'ai encore la capacité de livrer de bons concerts. À la suite d'une deuxième phase de traitements de chimiothérapie en février, j'ai rencontré mon agent et d'autres personnes pour leur expliquer qu'une dernière tournée, si elle devait avoir lieu, devait se passer le plus tôt possible...»

La genèse

Né au Royaume-Uni en 1953 d'un père britannique et d'une mère chanteuse immigrée dans l'actuel Zimbabwe, Johnny Clegg arrive à l'âge de 7 ans dans une Afrique du Sud où la minorité blanche domine outrageusement la majorité noire.

La fascination de Johnny Clegg pour les danses et les mélodies zouloues est née dans les années 1960 dans les résidences pour travailleurs noirs de Johannesburg. Il s'y rendait secrètement pour danser avec les troupes traditionnelles. Bien sûr, il devait braver les lois de l'apartheid qui interdisaient formellement à un Blanc de se «mélanger» ainsi aux Noirs.

À la toute fin des années 1970, Johnny Clegg publie son premier album intitulé Universal Men, qu'il a enregistré avec son premier groupe Juluka. Il mélange la pop occidentale aux rythmes zoulous. À sa grande surprise, le public en raffole. Quelques années plus tard, il devient vedette internationale grâce à la sortie de l'album Scatterlings of Africa.

Avec le disque Third Wild Child (1987), Clegg apportera ensuite une dimension sociopolitique à son travail. La chanson Asimbonanga («Nous ne l'avons pas vu», en langue zouloue), notamment, rend hommage au dirigeant du Congrès national africain Nelson Mandela, alors incarcéré depuis 20 ans dans un pénitencier situé sur une île au large du Cap. Le régime de Pretoria ne supporte pas cette pièce, comme tout ce que représente Johnny Clegg, d'ailleurs.

Le reste est de l'histoire ancienne. Ce qu'il faut retenir surtout c'est que la réalité sociopolitique de l'époque a profondément marqué l'œuvre de Johnny Clegg. Celui-ci a vu la police arrêter de nombreuses fois ses amis musiciens au fil des ans. «Honnêtement, je n'avais pas de motivations politiques, affirme M. Clegg. Ce qui m'intéressait, moi, c'était la culture. J'aime la musique, la danse, la langue. Quand on vous empêche de vous y intéresser, et encore moins de les partager, ça devient fâchant. Alors, j'ai milité à ma manière, à travers les chansons et les concerts.»

À ce jour, Johnny Clegg a vendu environ cinq millions d'albums dans le monde entier. Il espère que d'autres artistes comme lui prendront le relais, même si l'industrie musicale en Afrique du Sud s'est surtout transformée au profit des créateurs de hip-hop et de R'n'B. «Au niveau commercial, les musiques inspirées des traditions africaines sont en train de mourir.»

D'autre part, l'Afrique du Sud aurait d'autres enjeux plus préoccupants ces jours-ci. «Nous traversons des moments difficiles, lance Johnny Clegg, qui habite la capitale Johannesburg depuis de nombreuses années. Le pays est gangréné par la corruption. Les Sud-Africains tentent de lutter en cour constitutionnelle contre le gouvernement au pouvoir, qui détruit essentiellement la nation en volant beaucoup d'argent. Mais bon, nous gardons espoir.»

Un spectacle autobiographique

Afin de donner corps à son nouveau spectacle, le chanteur-musicien a décidé d'y incorporer plusieurs pans de sa carrière et de l'histoire de l'Afrique du Sud. C'est ce qu'il appelle l'aspect autobiographique de The Final Journey. «C'est un voyage à travers mes chansons, ma carrière, mais aussi à travers l'histoire d'une population. Je veux raconter aux spectateurs comment j'ai commencé mélanger différentes cultures. J'évoque aussi mon travail avec mon deuxième groupe, Savuka, à partir de la moitié des années 1980.»

Il est fort probable qu'il raconte aussi l'histoire touchante impliquant le président de l'Afrique du Sud Nelson Mandala qui, en 1999, à Francfort en Allemagne, est alors monté sur scène pour danser et chanter la pièce Asimbonanga en sa compagnie. Une surprise inattendue qui a marqué l'imaginaire du chanteur et de ses fans.

«À vrai dire, je survole les 40 ans de ma carrière dans ce spectacle. Je ne peux pas passer sous silence l'Apartheid et les terribles conditions vécues par les Noirs de l'époque. C'était extrêmement difficile de livrer des prestations avec un groupe métissé, dans un pays qui séparait de manière systémique les gens et les cultures.»

À cet égard, le percussionniste et danseur Dudu Zulu, qui était membre du groupe Savuka, a été tué lors d'émeutes associées à l'apartheid, en 1992.

Pour la tournée, Johnny Clegg est accompagné de deux membres de Savuka, dont le guitariste Sipho Mchunu. À ceux-ci s'ajoutent quatre autres personnes sur scène.

Un album et un DVD

Outre ses vieux succès, Johnny Clegg interprète quelques morceaux de son nouvel album à sortir prochainement. Il faut mentionner que l'artiste est en train de produire un DVD, question d'immortaliser cette dernière tournée.

«Même si je fais mes adieux à de nombreux fans, je vais continuer de voir mes amis de Savuka, indique Johnny Clegg. Je vais aussi composer de la musique pour des films et autres collaborations.»

Johnny Clegg a offert un spectacle à Québec mardi soir. Il sera à Toronto mercredi et à Montréal jeudi.

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