Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Usine d'eau potable Pierrefonds: la Ville de Montréal reprend des travaux à zéro cinq ans plus tard... pour plus cher

Un nouvel appel d'offres pour des travaux prévus depuis plusieurs années.
Getty Images/iStockphoto

La Ville de Montréal lancera bientôt un nouvel appel d'offres pour des travaux prévus depuis plusieurs années à l'usine d'eau potable Pierrefonds. Après de nombreux déboires, le nouveau contrat coûtera 9,7 M$ de plus que prévu.

La Ville a déjà englouti 73 M$ en travaux à l'usine de Pierrefonds entre 2004 et 2010 afin de doubler sa capacité de production et de respecter les normes gouvernementales instaurées en 2001. La Ville tente de boucler le projet depuis 2012 avec une dernière phase de travaux, sans succès.

Les premiers contrats pour cette nouvelle phase ont été accordés en 2012 et 2013. Mais des problèmes sont survenus lorsque la Ville a tenté d'octroyer le contrat pour les travaux d'architecture. Notamment, la première soumission conforme reçue dépassait de plus de 50% l'estimation municipale.

Si la Ville avait accepté cette soumission, au coût de 10,3 M$, elle aurait payé au total 22,2 M$ pour l'ensemble des travaux. Elle a toutefois décidé de retourner en appel d'offres. Après d'autres péripéties, elle a décidé en 2015 de recommencer le travail au complet en un seul contrat.

Les cinq contrats déjà accordés ont été résiliés et des compensations totalisant 858 000$ ont été payées aux entreprises.

Selon des documents soumis au comité exécutif au début du mois d'août, Montréal prévoit désormais payer 31,9 M$. Le cabinet du maire Denis Coderre n'a pas souhaité commenter le dossier.

«L'envergure du projet est restée similaire, à l'exception de quelques ajustements dus à la désuétude de certains équipements», lit-on dans le sommaire exécutif.

Un contrat de 2,7 M$ a déjà été accordé pour refaire les plans et devis.

Notons qu'un des contrats résiliés, celui accordé à l'entreprise Filtrum pour la mécanique de procédé, était déjà largement supérieur à l'estimation municipale. La Ville estimait la valeur du contrat à près de 5 M$, mais la soumission a atteint 7,1 M$.

Pas nécessairement mauvais

Selon Constantine Katsanis, professeur de génie à l'École de technologie supérieure, plusieurs facteurs peuvent expliquer le choix de réunir les contrats, même si la facture est plus élevée.

«Ce n'est pas seulement une question du prix du contrat. Il y a aussi les coûts connexes. Plus il y a de contrats, plus on doit payer pour des gens qui vont surveiller les contrats», souligne M. Katsanis.

Selon le professeur, l'état du marché peut aussi jouer sur la décision.

«Est-ce que les entreprises qui pourraient faire le travail sont intéressées à avoir un tel contrat? Est-ce qu'elles sont trop occupées déjà avec d'autres projets?», demande-t-il.

Travaux inutiles?

«Tout le dossier de l'usine Pierrefonds est une véritable catastrophe», lance Sylvain Ouellet, porte-parole de Projet Montréal en matière d'eau.

«Ce qui m'énerve, c'est que pendant ce temps on n'analyse pas l'ensemble de nos installations pour évaluer nos besoins.»

M. Ouellet concède que l'usine de Pierrefonds atteint 136% de sa capacité maximale pendant les pointes d'utilisation en été. Mais il estime que la solution passe par une meilleure connectivité avec les autres usines de l'Ouest de l'île, qui sont sous-utilisées.

Selon un reportage publié dans le quotidien The Gazette en 2016, le directeur de l'usine de Pointe-Claire avait averti l'administration de Gérald Tremblay en 2008 que les travaux à Pierrefonds étaient inutiles puisque la capacité inutilisée de son usine suffirait amplement à la demande.

M. Ouellet souligne toutefois que certains travaux demeurent nécessaires à l'usine Pierrefonds afin de répondre aux normes gouvernementales.

Entrepreneur échaudé

François Noël, président d'une des entreprises ayant reçu un contrat en 2013, se dit fort agacé par l'attitude de la Ville dans ce dossier.

«Faire affaire avec la Ville de Montréal, c'est épouvantable. Le plus important pour eux, c'est de ne pas donner l'impression qu'on avantage une entreprise», lance-t-il en entrevue au HuffPost Québec.

M. Noël dénonce la gestion des projets par la fonction municipale.

«Les avocats travaillent plus que les ingénieurs à la Ville. On a des contrats pour lesquels on n'a pas été payés depuis plusieurs années parce que c'est devant leur contentieux.»

Une saga sans fin

Le contrat d'architecture pour l'usine Pierrefonds a causé d'importants maux de tête à la Ville de Montréal.

«Trois appels d'offres ont été lancés successivement. Au premier, aucun soumissionnaire n'a répondu. Pour les deux suivants, les écarts étaient trop élevés entre l'estimation et les soumissions reçues», explique la porte-parole de la Ville, Gabrielle Fontaine-Giroux.

Le premier appel d'offres, lancé en mars 2013, est survenu moins d'un an après la mise en accusation de Paolo Catania. Jusqu'à cette date, ses entreprises remportaient tous les contrats auxquels elles soumissionnaient pour l'usine Pierrefonds. Divers intervenants ont soupçonné un partage des contrats entre M. Catania et Tony Accurso, qui remportait la plupart des contrats pour l'usine d'eau potable Atwater.

Après le troisième appel d'offres infructueux, la Ville a séparé le contrat d'architecture en quatre lots et octroyé deux contrats.

«Le délai engendré par les appels d'offres infructueux [...] a eu pour effet de ralentir le processus et repousser le moment où les travaux devaient débuter. [...] La Ville a donc entrepris des discussions avec les entrepreneurs afin d'intégrer une nouvelle date pour le début des travaux, qui n'ont pas eu les résultats escomptés. Les contrats avec ces entrepreneurs ont donc été résiliés», affirme Mme Fontaine-Giroux.

Sans eau potable depuis 20 ans dans une réserve ontarienne

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.