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L'arrêt Jordan un an plus tard: la hantise des victimes

Près de 950 requêtes en arrêt des procédures pour délais déraisonnables ont été déposées au Québec depuis un an.
Radio-Canada

Depuis un an, les victimes et leurs familles vivent dans la peur que l'arrêt Jordan marque une fin cruelle au processus judiciaire qu'elles traversent. Après 12 mois, le système judiciaire assure que la crise des délais judiciaires est enfin terminée, même si de nouveaux problèmes ont émergé.

Un texte de Geneviève Garon

Lise Castonguay ne prononce jamais le nom de l'assassin allégué de sa fille. Lorsqu'elle y fait allusion, son regard se durcit, ses lèvres se serrent et ses propos sont sans équivoque : nul doute qu'elle parle de « lui ».

Cet homme, c'est Maxime Labrecque, l'ex-conjoint et père des deux enfants d'Isabelle Lavoie, 31 ans. Il est accusé d'avoir poignardé à mort la mère de famille dans son logement de Saint-Hyacinthe, trois semaines après leur rupture.

Dix mois après son arrestation, Maxime Labrecque est détenu et aucune date n'a encore été fixée pour son enquête préliminaire, et encore moins pour son procès.

Lise Castonguay et ses proches ont vu avec effroi trois meurtriers allégués obtenir un arrêt des procédures au Québec en raison des délais déraisonnables. Les mois s'écoulent vite, et Mme Castonguay craint déjà que le plafond de 30 mois soit outrepassé.

« C'est très pénible, affirme-t-elle doucement. On ne fera pas notre deuil tant qu'il ne sera pas condamné. Mais là c'est toujours reporté, comment peut-on faire notre deuil? »

Les droits de ma soeur sont où là-dedans? Elle ne voulait pas mourir!Mélanie Lavoie, sœur de la victime

Le 8 juillet 2016, la Cour suprême a établi dans l'arrêt Jordan que les procédures judiciaires ne doivent pas excéder 18 mois en cour provinciale et 30 mois en Cour supérieure. Au-delà de ces limites, les délais peuvent être considérés « déraisonnables » et mener à l'arrêt des procédures.

Une amélioration notable

Près de 950 requêtes en arrêt des procédures pour délais déraisonnables ont été déposées au Québec depuis un an.

Environ 145 décisions ont été rendues et 68 d'entre elles ont mené à l'abandon des accusations. Une grande proportion de ces décisions concernaient des dossiers de conduite avec les facultés affaiblies.

Le juge en chef de la Cour supérieure, Jacques R. Fournier, partage l'indignation de la population. « La population est outrée, et elle a raison. Elle a raison d'être outrée », dit-il.

Si de longs mois peuvent s'accumuler avant l'enquête préliminaire, comme dans le cas de Maxime Labrecque, M. Fournier affirme que les procédures judiciaires s'accélèrent ensuite.

Depuis un an, la crise a permis de réduire de 30 à 17 mois le délai entre la fin d'une enquête préliminaire et le procès.

Des conséquences inquiétantes

Une bonne nouvelle, qui comporte toutefois un revers, selon le juge en chef. « Pendant ce temps-là, le cancer des retards est en train de gruger les délais ailleurs. »

Les cours civiles sont engorgées et les causes familiales prennent du retard, parce que des juges ont été déplacés vers les cours criminelles.

Le magistrat plaide pour un changement de culture chez les avocats. « Il faut qu'on arrête de perdre du temps dans des débats qui sont stériles, soutient-il. Le nombre incalculable de requêtes il faut que ça cesse. [...] Il faut que le juge prenne le contrôle de sa salle d'audience. »

Jacques R. Fournier dénonce aussi les procès civils entre citoyens fortunés qui s'étirent inutilement.

On ne peut plus avoir des procès de 60 jours dans un divorce. Je l'ai vu, je trouve cela scandaleux. Jacques R. Fournier, juge en chef de la Cour supérieure

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