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IKEA et l'UNICEF accusés de plagiat par une artiste Québécoise

L'artiste Claude Bouchard les dénonce d'avoir copié ses créations.
Heinz-Peter Bader / Reuters

Des jouets en peluche se retrouvent au coeur d'une poursuite de plus de 22 millions $: une artiste québécoise accuse IKEA Canada et l'UNICEF d'avoir copié ses créations.

L'artiste Claude Bouchard a déposé la poursuite au palais de justice de Montréal, lundi.

Elle allègue qu'IKEA Canada et une autre branche du géant suédois, le franchiseur Inter IKEA Systems, ainsi que le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) ont violé ses droits d'auteur sur des jouets uniques dont elle a créé le concept il y a des décennies.

Il s'agit de jouets en tissu reproduisant des dessins d'enfants, représentant souvent des créatures imaginées de toutes pièces par des bambins.

L'artiste en confectionne depuis 1970, et elle offre à l'appui de nombreux extraits d'articles de journaux et de magazines, certains remontant aux années 1970 et 1980, qui font l'éloge de ses jouets. Elle soutient que ses créations, qui se retrouvent aussi dans des musées, étaient suffisamment connues et qu'IKEA ne pouvait ignorer leur existence.

Mme Bouchard dit avoir vu «avec stupéfaction» dans un magasin IKEA de Montréal en janvier 2016 des jouets similaires aux siens. Elle accuse donc la chaîne de magasins de meubles d'avoir reproduit et commercialisé illégalement une partie importante de ses oeuvres. Des millions de ces peluches auraient été vendues par IKEA, est-il allégué dans la procédure.

Elle énonce avec moult détails ce qu'elle estime être des caractéristiques uniques de ses jouets, qui se retrouvent aussi dans les peluches IKEA, notamment l'utilisation de cuir pour faire les yeux et les bouches des jouets, plutôt que du plastique, des yeux ronds cousus avec les coutures bien visibles, des jouets adaptés à la dimension des mains d'enfants, etc.

Le droit d'auteur

«On ne prétend pas avoir le monopole sur (...) les jouets en tissu faits à partir de dessins d'enfants», a expliqué en entrevue téléphonique l'avocat de Mme Bouchard, Jean G. Robert.

Sa cliente plaide une violation de son droit d'auteur, précise-t-il. Il appuie son argumentation notamment sur la décision de la Cour suprême du Canada dans la célèbre affaire qui a opposé Claude Robinson à Cinar, pour sa création «Robinson Curiosité», que Cinar avait transformée en «Robinson Sucroë». M. Robinson avait eu gain de cause en Cour suprême, qui a reconnu que son droit d'auteur avait été violé.

«La Cour suprême a établi essentiellement qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait violation du droit d'auteur de quelqu'un, qu'une autre personne en fasse une copie absolument parfaite et conforme. Il suffit que l'on retrouve dans le produit en question les caractéristiques essentielles et fondamentales du produit de l'artiste original.»

L'UNICEF

Mme Bouchard soutient par ailleurs avoir vendu ses jouets dans la boutique de l'UNICEF située sur la rue Saint-Denis à Montréal de 1994 à 2005.

Elle avait ensuite présenté un plan d'affaires à l'UNICEF pour vendre ses jouets à l'international pour le 50e anniversaire de l'organisation.

Celui-ci aurait été refusé, car elle n'avait pas les moyens de produire ces jouets à grande échelle, est-il écrit dans la procédure.

Mme Bouchard énonce que l'UNICEF collaborait avec IKEA depuis 2003 pour une série de jouets appelée «Des peluches pour l'éducation» et qu'en 2014, IKEA aurait commencé à vendre la collection «Sagoskatt», avec un concours où un enfant voyait son dessin transposé en jouet. L'entreprise verse ensuite une portion des ventes à l'UNICEF.

Les peluches faites par IKEA n'ont pu être créées sans l'aide de l'UNICEF, qui avait eu un accès privilégié à son concept, soutient Mme Bouchard.

Est-il possible qu'IKEA ait conçu ses peluches sans jamais avoir vu celles de Mme Bouchard?

«Ce serait inconcevable», rétorque Me Robert. Ses oeuvres étaient trop connues, fait-il valoir. Et puis, il faut vérifier un minimum si le concept d'un produit est protégé avant de le produire, dit-il.

Mme Bouchard réclame donc une portion des profits ainsi que des dommages-intérêts pour le préjudice psychologique qu'elle a subi.

Aucun fait allégué par Mme Bouchard n'a encore été prouvé devant un tribunal.

IKEA et l'UNICEF n'ont pas voulu commenter dans l'immédiat, disant ne pas avoir suffisamment d'information sur la situation pour le faire. Une porte-parole d'IKEA a indiqué que l'entreprise n'avait pas encore reçu la procédure.

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Les dommages réclamés

À IKEA Canada: 55 500 $

À Inter IKEA Systems B.V. : 810 000 $

À l'UNICEF: 20 952 000 $

Aux trois, solidairement: dommages pour préjudice psychologique de 200 000 $

Stéphanie Marin, La Presse canadienne

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